Lynn avait perdu sa lumière, sa lueur dans le regard, sa détermination dans le cœur, son goût pour le travail bien fait. À la place de la pimpante journaliste à la pêche d'informations capitales, on trouvait désormais une femme démotivée et fatiguée. La faute à une série de tragiques événements suite à une révélation importante - et politiquement dangereuse - dans son journal... la mise en danger de sa fille, la mystérieuse disparition d'innocents individus et finalement - et pas des moindres - une furie déchaînée la blamant de tous les maux répondant au nom de Siuan.

Elle avait dissimulé toute cette remise en question à son patron et collègues. Mais lorsque quelques jours à peine après l'attaque des dissidents elle choisit de prendre des congés, il n'était plus difficile de deviner l'origine du problème. Alors, elle avait eu le droit à plusieurs phrases tout à fait typiques. "Tu as fait ton travail", "ce n'est pas ta faute", "les gardiens ont mal fait leur travail"... Mais était-ce réellement vrai ? Ou plutôt exactement pouvait-elle totalement se dédouaner de la sorte ? C'est pourquoi elle se trouvait dans le quartier Perceval.

Ses pas l'avaient apportée à l'hôpital Sainte-Ygraine d'abord, jusqu'au secrétariat du service psychologie pour recevoir comme réponse que Delilah était partie déjeuner. Déçue - elle aurait certainement dû prendre rendez-vous de toute façon ! - elle prit la direction de la sortie. Ce ne fut que lorsqu'elle se prit un souffle de vent en plein visage qu'elle se rappela une adresse que Delilah lui avait donnée. Un salon de thé non loin de l'hôpital. Dans le quartier justement. Elle se stoppa un instant, hésitant longuement. Son pied tremblait, son talon claquait légèrement sur le pavé à cause de cette réaction... Finalement, elle se sentit bête. C'était particulièrement absurde. Elle ne se reconnaissait à peine. C'était ça qui l'inquiétait le plus. Douter était une chose. Mais hésiter jusque dans les moindres de ces décisions devenait de plus en plus envahissant. Non, elle ne pouvait pas continuer ainsi.

Désireuse de prendre le taureau par les cornes- si on pouvait dire les choses ainsi - elle serra les dents et se dirigea vers le salon de thé en question. Elle parcourut plusieurs mètres avant de se retrouver devant la vitrine eu commerce. Elle jeta un coup d'œil à l'intérieur cherchant le visage familier de son amie. Mais au moment où elle crut l'apercevoir, une cloche résonna juste à côté d'elle et une serveuse se présenta à elle. Après quelques échanges, Lynn la suivit à l'intérieur s'apprêtant à prendre place à une table même si Delilah ne se trouvait pas là. Elle ne pouvait nier que manger quelque chose lui ferait le plus grand bien. Un thé et une pâtisserie ne pouvaient que lui remonter le moral n'est-ce pas ?

L'aimable serveuse lui demanda alors où elle souhaitait s'installer, ce à quoi elle répondit en ballayant la pièce. Elle remarqua finalement Delilah. Elle était seule. Tant mieux. Pour Lynn, du moins. Elle indiqua la psy du doigt et prit une inspiration avant de se lancer. Cette fois-ci, son pas n'était pas tremblant mais une question tournait dans sa tête tel un tourbillon. Comment devait-elle présenter sa situation ? Elle se prit à penser qu'elle aurait peut-être dû prendre des cours d'improvisation au Pommier pour des situations comme celle-ci. « Bonjour Delilah. » Dit-elle doucement en espérant attirer son attention. Elle pinça des lèvres quand elle obtint ce qu'elle désira. Elle posa ses mains sur le dossier de la chaise devant elle pour prendre appui. Elle se sentait bizarre... Bizarre. Oui, c'était le mot. De telles choses ne lui arrivaient pas souvent. « Je suis désolée de venir sans avoir pris rendez-vou. Mais.... » Elle s'apprêtait à révéler une faille... Et l'idée même la fit trembler. Pourquoi se sentait-elle comme une gamine paumée de 15 ans ? Elle rejeta cette émotion un instant et reprit le plus calmement possible : « Mais j'ai vraiment besoin de parler. . » Cela sonnait presque comme un aveu. Elle n'avait personne d'autre à qui parler. Sauf sa sœur peut-être. Mais pour la première fois, sa sœur n'était pas la personne qu'il fallait.

Mal à l'aise, elle porta ensuite son regard que la chaise qu'elle tenait depuis quelques minutes. « Puis-je m'assoir ? . » Demanda-t-elle dans un souffle. Avant, elle se serait certainement installée sans hésiter. Mais c'était avant.