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Sacrilege + Alba
@ Isla R. Darcy
HIBOUX : 337
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Isla avait l’impression d’entendre encore son nom résonner, les demandes affluer. On cherchait la Suprême, on lui voulait des comptes, mais où diable se cachait la Spymaster ? Le concile ne cessait de taper à sa porte, la charge de travail lui pesait sur les épaules et ne lui laissait plus le loisir de prendre du repos. Le dernier élan de colère qu’avait poussé Siuan dans le bureau de sa supérieure la hantait toujours, car l’assistante se rangeait pour une fois du côté de son ennemie. Elle ne le disait pas à voix haute, n’informait pas la Suprême de sa prise de position, car, de toute évidence, celle-ci connaissait déjà le fond de ses pensées. La venue de Grindelwald au milieu de ses visions l’inquiétait depuis le petit tour de passe-passe qu’elle avait mené avec la Damodred ; une sensation d’anxiété insidieuse ne la quittait plus. Elle se sentait épiée. Quand elle fermait les yeux, de terribles scénarios se déroulaient pour Avalon et elle n’arrivait pas à lutter contre l’anticipation terrible. Un malaise la tenait fermement accrochée à son travail, qui lui semblait être le seul moyen de contrôler ne serait-ce qu’un peu le cours du temps, posture parfaitement irrégulière pour une prophétesse.
Et comme si cela ne suffisait pas, il fallait que Siuan n’en fasse qu’à sa tête, ne répondant plus aux sommations de leur supérieure. Isla avait l’impression de lui courir après : et ça n’était pas non plus une posture qui lui plaisait. Les deux femmes avaient cessé leurs jeux gamins depuis qu’avait fuité le nom et le passif de la réfugiée maudite dans la presse. Mais l’espionne ne se rendait disponible que selon ses humeurs et débarquait quand bon lui chantait dans le bureau de l’assistante — voire de la Suprême, directement, en dérogeant au protocole établi, ce qui avait le don de profondément l’irriter. Elle n’arrivait plus à se faire entendre non plus de sa Supérieure, avec laquelle elle avait débattu farouchement d’une meilleure manière de faire entrer la réfugiée sur l’île. Isla était secrétaire, assistante — conseillère. Mais personne ne semblait vouloir prêter attention à ce qu’elle avait à dire et son impuissance commençait à lui peser. Quel était son rôle, si ses paroles n’étaient plus entendues ? N’était-elle pas celle qui voyait le futur, qui anticipait, fine stratège ? Ne l’avait-on pas nommée pour ces prédispositions, au-delà de l’amitié que lui vouait sa Suprême ? La prophétesse était habituée à rester à l’abri des coulisses, à se faufiler derrière les ombres de la Spymaster, de la Suprême, ne pas poser sa voix au concile, à travailler d’arrache-pied pour la suprématie. Elle y avait perdu son mari et son fils.
Dans les ombres, elle observait et conseillait. Réduite au rôle d’observatrice silencieuse, sa position la frustrait intensément.
Les yeux définitivement perdus par-delà le dossier entre ses mains, Isla se dit que se pencher sur sa vie intime n’était pas plus réjouissant. La santé de sa grand-mère déclinait, mais passait au second plan. Bientôt, elle le sentait, elle devrait prendre sa place comme matriarche au sein des Darcy. Sa mère n’avait pas droit au siège, n’étant pas dotée par le don partagé par la petite-fille et Rhiannon. Elle n’avait plus son fils pour succéder, ni d’autres enfants qui sauraient lui faire justice par la suite. Et elle refusait que les enfants d’Imogène prennent place au siège de décision.
Quant à Fay… et bien Fay était une De Beaumenoir.
Qui était amoureuse d’une autre De Beaumenoir.
La situation de sa protégée, de son enfant, de sang ou non, lui pesait atrocement. L’intendante lui avait laissé le temps demandé. Isla ne se faisait toujours pas à l’idée et ne savait toujours pas comment prendre la chose. La chose incestueuse, la relation qui n’avait pas lieu d’être, qui la révulsait profondément. La prophétesse se contentait de ne rien dire, de ne pas parler de quelque chose qui pourrait rompre sa précieuse relation. Elle ne supporterait pas de perdre Fay, alors, le temps qu’elle … s’habitue, ou tolère peut-être, elle gardait le silence. Elle ne négligeait pas son devoir de mère substitutive auprès d’elle et se devait de toutes façons d’aller systématiquement la chercher pour diverses tâches : entretenir les ruches cachées, venir aux réunions. Isla avait décidé de faire l’effort de tolérer cet élément qui était clairement essentiel au bonheur de Fay. Mais elle se refusait pour l’instant à voir Andrea, et quand elle les croisait, de loin, elle s’évitait toute intervention, le cœur soulevé d’une horreur qui s’apaisait au profit d’un sentiment de contrariété.
Impuissante encore.
Son mal de crâne revenait.
Les doigts calés sur ses tempes, le dossier claqué sur le bureau, Isla n’avait pas entendu les pas légers de sa belle-sœur, habituée à se faufiler partout, ni son premier appel.
« Isla ? » La prophétesse releva la tête, posant son regard dans celui contrarié d’Iris. Voilà un autre problème, par ailleurs. Sa belle-sœur semblait tendue, depuis quelque temps. Isla avait misé sur la pression de la place qu’elle lui avait donnée, après tout, sa position auprès d’elle n’était pas un cadeau. Isla n’était pas tyrannique mais peu charitable concernant son travail, et même sa belle-sœur n’écopait pas d’un soulagement de peine.
« Excuse-moi, j’étais perdue dans mes pensées.
— Je ne trouve pas Siuan. J’ai déposé un mot sur le bureau de Ciara. L’annonce était sans détour et sans politesses habituelles. Le visage de la Sharp Eye était tordu par une douleur qu’elle semblait vouloir lui cacher en adoptant une posture droite, les mains rangées dans son dos, faisant un rapport concis qui ne demandait pas à être négocié. Isla retint un soupire et décida de se redresser également, le bureau les séparant.
— N’as-tu pas trouvé son assistante ? Le rendez-vous est aux aurores demain matin.
— Si je l’avais trouvée, je ne lui aurais pas laissé un mot. »
Isla fronça les sourcils, un air de surprise passa sur son visage comme un éclair. Elle en savait comment prendre la riposte d’Iris qui n’était pas dans ses habitudes. Par ailleurs, Isla n’était pas non plus d’humeur à gérer une nouvelle crise d’attitude comme elle pouvait en avoir parfois, étrangement. La prophétesse avait l’impression de la revoir dans sa jeunesse quand elle ne savait pas maîtriser ses émotions.
« Je peux savoir ce qu’il t’arrive ? » La Sharp Eye ne lui répondit rien mais ne sut cacher la contrariété qui envahissait ses traits. Sans nul doute que la question, à la fois sèche et inquiète ne lui plaisait guère. Iris soutint longuement le regard inquisiteur d’Isla qui cherchait, fouinait, fouillait son regard et son aura à la recherche d’une réponse puisqu’elle ne lui en fournissait aucune. La métamorphomage sembla détester ce à quoi elle était pourtant habituée et se détourna, passa une main sur ses temps comme pour les dénouer d’un mal pesant. L’assistante contourna alors son bureau et s’approcha de sa belle-sœur, tendant une main réflexe qu’elle voulut poser sur son bras.
Contre toute attente et avec une rapidité et une sècheresse qu’elle ne lui connaissait pas, Isla se vit rejetée. Iris venait de lui claquer la main avec fermeté, relevant un regard froid. Comme si le geste la dégoutait, ou l’effrayait, ne supportant pas d’avance le contact de la peau.
« Qu’est-ce tu cherches à faire ? L’attaque l’arrêtât nette dans son avancée. L’inquiétude qui pointait son nez quelques secondes plus tôt sembla gravement reculer.
— Rien. Je m’inquiète.
— Tout va bien. Y’a-t-il encore quelque chose de plus important que de courir après Siuan, que je puisse faire pour toi, avant de partir ?
— Je ne suis pas d’humeur pour ton insolence, Iris. Rappelle-toi à qui tu t’adresses. C’était maintenant la colère qui faisait son chemin alors qu’Isla était atterrée. L’agacement ne lui faisait pas encore prendre conscience de cette posture inédite dans laquelle se posait Iris. Jamais sa belle-sœur ne lui avait adressé la parole de cette façon. Jamais elle n’avait vu ce regard étrange. Elle semblait supporter également un mal de crâne, mais la prophétesse n’avait aucune empathie à cet instant, elle aussi à bout de nerfs. Elle n’était pas disposée à prodiguer des soins pourtant habituels à la sœur de son époux. Elle ne répondait plus et se contentait de la regarder sans faillir. Ne t’avise pas de te pointer ici demain. Je t’offre gracieusement un jour de repos. Visiblement la tâche t’est difficile. Réfléchis bien avant de repasser la porte de mon bureau.
— Merci, Mme Darcy. »
Isla retint une expression colérique, serrant les poings. Elle aurait voulu lui hurler dessus, sentait dans sa gorge rouler un flot de choses qu’il lui ferait du bien de crier au visage de quelqu’un, mais Iris n’était déjà plus là, s’était faufilée à toute vitesse, claquant au passage la porte de son bureau. La prophétesse était atterrée d’un tel comportement. Elle n’avait pas senti son cœur s’affoler sous la colère, la chaleur remonter avant qu’elle ne se retrouve seule.
Elle se retourna avec lenteur, posa ses yeux ronds, incrédules, sur le dossier qu’elle avait abandonné. Ses poings fermés touchèrent le bois de son espace de travail. Il était clair qu’elle ne serait pas capable de travailler davantage ce soir. L’échange l’avait perturbée. Ses pensées affluaient dans tous les sens et Isla détestait quand son esprit était si dérangé. Les minutes passaient en silence et rien ne semblait faire effet pour calmer la colère que lui inspirait sa plus proche parente. Sa colère se mélangeait au reste, à la frustration, à l’impuissance qui la tenaillait, à cette impression terrible d’être scrutée, attendue.
Dans le chaos de ses pensées en surgit une qui semblait lumineuse. Elle ne voulait guère rentrer chez elle et y croiser ses parents, sa belle-sœur peut-être, ni l’endroit où elle avait vécu avec son époux. Elle ne serait pas davantage utile ici. Mais la célèbre Juge d’Avalon saurait éclairer sa nuit, certainement. Parfois, quand Isla était en proie au doute et au trouble, il n’y avait que sa vieille amie pour la conseiller. La De Montenuevo était connue pour la sagesse de sa parole. Elle ne prit donc même pas la peine de saisir son fidèle agenda et transplana sur le champ pour se planter devant la demeure de l’italienne. Isla dépassa le seuil du portail sans s’embêter de savoir si elle était bienvenue, ou non. Alba lui avait laissa l’accès libre. Par mesure de politesse, néanmoins, elle toqua à la porte après avoir passé le jardin en vitesse. Il ne fallut que peu de temps avant que la Juge ne lui ouvre et l’assistante entra sans attendre l’évidente invitation qu’allait lui faire Alba.
« J’ai besoin d’un verre. »
Par réflexe, Isla se dirigea vers le grand salon, pièce trésor de la maison occupée par un mobilier riche et chaleureux, certains murs couverts d’ouvrages, des plantes redonnant de la vie à l’ensemble. Elle s’arrêta sur le pas des deux portes ouvertes, cherchant une place où s’échouer avant de se laisser tomber dans un fauteuil, fermant les yeux un instant.
« C’est le moment de sortir les vieilles bouteilles de famille Alba et de prendre ce qu’il y a de plus fort. »
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@ Alba De Montenuevo
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Sacrilège
Isla & Alba
Elle ne devrait pas en être fière mais Edwin hurlait dans son bureau depuis quinze minutes et sa colère se réverbérait sur Alba comme les rayons du soleil sur l'eau. Et ça lui donnait un début de mal de tête qui n'était pas le bienvenue. L'empathe savait d'ors et déjà qu'Edwin sortirait d'ici plus serein. Plus calme.
"Je suis désolée Edwin mais je ne comprends toujours pas ce que tu attends de moi.
- Que tu agisses, que tu t'opposes à cette décision complètement absurde !
- Ton fils a dérogé au règlement.
- Il n'a tué personne, bon sang. Assouplie au moins un peu la peine !"
Alba ouvre le tiroir de son bureau où tous ses dossiers y sont parfaitement ordonnés. Celui qu'elle dépose devant elle à la même couleur violine que les cas jugés à la limite de l'inexcusable.
"Joseph Edwin Martin Aloysius ... elle relève le regard vers Edwin qui était rouge de colère. Je perds plus de temps à te citer tout son matronyme qu'à t'expliquer toutes les raisons qui justifient sa peine. Joseph etc… Halloway a été vu par quatre témoins, en bordure de la demeure de M. Hayes Sameer, représentant de la caste Pyrite et conseiller au concile, en train d'uriner et de déféquer devant le portail du domaine. Lors de s…
- Arrêtes. Tu penses que je ne connais pas le dossier sur le bout des doigts ?
- Alors pourquoi me faire perdre mon temps ? Suis-je ton avocate ou la juge ?"
Le sourire servit avec sa question donnait un aspect presque glaciale, piquant, au ton qu'elle empruntait. Parfaitement droite dans son siège, ses mains manucurées posées sur le dossier encore ouvert, elle ne lâchait pas Edwin des yeux. Le greffier vomissait de nouveau son mécontentement sans se préoccuper ni de la Juge, ni de ses murmures alors qu'elle abaissa légèrement son visage.
Le sortilège opéra immédiatement et Alba ne s'attarda pas sur la lecture des émotions d'Edwin mais chercha plutôt à en tempérer l'ardeur. Elle connaissait le greffier pour être tenace, comme un gobelin proche de son or. Le sujet étant la chair de sa chair, la juge savait qu'elle en avait pour des heures de plaintes, d'injustices, de reproches. La journée avait été longue et elle ne rêvait que d'une soirée tranquillement posée sur l'une de ses méridiennes, un verre de bon vin à la main et de la musique italienne pour lui rappeler ses terres.
L'empathe influença donc sans remords les émotions d'Edwin dont le visage s'affaissait lentement en une expression moins agressive. Le rouge à ses joues faiblit, la veine de son front s'effaça petit à petit. La colère se diluait enfin. Alba en ressenti un profond soulagement.
"Joseph n'est plus un enfant. Ses actes ont été réfléchit, on ne s'en prend pas à un membre du concile innocemment. Je suis désolée qu'il ne puisse accéder au statut de Gardien, mais ceux qui protègent Avalon sont aussi ceux qui la respectent."
Edwin bafouilla des excuses gorge de rancune mais au moins, il n'aboyait plus sur Alba et semblait moins lui en tenir rigueur. La juge le congédia après lui avoir de nouveau rappelé de devoir garder un œil sur Joseph. Un comportement comme celui-ci demandait attention et méfiance.
Elle poussa un soupir de soulagement lorsque le greffier quitta son bureau.
Comme si elle n'avait pas d'affaires plus urgentes à traiter, comme par exemple, trouver le ou la responsable de cette fuite impardonnable. Alba était furieuse qu'une telle faute ait pu être commise par un de leur membre. Leur réputation était entachée et perdait en crédibilité avec les évènements passés. Entre les tracts et l'arrivée de cette réfugiée, le bureau de la Suprême et les bancs du tribunal étaient constamment plein. Avalon avait des choses à dire.
Le bain qu'elle s'octroya eu au moins le mérite de la laver des soucis de la journée. Son mal de tête avait disparu, le bien être lui revenait comme le sourire qui flottait sur son visage. Elle déposa son parfum sur ses poignets, puis derrière son oreille, s'enrobant d'un effluve léger et ambré. Une mélodie chantait doucement en fond, Alba feuilletait un vieux livre de recherche sur le sang et la magie confortablement installé dans l'un de ses canapés. Son corps encore chaud glissé dans une robe de chambre rouge sombre en soi frissonnait de temps à autre au contact si agréable du tissu. Tout était rassemblé pour passer une soirée plus paisible que ne l'avait été la journée si elle ne comptait pas l'absence prolongée d'Helmi. Oh les deux femmes se voyaient à l'extérieur et la plus jeune échangeait des politesses qu'Alba devinait parfois exagérée par rancœur, mais Helmi n'était plus venue dans le domaine de la De Montenuevo depuis leur confrontation.
Sa protégée finira par se lasser de ce jeu. Alba la connaissait trop bien pour savoir qu'elle ne laisserait pas échapper la possibilité d'obtenir l'enseignement de la juge pour gagner en puissance, en maitrise, plus qu'elle ne l'était déjà. Au-delà de l'intérêt, il y avait aussi cet amour qu'elle ne pourrait renier.
Sa magie rouge trembla légèrement et sorti Alba de sa passionnante lecture. Au fil des années, elle avait pu constater que les ondes divergeaient selon la personne qui pénétrait sur son terrain et elle reconnaissait sans détour celles qui venaient lui chatouiller les veines. La juge déposa son livre sur la table basse et se dirigea vers l'immense porte d'entrée, ravie de la visite de son amie de toujours.
Le battant à peine ouvert et ses yeux effleurant tout juste ceux d'Isla, cette dernière s'invita sans cérémonie.
"J’ai besoin d’un verre.
- Te voilà au bon endroit.
Le ton était donné et surprit Alba qui referma derrière elles.
Isla ne l'attendit pas pour se diriger vers le grand salon et si rien ne l'offusqua, elle fut malgré tout étonnée. Isla était ici chez elle tout comme la juge pouvait trouver refuge chez la Darcy sans rougir, cependant, jamais son amie ne s'était invitée en manquant à ce point de manière. Les rares fois où Alba l'avait vu franchir les portes de sa demeure sans qu'elle n'ait le temps de la saluer, étaient celles où Siuan ou une tierce personne ( mais surtout Siuan) l'avait mise dans une fureur noire.
Alba avait donc de quoi s'inquiéter et avait toutes les raisons de se préparer à une longue nuit.
La juge trouva son amie échouée dans l'un de ses nombreux et luxueux fauteuils.
"C’est le moment de sortir les vieilles bouteilles de famille Alba et de prendre ce qu’il y a de plus fort.
- Tu m'effraies. A t'entendre un drame s'est abattu sur ta famille pour te maudire sur les deux prochaines générations."
Elle ne croyait pas si bien dire.
Aucune malédiction en vue, évidemment… Quant au drame, et bien, il était de taille aux yeux de la Darcy.
La juge rit avec légèreté et n'hésita pas à répondre à l'appel au secours d'Isla. D'un geste du poignet, la porte d'un meuble en bois massif s'ouvrit sur plusieurs bouteilles d'un grand âge et d'un grand prix. Le Pur-Feu ne serait pas à l'honneur ce soir mais c'est avec un tout autre genre de Whisky qu'elle remplissait deux verres.
"Tiens. Avec les compliments de mes origines irlandaises."
Par son père, Alba portait les gènes d'une Irlande qui le rendait parfois nostalgique mais fort heureusement pour lui, Les De Montenuevo trouvaient toujours le moyen de faire circuler ce genre de petit trésor entre eux.
Alba trinqua avec Isla puis prit place non loin d'elle, dans un autre de ses fauteuils. Jambes croisées, dos droit et coude appuyé sur l'accoudoir, elle posa ses grands yeux pétillants sur son amie.
La prophétesse portait un masque d'épuisement, d'irritation visible, de lassitude extrême. La juge n'avait pas chômée depuis des jours, mais Isla non plus. En tant que seconde de la Suprême – à la pensée de cette dernière, Alba ressentait toujours une profonde aigreur -, le poids de ses responsabilités pesait encore plus lourd. Sans parler de son don, son héritage familial qu'il lui fallait conserver sans tâche. Alba se faisait du soucis pour elle.
"Racontes-moi. Est-ce les oreilles de Cerridwyn qui vont siffler ce soir ou celles de Siuan ?"
(c) oxymort
@ Isla R. Darcy
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Elle souleva à nouveau le verre en direction d’Alba avant d’en boire une première gorgée en soupirant d’aise. La prophétesse avait un boulot monstre et s’inquiétait grandement de la fuite du concile. Néanmoins… il lui semblait que le monde n’allait pas s’effondrer si elle s’échappait quelques heures, et, après le petit cinéma d’Iris, elle avait bien le droit de s’agacer elle aussi. Elle lâcha un rire aigre à l’évocation des deux personnes qui avaient le don de glisser sous sa peau pour l’ennuyer ; même si Siuan remportait haut la main la palme d’or en la question. Sur l’île, il n’y avait personne, absolument personne pour la mettre autant hors de ses gonds. La Damodred était aussi efficace dans son travail que sur ce terrain.
« Je te laisse deviner, tiens donc ! Isla leva les yeux au ciel, passa une main sur ses yeux en poussant un long soupire. L’agacement faisait pulser son sang plus vite sous sa peau. Ses doigts tapotaient le verre pour le faire tinter dans un rythme régulier. S'il te plaît, Cerridwyn ne vaut pas la peine d’un tel agacement. Siuan, cependant… La presciente secoua la tête, exaspérée. Il était bien plus simple de blâmer la Spymaster que sa belle-sœur. Mais celle-ci n’échapperait pas aux plaintes : Isla se voulait juste dans ses plaintes. Ce soir, tout le monde y passerait. Elle n’en fait qu’à sa tête. Depuis que le nom de la réfugiée et son passé a fuité, elle a… je ne sais pas, décidé de se rebeller ! Entends-moi, je la comprends et… à dire vrai, je suis de son côté. La prophétesse remonta ses jambes un peu plus sur le fauteuil, assise d’une manière relativement peu convenable, mais rien ne lui plaisait plus à cet instant que s’enfoncer dans le beau meuble confortable. Ne va pas lui dire ça, surtout. Je n’en entendrais jamais la fin et elle m’exaspère déjà bien assez en respirant. Ses dents crissaient presque alors qu’elle avançait dans son récit. Isla, l’observatrice silencieuse, se laissait aller à ses complaintes comme un vrai moulin à paroles. Elle glissa à nouveau le verre entre ses lèvres avant d’ajouter : Je dois la chercher partout et envoyer Iris à sa recherche. Et tiens ! Parlons-en d’Iris ! Qui semble passer par une crise d’adolescence tardive et se met à me répondre avec une insolence et une répartie que je jurerais héritée de Siuan elle-même. Elle bougeait désormais sa main libre pour accompagner son récit, défaisant au passage le châle posé sur ses épaules pour révéler la forme d’une robe qui avait suivi la couleur de son humeur massacrante et s’en retrouvait noire. Au-delà de la colère résidait la tristesse que lui provoquait la situation. Mais elle ne voulait pas se concentrer sur cette partie-là. Il était beaucoup plus simple de s’arrêter sur son agacement. Mon bureau est plein, sans cesse. Je cours après Siuan, je cours après le Suprême. Je cours après le temps. Et au milieu de tout ça, personne ne semble vouloir m’écouter. »
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@ Alba De Montenuevo
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Sacrilège
Isla & Alba
Isla était comme un membre à part entire de la famille De Montenuevo. Ces derniers et les Darcy étaient reliés par de nombreux mariages, quelques amities donc celle entre Isla et Alba qui remontaient à leur enfance. Ils n'étaient pas rares que les parents de la juge ne fréquentent ceux de la prophétesse et inversement et que ces derniers se retrouvent pour des repas mondains, dans le domaine des uns ou des autres.
Isla et Alba avaient été deux petites filles partageant des secrets sous couvert des ombres d'un long couloir du manoir des De Montenuevo ou à l'arrière du grand arbre du domaine des Darcy. Le temps les avait vus grandir, les deux femmes avaient pris des chemins différents et malgré quelques détours, leur amitié avait résisté au temps et même à l'envie ou la rancœur. Car lorsqu'Isla avait été choisi pour seconder la Suprême, Alba avait ressenti l'amertume de la jalousie lui mordre le cœur avant de s'éteindre. Isla était bien la seule personne pour qui la juge vouerait une loyauté par-delà ses ambitions. Leur amitié valait plus que ça. Aussi, les deux femmes se connaissaient dans leurs bons, comme dans leurs pires moments.
Voir Isla s'empresser de s'emparer de ce verre ne faisait qu'amuser la juge. Entre elles, plus de politesses démesurées, elles pouvaient se permettre de laisser les convenances à la porte de leur demeure.
Le sujet de Siuan était toujours aussi efficace. A chaque évocation de cette femme, Isla semblait s'assoir sur des scrout à pétard, prête à bondir de son fauteuil pour faire les cents pas et vomir tout son mépris pour la Spymaster. Les bonnes habitudes ne se changeaient pas … elle était de nouveau la cause de la mauvaise humeur de son amie. Assise à ses côtés dans un autre fauteuil, Alba l'écoutait parler avec attention. Un hoquet à la fois de surprise et d'amusement franchit ses lèvres d'entendre Isla admettre être du côté de Siuan concernant la réfugiée. Un sentiment partagé en réalité … Alba était furieuse de cette fuite et était prête à user de son empathie pour obtenir les informations souhaitées. L'heure était grave et la réputation du concile en jeu.
La juge ne chercha pas à couper le flot de parole de son amie, au contraire. Cela lui faisait du bien de vider son sac sans craindre d'être jugée, surtout que lorsque nous étions dans les souliers d'Isla Darcy où tout devait être mesuré, contrôlé, retenue. Et si ses multiples plaintes à l'encontre de Siuan – qu'Alba se promettait de mettre un peu mal à l'aise à l'occasion, juste pour le plaisir de venger un peu son amie – ne la surprenait pas, entendre Isla se plaindre d'Iris en revanche, l'étonna. La robe de son amie prit une teinte noire, se dévoila sous ce châle dont elle se défaisait avec agacement.
Le poids des maux était entendu et Alba ne pouvait que compatir avec Isla. Son rôle auprès de la Suprême était une charge considérable qui s'ajoutait à celui d'être Prophétesse. Si une tierce personne s'était plainte de cela à Alba, elle ne se serait pas privée de faire entendre qu'endosser ce rôle avait été un choix fait en âme et conscience et qu'il fallait en assumer les conséquences.
De la bouche d'Isla, les complaintes prenaient un autre sens. Sa mine défaite, ses yeux fatigués, ses épaules lourdes de tous ces tracas… La juge compatissait sincèrement pour son amie chère.
"Si tu veux mon avis ma chère, tu n'es entourée que d'ingrats. Aucun d'eux ne mérite tes précieux conseils." A quoi bon avoir une prophétesse avisée à ses côtés si c'était pour ignorer ses mises en garde ? "C'est étonnant de la part d'Iris, cependant … Je ne crois pas t'avoir jamais entendu dire qu'elle t'avait répondu. A James, oui. A toi, en revanche…"
Pour la simple et bonne raison qu'Iris semblait autant craindre qu'admirer sa belle-sœur. La juge elle-même était étonnée de la soudaine rébellion de la métamorphomage pourtant si silencieuse et respectueuses.
"Siuan a un égo bien trop gros pour Avalon lui seul. Se détester est une chose mais je n'ai jamais vu quelqu'un mettre autant d'énergie pour attirer l'attention de quelqu'un …" C'était faux, Helmi remplissait parfaitement ces critères mais là n'était pas la question. La juge s'arrêta un instant, après avoir bu une courte gorgée d'alcool, les yeux plantés dans ceux de son amie. "Soyons honnête. Elle perd quand même un temps considérable à te chercher des noises pour une femme mariée, mère de famille et Spymaster d'Avalon."
Loin d'elle d'allumer la mèche, mais pour une personne si occupée, l'énergie que Siuan mettait à contrarier son amie n'avait aucun sens. Alba haussait les épaules tout en dégustant le délicieux liquide ambré.
(c) oxymort
@ Isla R. Darcy
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Mais, même cette pensée ne la réconfortait pas autant que d’habitude. Pourtant, la secrétaire avait pleinement confiance en sa leader et amie. Elle n’hésiterait pas à se sacrifier pour elle, si les choses tournaient mal. Elle ne questionnait que très rarement le jugement de sa supérieure, et s’en trouvait toujours profondément troublée. La dernière bêtise du concile lui restait en travers de la gorge, Isla avait profondément honte de ce gouvernement dans lequel pourtant elle plaçait toute sa foi.
Elle reprit avec Alba le fil de la conversation. Quelques courtes secondes et déjà tant de pensées frustrées défilaient à toute vitesse. La Juge la confortait dans son sentiment et elle fut soulager de ne pas passer également pour une ingrate.
« Oh, oui. Le florilège d’insultes qu’ils se lançaient. » Isla sourit, brièvement amusée par les souvenirs affluant de nombreuses rixes entre les enfants Crawley. Mais son visage s’assombrit à nouveau, se rappelant le départ de l’un et la dernière crise de l’autre.
Elle revint glisser ses lèvres autour de son verre, sirotant une gorgée du liquide qui lui brûlait l’œsophage, grimaçant à peine le temps de se faire à l’intensité de l’alcool de famille des de Montenuevo. À la suite des paroles de la sorcière rouge, Isla fronça les sourcils, un air à la fois confus et méfiant à la fois. Isla la laissa finir, observant le haussement d’épaules moins comme un signe d’absence de savoir mais plutôt comme la marque de quelqu’un qui voulait se dédouaner de lancer un vilain fil de pensée.
« Nous avons passé l’âge de ces idioties, Alba. La prophétesse lâcha un souffle sceptique, presque moqueur. Elle releva la tête, éloignant des mèches de cheveux de son champ de vision et revint poser ses yeux dans ceux, amusés, de sa comparse. Je suis digne de ces attentions, je ne suis pas beaucoup mieux, si je dois être honnête jusqu’au bout. Disons que ça passe le temps. » L’assistante leva une épaule comme pour signaler qu’elle n’en savait pas davantage, mais qu’elle réfutait pour autant le semblant de théorie que l’insidieuse juge faisait passer entre les lignes. Son regard se perdit un temps dans le vide, rapprochant ses genoux contre sa poitrine. Un silence troublé prit place le temps de longues ruminations auxquelles Isla ne trouvait pas de solution. Elle était bel et bien frustrée, agacée, et sa situation ne s’arrangerait pas.
« Sais-tu qui savait être particulièrement reconnaissant ? Isla éleva la voix comme sortie de nulle part, rompant le silence et son fil de pensée, ainsi que surement celui d’Alba, pour lui livrer la première idée qui lui venait. Elle se raccrocha aux prunelles claires et esquissa un mince sourire. James. » Un rire qui se voulait cristallin suivit son annonce mais il ne sonnait pas si clair qu’il le devait. L’agacement qu’elle ressentait ne laissait pas tant de place que cela à l’humour, malgré la tentative. La prophétesse haussa malgré tout un sourcil, ne s’excusant aucunement du sous-entendu salace et poussa un soupir lourd de sens. « Aaah… elle laissa retomber son visage contre le dossier de son fauteuil. Et Iris. Et Fay. Oui, même Fay. »
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@ Alba De Montenuevo
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Isla & Alba
Isla n'était pas la seule à lire les autres. Alba n'y connaissait rien en lecture d'auras mais les émotions n'avaient presque plus aucun secret pour elle. Ses petites remarques sur le comportement de Siuan réveillaient quelque chose chez la prophétesse presque d'insoupçonné ou trop bien dissimuler par la haine qu'elles se vouaient. A entendre Isla, l'énergie que déployait la Spymaster pour venir lui gangréner ses humeurs et ses journées trouvait toujours réponse … Comme deux enfants dans une cours d'école, les deux femmes n'avaient de cesse de se chercher et de s'attaquer dès lors qu'une petite occasion se présentait. Un fil dépensant d'une robe ou une mèche décoiffée semblaient leur suffire pour s'envoyer des mots acerbes et puérils.
Aux propos d'Isla, Alba ne répondit rien. Sa grande empathie analysait sans effort tout ce qui ne se disait pas. Elle se contenta de lui offrir un sourire amusé accompagné d'un rire bref, le menton enfoncé dans sa main. Isla avait presque quelque chose d'adorable dans cette "désinvolture" et dans ce court silence qui trahissait sa contrariété. Il était régulier que les deux amies se perdent à la contemplation de leurs pensées sans en ressentir de gêne. Elles appréciaient autant une conversation riche et animé qu'un silence bienvenu. Alba s'installa plus confortablement dans son large fauteuil en ramenant une jambe sous elle, dégustant avec délice le breuvage familiale. Elle ne regrettait pas d'en avoir précieusement gardée quelques bouteilles.
"Sais-tu qui savait être particulièrement reconnaissant ?"
Les pupilles claires de la juge se portèrent de nouveau sur son amie, les traits intrigués.
"James."
Le rire d'Alba se joignit aussitôt à celui d'Isla. Voilà bien un trait d'humour que peu connaissait de la prophétesse… Quoi que derrière cet humour se dissimulait une absolue vérité que les deux femmes ne se cachaient pas. James avait été un homme bon pour Isla. Leur différence de caractère n'avait jamais été un frein à leur relation, Alba se souvenait à quel point le couple s'harmonisait parfaitement. Elle ne doutait pas un seul instant que cette harmonie se trouvait aussi bien en public qu'entre leurs draps. La curiosité la piqua. Il ne fallait pas en vouloir à la juge… Son intérêt n'avait – presque – aucune limite. Contrairement à ce que certains pouvaient s'imaginer, James n'était certainement pas celui qui refusait de se mettre à genoux …
"Aaah … Et Iris. Et Fay. Même Fay.
- Iris retrouvera raison." Il lui semblait absurde que ça ne soit pas le cas. "Je n'en dirais pas autant pour Fay."
Oui, elle savait et c'était ce qu'on petit sourire d'excuse tentait de lui faire entendre. Isla n'en serait certainement pas ravi que la juge ait pu conserver un secret si "gros" alors qu'il concernait sa fille de substitution… mais était-ce vraiment sa place de le lui annoncer ?
"Désolée. Elle est venue me voir totalement désœuvrée il y a peu."
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@ Isla R. Darcy
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Il lui aurait été facile de repartir dans une contemplation analytique des derniers comportements d’Iris si Alba n’avait pas repris la parole, enchaînant sur la mention de la de Beaumenoir que la Juge savait être protégée par Alba. Isla lui accorda un air intrigué, revisitant le regard clair avec un air circonspect plaqué sur le visage. Ici, dans le cadre du manoir de Montenuevo, elle s’autorisait à défaire un peu son masque sévère et calme alors qu’elle avait largement perdu patience.
Isla ne sut que faire d’abord de la petite remarque et du sourire tordu dans un air d’excuse. Elle analysait le visage de son ami avec précision, cherchant dans ses yeux la confirmation de ce qui menaçait sous cette expression repentante. La prophétesse sentait l’aveu venir, ses pensées s’éclairer sans vouloir y croire. Surement, Alba ne lui aurait pas caché une telle relation. L’idée que l’italienne lui ait retenu une information pareille sur une de ses plus précieuses relation lui semblait parfaitement absurde. Impossible.
Non, elle ne se serait jamais permise. Supérieure à elle, ou non, Fay dépassait le cadre de leurs statuts hiérarchiques respectifs. Isla ne lui avait jamais caché son attachement, profondément enraciné, pour la jeune herboriste ; qui l’avait conquise bien trop rapidement pour un être aussi précautionneux que la Darcy.
La sentence tomba seulement sous la forme d’un « désolée » qu’Isla se surpris à rejeter en bloc. L’aveu à moitié formulé lui donna l’impression de recevoir une claque en pleine figure et un air profondément agaçé passa ses traits en un éclair avant qu’elle ne remodèle ses traits dans un air calme et placide. Isla se sentit se redresser, reprenant de sa stature, forçant son visage dans une expression neutre quand la colère vaguement tassée par ce début de discussion regagnait du terrain.
« Que veux-tu dire par là, Alba ? » La prophétesse s’était figée dans le confortable fauteuil. Elle sondait la Juge sans pour autant percer son esprit, occlumen elle aussi. Elle n’était pas de nature à forcer les serrures, mais elle mourrait envie de comprendre l’étendue de la trahison de la Juge. « Depuis combien de temps ? » Son ton dissonait complètement avec les paroles précédentes. Il lui faudrait plus qu’une excuse grossière pour se calmer.
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@ Alba De Montenuevo
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Sacrilège
Isla & Alba
Alba n'avait pas besoin de pousser son don pour interpréter les émotions d'Isla. Son amie se redressait déjà, neutralisant les traits de son visage qui venait, en un éclair, trahir ce qui venait de la traverser toute entière. La juge était fine observatrice et l'agacement ne lui échappa pas.
Elle admirait la prophétesse pour sa faculté à reprendre le contrôle de son corps. Si Alba n'avait pas été empathe, probablement que l'éclat lui aurait totalement échappé.
Là où il commençait à régner chaleur, rire et détente, le vent tourna. Retenir ce secret n'était ni une bonne ni une mauvaise chose. Quelle que fut la décision de la juge, l'un des parties auraient eu la désagréable sensation de trahison. Alba avait espéré que l'ouverture d'esprit et la loyauté d'Isla comprendraient les raisons de son silence sur ce secret.
Le ton de la prophétesse lui laissa entendre que ça ne serait peut-être pas le cas.
Isla n'avait plus l'attitude décontractée. Son regard vif et tranchant planté dans celui d'Alba, elle ne cillait pas. La juge perdit un peu de son sourire. Elle pourrait maudire Fay de lui avoir confiée pareil secret mais ce n'en fut pas le cas. Elle lui avait fait confiance, s'était sentie suffisamment à l'écoute et en sécurité pour ne pas avoir à craindre son jugement … Inutile d'être devin pour savoir qu'Isla n'appréciera pas cela.
Le liquide tourna dans son verre d'un léger geste du poignet.
Depuis combien de temps ? Certainement trop longtemps pour la prophétesse.
"Quelques semaines."
Voilà qui n'allait pas arranger l'agacement déjà mordant d'Isla. Alba le voyait venir aussi gros qu'un hippogriffe.
Ca ne lui plaira pas mais elle ne lui mentira pas. Certes, elle lui avait dissimulée ce secret, mais il n'était pas question de manquer d'honnêteté. Les deux femmes se connaissaient depuis si longtemps maintenant, leurs familles unis par de multiples mariages, leur amitié datait de leur enfance. Et malgré la confiance et l'amour que se vouait Isla et Alba, des secrets, il y en avait eu. Aussi bien chez la juge que chez la prophétesse, c'était une évidence. Le fait que cela concerne Fay donnait une tout autre envergure à cette omission.
" J'ai voulu t'en parler mais elle m'a fait promettre de ne rien te dire, Isla. Fay tenait à le faire elle-même et je n'avais aucune légitimité à lui voler ce droit. Je suis désolée. "
Alba pinça les lèvres, sincère dans ses propos.
Désolée de ne pas avoir pu lui avouer en amont la relation incestueuse de celle qu'elle considérait comme sa fille.
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@ Isla R. Darcy
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Isla se rendit compte à cet instant précis qu’elle était fatiguée de toujours faire semblant. Semblant d’être calme, de tout accepter. Semblant de ne pas avoir d’opinion. Fatiguée de devoir se taire, d’être la dernière sur les listes, de devoir courir partout et contenter son entourage sans broncher. Fatiguée qu’on ne l’écoute pas. Fatiguée qu’on lui mente, ou qu’on lui cache des choses. Avant que la Juge ne puisse continuer dans son argumentation, Isla se releva d’un geste sec, surplombant désormais son hôte de toute sa hauteur, les épaules redressées avec une fierté mal placée. Le sentiment qui guidait les personnes blessées. Alors, la prophétesse décida de laisser tomber le masque.
L’effort fut difficile, ses traits, si habitués à se maintenir dans un semblant de sérénité, mirent un certain temps avant de se délasser pour laisser apparaître colère et mépris. Elle ne s’autorisait cependant pas à montrer la peine que lui provoquait l’annonce.
Alors qu’Alba reprit la parole, Isla entamât une marche lente, les doigts fermés autour de son verre comme pour maintenir sa stature droite. Elle voulait lui dire de se taire, que sa justification était sans valeur et qu’elle ne voulait rien n’entendre. Mais ses arguments la touchaient malgré tout et entretenaient sa colère.
« L’es-tu vraiment ? » Commencer par attaquer sa sincérité, sans lui laisser un souffle était en premier dans sa liste d’actions. Isla ne laisserait pas passer cet affront, ce soir, elle en avait assez. « Ne penses-tu pas qu’il aurait été bon de me prévenir, pour éviter le fiasco qu’a été cette discussion ! Il est facile de s’excuser quand tu n’as rien d‘autre à faire qu’à attendre que l’orage passe. » La prophétesse se retourna vivement, les mains tremblantes et se décida à déposer le verre avec délicatesse — en résulta le claquement sec du verre contre la table basse. « J’en ai assez. Assez. » Ses pas la menèrent plus proche de la Juge, ses doigts désormais serrés contre sa cuisse dans une tentative de maintenir le contrôle sur les émotions qui voulaient déborder. « Assez que l’on agisse en toute impunité, sans même s’attarder sur les conséquences. Sur ce que je dois taire. Assez de disparaître derrière vos moindres désirs, de contenter tous les caprices. » Son attaque, formulée et dirigée vers Alba s’étendait plus largement au poste qu’elle occupait et à ce qu’elle représentait. S'attaquait à Fay. À Iris. À la Suprême. À tout. À un destin qu'elle n'avait pu contrecarrer. Il était rare pour la prophétesse de laisser échapper tant de choses en si peu de temps, et le fait qu’elle ne tenait plus à son calme habituel démontrait à la fois l’épuisement et le contour de ses limites. Elle laissa un moment le silence s’imposer, ne s’étonna pas du silence de son amie qui était bien plus sage que la plupart des avalantes et savait qu’il était dangereux de tenter la prophétesse. C’était peut-être elle, l’une des seules, à avoir déjà observé Isla dans un état proche de celui-ci.
« J’attends mieux que ça de ta part, Alba. Mieux qu’une promesse d’enfant. » Son ton se refroidit, désormais plantée face à la Juge, Isla concentrait tout son mépris dans un regard brûlant qui ne faiblissait pas. Une part d’elle, tout au fond, savait que sa réaction était disproportionnée et détestait tomber dans un tel déchaînement d’émotions. Mais l’autre partie, blessée, épuisée, et terriblement seule, qui s’était forcée au deuil, n’envisageait plus se retenir longtemps.
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@ Alba De Montenuevo
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Sacrilège
Isla & Alba
L'attaque ne se fit pas attendre.
Après s'être dressée comme un serpent prêt à se défendre, la morsure fut vive et bien placée. Comme seule ces autres savaient le faire lorsque l'ennemi était intimement connu. La frappe touchait les points sensibles. Qu'Isla puisse remettre en douce la sincérité de la Juge pouvait être blessant. Alba en fut quelque peu heurté. En une trentaine d'année d'amitié, jamais Isla n'avait doutée de son honnêteté. La mage manipulait beaucoup de monde sur l'île, les deux femmes le savaient, mais jamais elle n'oserait se jouer d'Isla. Par loyauté, fidélité et parce que leur lien était bien trop précieux pour s'abaisser à ce petit jeu de pouvoir ou de duperie.
Les nerfs tendaient la prophétesse qui cracha son venin après avoir fait tomber le masque. Les traits gracieux étaient désormais déformés par une pure contrariété, un agacement palpable pour l'empathe qui savait qu'il n'était pas l'heure d'intervenir ou de contredire ce qu'elle pouvait lui jeter au visage. Même si son attaque proche de celle d'Helmi lui donnait la forte envie de soupirer d'exaspération.
Jamais elle ne détourna les yeux de la silhouette de son amie. Ses mains tremblaient après avoir sèchement claqué le verre sur la table, sa démarche était nerveuse, son regard plus tranchant que n'importe quelle lame. Isla s'épanchait, vomissait ses rancœurs tout en s'approchant de la juge toujours assise. Il était désormais évident que tout cela ne concernait plus vraiment Alba.
Ce secret était arrivé au mauvais moment, dans un timing moyen alors que la prophétesse subissait déjà le comportement plus qu'ingrat de son entourage. Sûrement qu'en d'autres circonstances Isla aurait été plus à même de l'écouter malgré l'amertume de n'avoir rien su avant.
Ce soir – et elle le définissait en des termes très clair -, s'en était assez. Tout cela était de trop.
Les jambes croisées, enfoncées dans son fauteuil, Alba ne lâchait pas l'acier des yeux. Elle captait les émotions comme des ondes, savait y lire les différentes vibrations. Le trop plein de la prophétesse frémissait dans toute la pièce. Isla était douée d'une capacité de contrôle hors du commun, mais lorsqu'il lui arrivait de lâcher prise, le raz-de-marée n'était jamais très loin. On ne parlait pas ici de Chaos dévastateur mais d'une âme humaine broyée qui réclamait, quelque part, justice.
Ca l'attristait de voir Isla porter tous ce poids sans que personne ne prenne la vraie mesure de son rôle, de ses efforts et compromis pour satisfaire le peuple. James avait ce don tout particulier de l'aider à dépressuriser la tension. Alba regretta que ce nigaud ne soit plus. Il lui semblait que son amie n'avait plus jamais été vraiment heureuse depuis.
"J’attends mieux que ça de ta part, Alba. Mieux qu’une promesse d’enfant."
Les deux femmes s'étaient toujours respectées, ne s'étaient jamais estimées supérieure à l'autre. C'était une grande première que de sentir Isla dans cette position de pouvoir. Plantée face à elle sans lui laisser grande marge de manœuvre, Isla lui réclamait des comptes d'un ton terriblement froid, bien résolu à obtenir ses réponses.
"Très bien."
Son verre fut déposé à son tour sur la petite table dans un léger raclement, puis elle reporta son regard dans le tranchant d'acier.
"Si tu penses sincèrement qu'avoir eu connaissance de la relation incestueuse de ta protégée avant qu'elle ne t'en parles aurait limité les dégâts, alors tu es aveugle. Commences avant tout par être honnête envers toi-même, Isla. Tu aurais tout fait pour éviter Fay et choisi la fuite parce que tu n'aurais pas eu le cran de lui faire face. Ne te cherches pas d'excuses en m'imputant ton "fiasco". Que je te le dise avant ou maintenant n'aurait strictement rien changé au fait que cette relation te répugnes."
C'était probablement un jeu dangereux, mais Alba voyait l'opportunité pour son amie d'enfin lâcher prise. Et parce qu'en plus de trente ans d'amitié, les deux femmes n'avaient jamais hésité à se balancer leurs quatre vérités puisque toutes deux savaient qu'en aucun cas leur amitié était en jeu.
Alors, Alba attisait les flammes furieuses. Au contraire du ton froid d'Isla, celui de la juge était posé.
Le jeu de regard se poursuivait et un étrange frisson traversa l'échine d'Alba. La stature de son amie n'y était pas étrangère.
"Je n'ai rien de mieux à t'offrir que la stricte vérité. Qu'elle te plaise ou non."
La juge se leva, forçant Isla à reculer pour lui laisser de l'espace.
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@ Isla R. Darcy
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Pour la première fois de sa vie, Isla eut l’envie profonde de remettre Alba à sa place. Que celle-ci soit justifiée ou non, la question ne l’effleura pas. Mais la juge dépassait ce qu’Isla était venue chercher en atterrissant chez elle et l’outrage ne passait pas. À mesure, Isla se sentait de plus en plus offensée et surtout, vibrante d’une rage qu’elle ne dissimulait pas. Isla avait pour habitude de tout dissimuler : l’ampleur de son chaos, ses émotions, de la plus triviale à la plus ancrée, ses opinions, la moindre inflexion. Mais ce soir, elle n’était plus en capacité de tenir le piétinement pénible de sa colère et son chagrin emmêlés.
Le ton, l’attitude, le regard d’Alba, tout lui sortait par les yeux et elle ressentit l’étrange envie de lui faire ravaler son arrogance. Elle détestait être de l’autre côté de la barrière et ne se rendait même pas compte de son comportement enfantin, tombant sans mal dans le piège tissé par l’empathe. Elle ne supportait pas le calme avec lequel lui répondait Alba, qui cachait une insolence qu’elle n’avait jamais eu à subir.
Et puis, l’italienne termina son petit discours sur un ton qui la scotcha sur place. Le manque d’ouverture d’Alba atteignit Isla qui lâcha le tissu de sa robe. Alba sembla saisir l’opportunité pour se relever et la prophétesse dut faire un pas en arrière. L’offense fut suffisante et le revers de sa main s’abattit sans qu’elle ne parvînt à se contrôler sur la joue de la Juge, bagues en avant.
Isla n’avait pas anticipé son geste et fut momentanément surprise par sa propre violence. Jamais la prophétesse n’avait recours à des extrêmes pareils, n’exprimait sa colère de cette manière et surtout pas avec une amie de longue date. Un instant de sidération sembla traverser les deux femmes, et puis, Alba sembla revenir à elle plus vite que la prophétesse.
Les doigts de la mage rouge attrapèrent fermement le poignet encore relevé d’Isla et elle se sentit attirée sans douceur contre la silhouette plus petite et plus mince mais pour autant suffisamment intimidante pour faire frémir la plupart des avalantes. Le geste suffit à souffler le choc d’Isla qui ressentit sa colère revenir au galop, et avec, une sensation qu’elle pensait avoir oubliée avec le temps et qui n’avait certainement pas sa place entre les deux femmes.
Elle força une première fois sur son poignet pour l’extraire de la prise de la Juge mais celle-ci était étonnamment forte pour sa carrure. Le visage d’Isla se tordit dans un rictus plus coléreux encore et dans un geste plus violent, elle finit par retrouver son poignet.
« Ose encore me toucher ainsi, Alba. » La prophétesse dépassait la Juge de quelques centimètres et l’idée suffit à renforcer sa mauvaise fierté, celle-là même qui la poussait à ne pas faire un pas en retrait et à maintenir sa position. « Je ne suis pas un de tes jouets. Tu ferais mieux de te rappeler à qui tu as affaire. » Isla supportait le regard insolent avec détermination. Son souffle était court, le cœur battant. Sa raison lui intimait de transplaner immédiatement, sa fierté maintenait son corps dans une posture offensive. Elle ne voulait pas encore écouter ce que la chaleur dans son ventre avait à lui dire.
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@ Alba De Montenuevo
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Sacrilège
Isla & Alba
La gifle résonnait encore dans son crâne, sa joue en feu. La sidération l'avait saisi une courte seconde avant que la juge ne reprenne ses réflexes et n'attrape le bras de la prophétesse. D'ordinaire, elle prenait garde à ne pas trop toucher son amie par respect pour son don et ses émotions, mais ce soir elle n'en avait que faire. En moins de cinq minutes, la situation tournait au fiasco et plutôt que d'y voir un désastre, Alba percevait une sensation qui était loin de lui être étrangère. Un feu irradiait sous sa peau et trouvait son écho chez Isla.
Un feu dangereux, si bien qu'il terrassait toute tentative de réflexion et aveuglait la raison.
Leurs corps rapprochés, Alba dardait son regard dans celui d'Isla sans peur, avec une pointe d'insolence. C'était la première fois que son amie faisait preuve de violence à son égard. Le goût métallique qui tapissait sa langue lui rappelait le geste violent et inapproprié, aussi bien qu'il inscrivait à quel point la prophétesse marchait sur le fil du rasoir.
La force de son emprise se resserra une première fois pour empêcher toute évasion, mais Isla finit par se défaire violemment. La colère irradiait, enrobait la silhouette de son amie. Alba le sentait aussi facilement qu'une odeur de brûlé. Le crépitement dans ses veines s'intensifia ; Isla ne reculait pas. Arrogante, fière, incapable de dire pardon ou de baisser les yeux pour le geste qu'elle venait de faire. Quant à ses propos, la juge retient un rictus.
Le ton fut bas, autoritaire. Isla la dépassait de quelques centimètres à peine mais la mage rouge n'avait aucun mal à la fixer droit dans les yeux.
"Si tu avais été l'un d'eux, tu serais déjà à genoux, implorant pardon."
L'insolence en étendard, Alba sentit une légère torsion au creux du ventre. Les sens de l'empathe se déployaient, exacerbés par ses propres émotions et celles d'Isla qui vibraient du même écho. L'haleine légèrement alcoolisée de son amie sur son menton, l'aura bouillante qui pulsait hors d'elle, le froissement des tissus… tout ce qui l'entourait s'intensifiait, jusqu'à sentir avec précision la poitrine d'Isla se soulever contre la sienne.
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@ Isla R. Darcy
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Isla était une experte dans le camouflage. Se défaire de son masque était une épreuve et un évènement rare. Qu’elle laissa filtrer des émotions autour d’elle, plus encore. Qu’elle les écoutât…
Néanmoins, était bien là l’envie de maitriser celle qui lui faisait face aujourd’hui. Peu de ses semblables s’y risquaient. Ceux qui le faisaient étaient soit idiots soit bien conscients de leur capacité à rivaliser avec elle. Il était évident qu’Alba était de la catégorie la plus intelligente des deux. Pourtant, celle-ci ne reculait pas, ne cherchait pas à calmer le jeu. L’insidieuse envie qui la prenait aux tripes ne devait pas échapper à la Juge et la honte l’aurait étreinte presque si la colère et l’orgueil ne supplantait pas toute autre sensation. Alba pourrait poser n’importe quel défi sur sa route, elle ne s’arrêterait pas dans sa marche. Isla détestait qu’Alba fut en capacité de lire ses émotions, alors que son esprit était parfaitement hermétique à l’empathe. Elle se demanda alors si celle-ci ne tirait pas consciemment sur la dangereuse idée qui se faufilait derrière les iris clairs. Les pupilles qui, elles, trahissaient ce qui lui paraissait parfaitement absurde.
Bien évidemment, sa pensée était confuse, l’alcool lui jouait des tours. Sa pensée était idiote. Il fallait qu’elle fasse demi-tour maintenant. La seule option consistait à tourner les talons. Jamais, en trois décennies d’amitié, Isla n’avait observé Alba comme une potentielle amante.
Son charme était indéniable, l’italienne était enchanteresse et elles partageaient des penchants indéniables en la matière. Mais s’imaginer entre ses cuisses était quelque chose d’impie. Impardonnable. Tentant. Mais stupide.
Isla était convaincue qu’elle devait fuir.
Et puis, la Juge rouvrit la bouche et Isla se sentit fauchée par la vague absurde qui la cloua sur place. L’insolence qui passa les lèvres rouges agit comme un hameçon, impeccablement planté dans sa peau et la maintenait droite, le souffle court.
Il n’y avait rien de plus délicieux qu’une créature trop entreprenante, trop sure d’elle, à qui rappeler sa place. Ses sens semblèrent se voiler, l’espace d’une seconde, se laisser submerger par la perspective de s’imposer à sa vieille amie. Isla lâcha un souffle lourd, les mots résonnant encore dans le creux de son oreille. Si Alba croyait qu’Isla s’arrêterait à une telle insulte, un tel défi subtilement posé, elle la connaissait plus mal qu’elle ne l’avait songé. Isla n’était pas l’un d’eux, non. Elle était meilleure. Et on ne lui résistait ni ne lui parlait ainsi.
Avant que son cerveau ne se remit à fonctionner dans le bon sens des choses, son corps sembla prendre la situation en main, littéralement, alors que ses doigts remontèrent subitement pour accrocher la mâchoire finement dessinée de la Juge.
Isla était dans un état de pure confusion et de parfaite clarté à la fois. Elle savait ce qu’elle devait faire, mais le contenu de ses actions chamboulait l’ordre moral qui régissait sa vie.
Son cœur fit une embardée critique alors qu’elle sentit pulser sous ses doigts l’électricité du chaos d’Alba plus nettement. Il roulait autour d’elle, comme un félin faussement affectueux. Ses yeux passaient sur le visage satisfait, le rictus toujours imprimé sur les traits.
« Je t’ai connue plus perspicace que de t’essayer à me provoquer de la sorte. » La prophétesse repoussa la mince figure d’un pas seulement et fut surprise de ne sentir qu’une légère résistance, rien qui ne fut la peine d’être remarqué. Ses doigts ne quittaient pas le visage, les ongles enfoncés doucement dans la peau, se refusant à une prise plus ferme et douloureuse. Pourtant, l’envie la ceignait de serrer le corps avec force. Isla savait Alba musclée. Les deux danseuses avaient une connaissance particulière de leur corps. L’idée léchait dangereusement les limites de son contrôle. Ses sens se brouillaient alors que ses yeux dévoraient la bouche pécheresse. Sa poitrine se soulevait plus rapidement. Son regard se redressa et se planta de celui de la Juge brûlants d’insolence.
Une pensée qui ne lui appartenait pas sembla traverser l’air et sans se soucier de la brutalité de son geste, Isla répondit au défi dans un élan partagé avec Alba.
Sa bouche s’écrasa sans douceur sur celle de la Juge et l’impact sembla l’embraser toute entière.
Il était inédit, complètement surréaliste de se laisser aller à un tel geste et pourtant, ce fut avec voracité qu’elle réitéra l’assaut, prenant confiance alors qu’une poigne ferme accrocha ses hanches et l’attira plus proche encore. Sa main glissa de la mâchoire à la nuque de l’italienne qui s’enflammait elle aussi contre elle, l’autre main rejoignant la longue chevelure pour s’y accrocher fermement.
Alba ne la repoussait pas. La conviction acheva de faire taire sa raison qui s’évertuait à lui sommer de fuir l’endroit. En lieu et place de cela, elle faisait remonter déjà sa main contre le creux de ses hanches, puis frôla sa poitrine et attrapa le tissu dans un geste qui voulait dévoiler son épaule. Isla cessa brutalement de concentrer son attention sur les lèvres de la Juge et s’extirpa de l’étreinte, attrapant le poignet sans douceur, à son tour et, le souffle court, dévisagea Alba d’un air à la fois colérique et plein de questions.
Elle désirait ardemment poursuivre dans cette voie. Et même si les signes corporels semblaient aller dans son sens, si elle aurait préféré poursuivre en se fiant seulement à son instinct et oublier tout le reste…
« Es-tu sure ? »
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@ Alba De Montenuevo
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Fays : 2257
Sacrilège
Isla & Alba
Elle n'avait jamais eu pour objectif de mener Isla sur la voie qui se dessinait la peau brûlante des deux femmes. Le seul but de son insolence avait été de pousser son amie à se libérer de cette gaine tissée par les autres.
La juge n'avait certainement pas prévu cette tournure et sûrement qu'elles en auraient toutes les deux ri si la possibilité les avait effleuré, à un autre moment. Néanmoins, maintenant qu'elle se trouvait face à la prophétesse, maintenant qu'un désir net et clair s'enroulait autour des deux corps, la perspective n'était plus si absurde. Inattendue, certes, mais pas absurde.
Prise dans un engrenage dangereusement sexuel, Alba refusait de rompre la lutte visuelle et verbale. Ce fut bien au contraire l'insolence qui cognait entre ses reins, avec le besoin impérieux de brusquer Isla qui s'enfermait encore dans le carcan d'une froide raideur strict. Même là, son visage se tordait et se plâtrait dans cette éternelle sévérité.
Isla pouvait faire bien plus que ça. Elle pouvait suivre l'étincelle qui vrillait son regard dilaté pour répondre à ses besoins et non à ceux des autres. Elle pouvait bien, au moins ce soir, envoyer au diable Filippa, son devoir, ses obligations et toutes ces couches imposées pour se cacher derrière un nom et un visage.
Ca n'avait pas de sens cette envie puissante de la voir déchirer sa prison invisible. Pourtant, le besoin tonnait jusque dans sa poitrine où son cœur martelait à n'en plus pouvoir.
Etrangement, la peur devenait inconnue. Alba avait face à elle l'une des mages les plus puissantes qu'elle ait connu, au pouvoir bien plus étendu qu'Isla ne le laissait entrevoir mais, d'instinct, ou parce que l'empathe possédait une lecture surnaturelle des émotions de l'autre, la juge su qu'aucun risque n'était encouru.
Mieux encore, l'évidence était simple ; Elles s'étaient apprises avec les années en passant par le pire et le meilleur et connaissaient l'inébranlable loyauté de l'autre. Alba et Isla se faisaient confiance. Qu'importe les désaccords. Qu'importe les disputes.
Ce simple constat eu l'effet de tout embraser. Son chaos crépitait tout autour d'elle, flirtant avec celui de la prophétesse. Dans un léger bruit de cristal, les verres tremblaient sur la petite table d'appoint sans que personne n'y prête gare. Le regard d'Alba, sournois et brûlant, dévorait les traits nouveaux de son amie.
Elle avait toujours eu en adoration l'intensité de ses yeux et tout ce qu'ils dissimulaient derrière les silences.
Tout comme cet éclat puissant qui déchirait les pupilles bleutés à la seconde où Alba affirmait une insupportable insolence. Elle sentit plus qu'elle ne l'interpréta, l'égo d'Isla se tordre, puis se gonfler rageusement. La fierté irradiait d'elle, semblable à la chaleur d'un feu. Le souffle lourd fut responsable de bien des désordres dans le corps d'Alba.
Le geste fut vif et sûr lorsqu'Isla accrocha la mâchoire tendue de la juge. Le mouvement brassa l'air pesant, ramenant avec lui le délicieux parfum de la prophétesse. Les secondes s'étiraient en minutes, l'intensité du jeu de regard désorganisait la notion du temps où tout était plus lourd, plus lent, plus intense. Les doigts frais et francs d'Isla autour de sa mâchoire firent tressaillir l'italienne. Sa magie rouge s'enroula aussitôt partout où elle le pouvait, léchant sans aucune honte l'aura, le chaos et tout ce qui constituait Isla.
Ce geste d'affirmation pur aurait, en d'autres circonstances, raclé les nerfs d'Alba, jusqu'à mettre à genoux la personne suffisamment folle pour se permettre un tel geste.
Ici, rien ne se produisit d'autre que l'embardé des deux cœurs.
Le sourire insolent manqua d'éclairer le visage de l'italienne qui ne montra que peu de résistance lorsque son amie la repoussa d'un pas, sans finir d'encadrer sa mâchoire de ses ongles prêts à se planter dans sa peau. Ses bijoux clinquèrent, un soupir chaud lui échappa, le frottement des tissus fut assourdissant dans l'éveil de ses sens.
Non, Alba n'écraserait pas son amie ce soir. Elle la laissera, à la limite du raisonnable, déchirer ses déguisements pour n'être qu'elle-même. La juge qui n'avait pas quitté la prophétesse des yeux, découvrit le regard affamé que celle-ci posa sur sa bouche encore parfaitement teinté de rouge.
C'était l'étincelle de trop.
La ruade fut commune. Un élan parfaitement synchronisé malgré la brutalité du geste. Comme si la faim n'était plus supportable, comme si les corps ne souhaitaient que déchirement et percussion, les deux femmes se trouvèrent dans un baiser sans douceur.
Alba qui n'avait jamais envisagé Isla plus que comme une amie, fut dévoré par l'implacable désir de sentir chaque parcelle de sa peau contre la sienne, les ongles rudes de la Seconde plantés dans ses chairs. La honte n'avait aucune place et Alba avait cessée d'intellectualisée cette situation inimaginable. L'instant primait, le désir commun bousculait tout. Les mains de la juge n'eurent aucune hésitation quant à savoir où s'accrocher. Les hanches d'Isla étaient toutes destinées à recueillir les paumes sûres et ardentes qui ramenèrent son corps tout près du sien. Sa bouche pulpeuse réceptionne la faim vorace d'Isla, lui rend l'intensité du baiser, rythmé par un soupir sans équivoque. Les frissons ne tardèrent pas ; ils arrivaient par vague sous les mains de la prophétesse qui, déjà, cherchaient l'exploration. Sa nuque, puis le creux de son dos qui se cambra légèrement sous son passage et enfin sa poitrine saccadée qu'Isla survola de ses phalanges légères. Le creux de ses reins s'embrasèrent à l'idée qu'elle puisse agripper l'un de ses seins avec la même fermeté qu'elle s'était saisit de sa nuque.
Les ongles d'Alba se plantèrent sur les hanches encore couvertes de son amie qui, elle, venait d'accrocher son haut pour dévoiler son épaule.
Aussi vite que les seconde s'étaient accélérées, l'instant fut soudainement rompu.
En attrapant le poignet d'Alba, Isla ramena son attention à elle. Leurs souffles courts s'entremêlent, se cherchent déjà mais la prophétesse maintenait la distance. L'inquiétude fugace qu'elle puisse finalement se rétracter traversèrent les reins de la mage rouge, un ressenti qu'elle préféra aussitôt ignorer.
Isla était pétri de colère, d'incertitude, mais le consentement fut demandé d'une voix rauque de désir.
Si elle était sûre ? Oui, indéniablement. Est-ce que tout cela était une mauvaise idée ? Il était préférable de ne pas s'épancher ni sur le pourquoi de cette situation, ni sur l'inconcevable à venir.
Tel un serpent, Alba y trouva là le moyen parfait de pousser son amie dans ses retranchements pour qu'elle cesse enfin d'attendre après les autres. Elle repensa au délicieux éclat fier qui avait traversé les yeux clairs, un peu plus tôt. Il était temps qu'Isla embrase sa puissance et son pouvoir.
"N'es-tu pas ici parce que tu en as assez de n'être ni entendu, ni considérée ?" Ce qui était plus un fait qu'une véritable question, sous-entendait une provocation évidente. Sans attendre, Alba se délogea de la poigne ferme d'Isla pour attraper le col de sa robe et la ramener vers elle, rompant le peu d'espace entre elles. Le bassin d'Isla percuta le sien dans une onde délicieusement tentante. Du bout de ses lèvres, elle effleura la rondeur de son menton, puis l'arrête de sa mâchoire. Ses phalanges relâchèrent le tissu, puis glissèrent sur la courbe de sa poitrine qu'elle savait ronde et ferme. Le frisson était saisissant. "De te plier à l'ingratitude des autres ?" La bravade se poursuivait sur un ton suave, provocant, traçant son chemin jusque dans le cou palpitant d'Isla où, du bout des dents, elle y mordilla sa peau parfumée. Une explosion de saveur surgit sous sa langue. Puis, près de son oreille, chantant sa fin … "De disparaitre derrière leurs désirs ?"
Ce n'était pas un oui, ferme. C'était mieux que ça.
Alba attisait l'incendie et ne demandait qu'à voir jusqu'où son amante pouvait ravager son corps.
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Alba cessa de proférer ses provocations joliment tournées et Isla rouvrit les yeux, observant la silhouette serpentine avec une faim évidente et une colère qui n’était pas étrangère à l’envie qui ceignait ses côtes.
Elle ne se laisserait pas faire par l’habituelle dominante, n’étant pas encline non plus à se mettre à genoux. Isla ne se contentait plus de son masque habituel.
Sa main remonta subitement jusqu’au cou de l’italienne pour l’attraper fermement et la pousser à reculer. Elle forçait le visage de la petite figure à soutenir son regard, relevant par sa prise son menton. Les quelques centimètres de supériorité lui suffisaient en l’état pour imposer son autorité. Isla n’était pas dupe — Alba la laissait faire. Une femme de son genre n’était pas capable de se mettre à genoux. Et la prophétesse contre toute attente, se sentit soudain redevable que son amie lui laisse cette opportunité. Alors qu’elle repoussait sèchement la silhouette convoitée, Isla réalisait à quel point cette proximité lui avait manqué. Le bas du dos de la Juge cogna une table en bois sombre et Isla arbora un sourire dangereux, prédateur.
« Je ne vais certainement pas disparaître derrière les tiens, sois-en certaine. » Ses yeux affichaient une clarté nouvelle, un éclat gourmand et presque primaire alors que son autre main cherchait déjà à défaire la robe de chambre. Ce fut avec vitesse et impulsivité qu’Isla se débarrassa de la soie rouge, arrachant avec contrôle la ceinture nouée. La robe de chambre fut défaite des épaules et puis déposée sur le dossier d’une chaise à portée. Isla ne supportait pas le désordre et n’était pas en capacité de laisser le tissu au sol.
Ses doigts raffermirent leur prise sur le cou de la Juge alors qu’elle s’écartait pour découvrir du regard la silhouette drapée d’un satin noir délicieux. La nuisette lui arrivait mi-cuisses et Isla ne se garda pas d’observer chaque détail de la peau claire. Sous sa main, elle sentit la mage déglutir avec difficulté, la veine se précipiter sous l’inspection détaillée de la rêveresse. Ses yeux retombèrent dans les pupilles sombres de l’italienne. « Nous ne sommes pas étrangères l’une à l’autre. Pourtant, je ne crois pas t’avoir réellement vue, jusque-là. » L’assistante refit un pas pour clore un peu la distance entre elles. Les mains de la juge étaient agrippées au bois. Sa prise à elle ne faiblissait pas, ses ongles flirtaient avec la peau. Elle en oubliait par ailleurs sa peur habituelle de voir, par son troisième œil, quelque chose qui lui serait pénible. Son autre main accrocha la hanche, remonta la poitrine qu’elle pinça, sèchement, observant avec intensité la moindre flexion des traits, la moindre torsion du sourire. Alba l’entourait de son chaos, sa poitrine se soulevait plus rapidement désormais. Isla lâcha la nuque, laissa ses ongles glisser contre la peau, glisser sous la dentelle bordant le tissu satiné puis défaire les bretelles avec une indifférence feinte. Et puis, elle tira sur le tissu sèchement pour qu’il quittât sa peau et retomba aux pieds de l’italienne. Isla découvrit la poitrine nue, le corps désormais uniquement paré d’un sous-vêtement noir. Ses yeux se perdirent dans la contemplation. Alba voulut faire un geste, un pas, Isla ne sut quoi mais réagit immédiatement et plaqua ses hanches aux siennes pour la clouer contre la table. Une de ses mains accrocha la hanche, planta ses ongles dans la peau douce, l’autre courait à nouveau sur les parcelles découvertes, à la recherche des frissons qu’elle faisait naître. Ses doigts remontèrent finalement jusqu’à la mâchoire qu’elle agrippa franchement.
« À quoi penses-tu ? »
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Sacrilège
Isla & Alba
La poigne autour de sa gorge provoqua une délicieuse décharge dans son bas ventre. Un soupir chaud lui échappe, un sourire se dessine. Elles y étaient enfin.
Le voile des apparences s'arrachaient pour laisser place au vrai visage d'Isla. Ses propos qui d'ordinaire auraient lourdement agacés Alba, la satisfaisaient et alimentaient la faim vorace de s'aventurer plus loin. Le prédateur face à elle semblait ne plus avoir peur de rien, totalement dépourvu d'hésitation. Enfin, la prophétesse reprenait sa destinée et le cours de sa vie en main.
La juge ne prit pas la peine de répondre à l'affirmation, elle laisse son amie la défaire de sa première couche de tissus sans ôter son regard du sien. Si elle n'aurait pas le dessus ce soir, elle n'allait certainement pas se priver de voir tout l'effet qu'elle ferait à la prophétesse… Elle le savait, Isla aimait la beauté, l'élégance simple ou complexe et à peine le tissu de la robe de chambre retirée que les yeux clairs se posèrent sur la nuisette noire d'Alba. Instinctivement et discrètement, la juge s'offrait à vue dans une posture lascive, naturelle. La mage rouge était un être de charme et de sensualité, chacun de ses gestes respiraient les tentations comme une Diablesse arpentant les terres pour se jouer de la faiblesse humaine.
Bien que cet instant ne fut pas un jeu, Alba ne put réprimée sa nature. Et qu'elle ne fut pas la satisfaction brûlante de voir Isla se repaître de la vue. Le désir s'étendait, serrait sa gorge plus fort encore que les doigts sûrs de la prophétesse. Alba déglutit, les veines en feu.
Son sourire creusa la petite fossette au coin de ses lèvres.
Les deux amies s'étaient vues sous plusieurs aspects, mais au contraire d'Isla, Alba ne s'était pas privée de voir la seconde. Sans arrière-pensée, sans désir mal placé, mais pouvait-on réellement lui reprocher d'avoir pu ne serait-ce qu'une fois observer les courbes de la prophétesse et de constater l'évidente sensualité qui s'en dégageaient ?
Agrippée au bois de la table, la juge resta silencieuse. L'instant se passait de mot. Les ongles raclaient la peau de sa gorge tout en lui arrachant un faible soupire qui perça la poigne ferme. De son autre main, Isla n'explorait pas, elle se servait. De la hanche, elle passa à la poitrine qu'elle pinça sèchement, provoquant une décharge brutale dans les reins d'une juge qui se courbait d'envie. Son sourire s'élargissait, son soupire se fit plus intense, et son Chaos se lovait parfaitement autour des deux femmes pour les étreindre de luxure. Elle ne fit rien pour cacher son désir qui martelait sous sa poitrine précipitée, tendue en avant… contraire à Isla qui prenait un malin plaisir à se dissimuler derrière une indifférence autoritaire. Le Chaos d'Alba décelait sans effort le brasier qui rongeait les nerfs de la prophétesse, elle pouvait jusqu'à respirer l'odeur de l'excitation qui s'infiltrait dans chacune de ses veines, cellules, particules de son être. La juge retient son sourire déjà large. Le jeu se fit plus clair ; Alba devenait un jouet utilisé pour le bon plaisir d'Isla.
La prophétesse aura ce qu'elle désire, mais pas sans en gagner le droit.
Sa nuisette fut arrachée à sa peau et dévoilait sa poitrine nue, ses tétons durcis d'excitation et de frissons. Simplement vêtue d'une culotte aussi luxueuse que les autres tissus, Alba se trouvait presque à nue désormais. Elle regrettait qu'Isla ne le soit pas aussi pour enfin assouvir sa faim curieuse de sentir la peau bouillante de son amie contre la sienne. D'ailleurs, elle esquissa un premier geste pour la défaire de cette robe qui, bien que sublime, était de trop ce soir. L'esprit d'Isla était bien plus vif qu'elle ne l'aurait imaginé.
Son corps fut aussitôt cloué contre la table qui trembla de nouveau sous le choc des hanches qui se percutent. Les ongles de la prophétesse furent tout sauf doux, tranchants presque la peau tendre de ses reins. De sa main libre, Isla traçait des chemins invisibles sur la peau frissonnante d'Alba qui se coulait contre elle, sensuelle et tentante. L'une de ses cuisses nues remonta contre la jambe voilée de son amie. En réponse, les doigts possessifs de son amie accrochèrent de nouveau sa mâchoire.
Sa question la fit sourire.
"Au goût que tu pourrais avoir sous ma langue."
Elle lui répondit sans détour, ses yeux ancrés dans les siens. Ses mains libres trouvèrent les hanches d'Isla qu'elle ramena contre elle, entre ses cuisses nues.
"Et au plaisir que j'aurai lorsque ta peau percutera la mienne."
Le murmure suave se glissa entre les lèvres tentantes d'Alba qui souriait toujours avec malice. Toutes les possibilitées qu'offraient cette image tordaient ses reins d'envie. Ses doigts froissaient le tissu de cette maudite robe qu'elle remonta sur les jambes d'Isla qu'elle savait parfaitement galbées par des années de danses.
"Ne crois pas une seule seconde obtenir ce que tu veux si facilement." Un pan de la robe fut relâché pour venir caresser le poignet qui la tenait prisonnière, du bout des doigts. "Il me faudra bien plus que cette main délicate pour me faire plier."
Son amie n'aurait certainement pas apprécié une soumission si facile. La récompense de son succès n'en sera que plus délicieuse lorsqu'elle aura fait ployer toute résistance à coup de poigne, d'ordre sec, de geste brusque. Alba en frémissait, la faim au ventre. Son sous-vêtement désormais trempé d'envie.
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