La nuit bat son plein, et la lune éclaire assez faiblement le quartier, encore plus calme qu’à l’accoutumée. Bohort n’est pas connu comme le quartier de la cité le plus animé, mais depuis le couvre-feu, la ville se meurt passé une certaine heure. A part quelques chats, il n’y a plus vraiment âme qui vive, et les derniers retardataires font profil bas. Tel un félin, une silhouette se détache pourtant faiblement du ciel sombre. Elle avance à pas feutrés, prend un peu d’élan pour passer d’un toit à l’autre. Sa réception reste délicate malgré sa corpulence athlétique. Certes, les deux toits se toucheraient presque…

Vêtue de vêtements sombres pour se fondre au mieux dans l’obscurité, la jeune personne semble bien à l’aise. Elle connaît les remparts qui se dressent sur sa route. Si on ne pensait pas à lever la tête, l’aurait-on entendu ? Peut-être pas… Pourtant le silence mortuaire de la place ne joue pas en sa faveur. Petit amorti incertain, elle s’accroupit et pose les mains sur le parapet pour se stabiliser. Puis la voilà qui repart, jouant les funambules sur le muret qui entoure le parc de la Grande Bibliothèque d’Avalon. Un faux pas et il tombe côté parc, nul doute qu’une sirène pourrait retentir… C’est pourtant le chemin le plus court pour rentrer chez lui.

Tout aurait pu se passer sans embûche. Mais la vie est imprévisible et joueuse. Des cris de matous percent l’immobilité de l’air, et avant même que l’acrobate ne comprenne ce qui lui arrive dessus, l’origine de ces feulements de colère lui passent plus ou moins sous les pieds. Son équilibre devient précaire, ses bras s’agitent pour trouver la stabilisation salvatrice. Sans succès, et pour éviter la chute du mauvais côté, il se penche instinctivement vers la ruelle qu’il longe. Une poussée instinctive sur le mur d’enceinte, forte et aussi large que possible alors qu’il tombe déjà, pour se donner assez d’élan pour un salto avant et un amorti roulade pour éviter de se briser la nuque. Heureusement, ses réflexes font le taf, et le gardien est déjà sur ses deux jambes, à s’épousseter la veste qu’il porte. « Satanés chats ! » Il grommelle, puis relève subitement la tête, se sentant observé.

@Marius Barabas