# Luciana Monteiro + réfugiée + Résilience.
Dim 22 Sep 2024, 19:22
Dim 22 Sep 2024, 19:22
On ne se libère pas d'une chose en l'évitant, mais en la traversant.
Cesare Pavese
Maria Luciana Oliveira Monteiro
Bienvenue à toi jeune mage
TW noyade, tentative de viol (sous-entendu seulement) - Lyskhat - 38 ans - Crédit avatar avengedinchains - Comment as-tu connu le forum ? Delilah.
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Résiliente. Taciturne. Distante. Impulsive. Colérique. Intelligente. Sarcastique. Conformiste. Organisée. Travailleuse.
Parlez-nous de vous...
A son arrivée à Avalon, il lui a fallut intégrer masse d’information : culturelles et magiques notamment. Elle a du recoller petit à petit les pièces du puzzle de sa vie, et de cette différence qu’elle ne comprenait pas. De fait, elle a fait un rejet de son Chaos, et si la famille qui l’a accueilli à son arrivée l’a poussé dans un premier temps à cultiver cette particularité, elle a abandonné toute forme d’apprentissage encadrée depuis plusieurs années. Elle reste autodidacte et la présence de sa patronne fait qu’elle s’entraine presque quotidiennement sans vraiment y réfléchir.
Elle n’a jamais eu la curiosité d’explorer la faculté de lire les pensées d’autrui, bien trop révulsée par son propre vécu de victime, selon son point de vue.
histoire de votre personnage
Le chiffon lustre le zinc centimètre carré par centimètre carré, dans un geste redondant et machinal. La barmaid finit son service avec une fatigue lointaine et nostalgique. Alors qu’elle effectue ces actions à présent maîtrisées, son esprit est ailleurs. Loin dans des collines verdoyantes de son pays natal. Un soupir lui échappe. Ses vieux souvenirs l’assaillent parfois, quand sa résistance mentale est moindre. En fin de soirée, au cabaret, ça arrive assez régulièrement. Elle n’a pas toujours quelqu’un à ses côtés pour la détourner de cette spirale hypnotisante.
Elle est ce qu’on appelle ici une réfugiée. Cela fait à présent environ dix ans qu’elle porte ce statut dans cette nouvelle vie qu’on lui a octroyé. Sa capacité d’adaptation l’a grandement aidé quand elle a mis les pieds sur cette île sans retour. Il est faux de dire qu’elle n’a pas le mal du pays, comme probablement une majorité de ces déracinés dont elle fait partie. Néanmoins tout n’est pas si binaire, chez elle. Beaucoup d’aspects de sa vie d’avant ne lui manquent pas tant que ça, finalement. Quand elle y repense, elle-même peine à croire qu’elle a vécu tout cela, tant le contraste avec son quotidien actuel est saisissant.
Abyssal.
Facile à occulter.
Impossible à effacer.
Elle est née dans un de ces petits villages à flanc de montagne, dans un pays européen colonial sur le déclin et en instabilité politique et économique. Dire que les évènements qui ont secoué sa patrie quelques années avant sa naissance et ceux qui ont suivi quelques années plus tard ont eu un fort impact sur la première partie de sa vie serait peut-être exagéré, toutefois dire que ça n’expliquait pas son quotidien serait tout aussi faux. Tout est lié, et même si elle n’est qu’une petite goutte d’eau dans la grande histoire du Portugal, cette même histoire est le terreau dans lequel a pris racine la majorité de ses maux.
Un soupir échappe à la brune derrière son comptoir, le mouvement s’est arrêté alors que ses iris sont perdus dans le vague souvenir des terres de son enfance.
Le contraste n’a pas été que culturel, à son arrivée. Il faut dire que son monde s’est longtemps résumé aux quelques villages entourant le sien. A ces dentelles de verdure dessinant les paysages et enchaînant le peuple à ces terres. L’agitation des villes, elle ne l’a que très peu connu. Une seule fois, elle est allée à Porto. Jamais à la capitale. Il faut dire que le périple nécessitait un long voyage en train, tout le monde n’avait pas le luxe de le prendre. Et elle n’avait même pas eu le luxe de choisir quoi que ce soit dans sa vie. Alors le train et la ville, ce n’était même pas des rêves pour la gamine qu’elle était.
Il lui avait fallu être pragmatique et résiliente très jeune.
Trop jeune.
Question de survie.
Un demi sourire à la fois sarcastique et conciliant échappe à l’adulte dans ce cabaret vide à cette pensée. Une vie de misère, pourraient y voir certains. Et quelque part, ça l’est probablement pour qui aurait vécu dans l’opulence et la sécurité d’un foyer aimant et aisé. Pour elle, c’était ni plus ni moins que la vie du peuple dans son coin isolé, la norme de ceux d’en bas. D’autant que dans son malheur, certains étaient bien plus à plaindre qu’elle, se disait-elle finalement.
Elle était issue d’une fratrie nombreuse, comme il était souvent le cas sans contraception ni prévention. Au milieu, quelque part entre l’aîné et le benjamin, qu’elle ne connaîtra que peu d’ailleurs. Et elle y a passé ses sept premières années, et a été rendue autonome très rapidement. Les plus grands prenaient en charge les plus jeunes, et c’était tout aussi valable avec tous les enfants du village. Elle n’a finalement que peu de souvenir de cette époque, et de la vie familiale telle qu’on se l’imagine. Elle se souvient bien mieux des années suivantes.
Au service de l’une des familles riches du coin.
Ça aussi, c’était un peu la norme. Tant de bouches à nourrir, si peu de ressources, tant de labeur. Les garçons étaient souvent envoyés aux champs pour les divers travaux agricoles au fil des saisons, dans les vignes durant les vendanges des coteaux escarpés, envoyés pour prêter main forte et ramener au foyer sa part de pitance. Les filles, on adaptait suivant leurs capacités. Pour sa part, elle avait eu la chance, ou la malchance suivant le point de vue, de naître plutôt mignonne, avec ses yeux trop bleus, et docile. Calme et intelligente, elle s’était très vite adapté à cette survie quotidienne.
Elle ne garde aucune rancoeur envers ses parents, ils ont fait ce qu’ils ont pu, comme il ont pu, avec les choix qui leur étaient imposés. Car finalement, avaient-ils eu un réel choix quand cette demande leur fut faite, et dans la situation qui étaient la leur ? L’un de ses plus anciens souvenirs émotionnels est probablement la tristesse qu’elle a ressenti dans une des étreintes larmoyantes de sa mère, quelques jours avant le départ pour la maison de ses nouveaux maîtres. Bien sûr, elle ne peut nier leur en avoir voulu, parfois, quand les contraintes étaient trop dures pour son jeune âge. Mais elle n’avait jamais eu le loisir de se plaindre, cela aussi, elle l’avait intégré bien tôt.
Sa seconde vie commença donc à l’aube de ses huit ans, dans la vaste demeure des De Sousa Santos. La famille bourgeoise avait le pouvoir qui allait avec la richesse, dans une campagne d’illettrés et de pieux paysans. La Quinta familiale avait su faire commerce de leurs vins, et si ce n’était pas une renommée internationale, leurs affaires fleurissaient sans nul doute. De tout cela, elle n’en savait rien, n’avait jamais fourré son nez dedans. Elle savait juste qu’ils étaient assez influents dans la région. L’une de ses grandes sœurs officiait déjà dans la demeure en tant que servante, et si elle rentra initialement pour les mêmes attributions, son destin fut légèrement différent.
La brune se retourne, pour poser des verres propres sur l’étagère derrière le comptoir, et elle tombe sur son propre regard, dans le miroir qui agrandit la pièce. Comme si elle le redécouvrait à nouveau, ces deux billes claires, aux tons olivâtres, révélant depuis son plus jeune âge sa force de caractère. Elle ne sut jamais les raisons réelles qui provoquèrent son assignation à la jeune maîtresse, mais elle a toujours pensé que ses yeux avaient été l’un des arguments. Elle attirait le regard, puis sa réserve polie et son port fier sciait probablement bien à ce rôle. Ainsi, à l’âge de neuf ans, elle se retrouva en présence de Camilla, de deux ans sa cadette. C’est à ses côtés qu’elle évolua, répondant à nombre de ses caprices mais profitant également des privilèges qui étaient accordés à la gamine qu’elle devait suivre comme son ombre.
Un sourire attendri frôle ses lèvres tandis qu’elle continue de ranger les verres. Tellement fugace qu’un spectateur aurait pu douter de l’avoir vu à travers le miroir qui la révélait à la pièce. Quelque part, elle s’en était pas si mal sortie, même si elle en gardait un nombre conséquent de cicatrices visibles et invisibles. Mais encore une fois, c’était la norme, elle n’avait aucune échappatoire et le désir de rébellion avait été avorté dans l’œuf bien avant qu’elle ai pu en avoir conscience. Elle avait fait ce qu’on attendait d’elle, toujours et en tout lieu.
La famille qui l’employait comptait une fratrie de cinq enfants, Camilla étant la cadette du milieu. Et la seule fille. Un professeur faisait la leçon quotidienne aux trois aînés quand elle avait pris service auprès de la benjamine du lot. Les deux derniers, encore dans les langes ou à peine propres n’avaient pas réelle existence dans son quotidien. Par contre, que ce soit Alvaro de 6 ans l’aîné, ou Tiago, le cadet qui avait le même âge qu’elle, tous deux faisaient parti de son microcosme.
La vie de cette maisonnée, malgré son opulence, se rythmait au fil des saisons. Toutefois les enfants en étaient en partie préservés, contrairement à sa propre fratrie. Il y avait les obligations, bien sûr. Les leçons auxquelles elle assistait sans pouvoir réellement y participer, mais qui lui donnèrent des rudiments de lecture et de savoir qu’elle entraînait seule dès qu’un moment opportun se présentait. Les messes. Les réceptions où elle devait accompagner Camilla sans l’éclipser. Les célébrations religieuses qui se succédait au fil des mois et du calendrier chrétien.
Et il y avait les moments libres. Les jeux d’enfants dans le jardin de la propriété ou dans la vaste demeure. Moments à la fois doux et amer. Moments dans lesquels elle ne pouvait jamais être totalement elle, où la dualité de monde se faisaient le plus sentir. C’est probablement dans ces souvenirs là que la marque des deux jeunes maîtres étaient le plus fort. Quand les adultes ne surveillaient pas, ou moins attentivement. Dans ces moments qu’ils l’approchaient, la taquinaient, la tourmentaient, l’amadouaient. Dans ces moments là, où les émotions étaient les plus difficilement gérables.
Si elle avait su mieux les gérer, peut-être qu’elle ne serait pas ici, aujourd’hui. Où serait-elle alors ? Toujours au service des De Sousa Santos ? Toujours au service de Camilla ? Aurait-elle su se défaire de ces chaînes pour vivre autre chose, loin de tout ça ? Difficile à dire. Et douloureux à envisager. Peut-être était-ce mieux ainsi. Elle n’avait pas choisi cette liberté, quand bien même elle était bloquée sur ce bout de terre perdu au milieu du vaste océan. Mais la captivité morale, elle la connaissait bien assez pour s’y être adaptée. Et celle-ci, en comparaison, était bien plus facile à vivre.
Dans ce pays fortement marqué par les préceptes religieux, il n’était pas de bon ton de parler de Chaos, de Sources, ou même de sorciers et sorcières de manière plus vague. Ces termes, elle les as appris en arrivant sur les terres d’Avalon. Toute manifestation hors des normes prônées par le prêtre et l’Eglise était déviant, œuvre du diable, et devait être sévèrement puni et réprimé. Comment, dans les conditions de vie et de doctrine qui étaient les siennes, aurait-elle pu sereinement appréhender cette différence qu’elle portait ? Alors même qu’en parler à ses parents ou à sa sœur aînée lui paraissait être déjà une trahison. Ils lui auraient dit, s’il y avait une tare familiale, non ?
Un soupir. Elle ne saura probablement jamais. La barmaid lance son torchon sur l’épaule et commence à réorganiser les bouteilles qui se sont éparpillées au fil du service. Elle n’a pris conscience de tout cela qu’en suivant la thérapie imposée à son arrivée. Enfant, elle gardait cette sensation enfouie, s’adaptait dans la crainte d’être découverte, battue, exilée… ou pire. Toute son éducation était basée sur cette idée d’un bien, et d’un mal, et elle savait avoir un pied dans ce mal contre son gré. Elle devait lutter pour ne pas laisser gagner cette noirceur de l’âme qui la condamnerait à l’enfer éternel. La déconstruction avait été longue et éprouvante, et n’était pas totalement acquise, d’ailleurs.
De ce qu’elle pris conscience aussi, c’est de ne pas être la seule avec ces capacités honnies. Elle ne saurait dire avec exactitude combien de sorciers évoluaient dans le cercle des personnes qu’elle côtoyait au quotidien dans son enfance et adolescence, mais elle n’avait pas été la seule. Elle peut en citer au moins un avec certitude. Le Maître de la Quinta, Senhor De Sousa Santos. À chaque fois qu’elle eu affaire à lui, elle avait eu cette sensation qu’il pouvait lire son âme bien plus sûrement que si elle avait ouvert la bouche pour tout lui livrer. Elle en avait peur, de fait. C’était un homme strict, peu affable, et d’autant plus avec une gamine du peuple insignifiante comme elle. Il était taillé pour les affaires financières et politiques. Elle n’était qu’une espionne involontaire pour le père de famille, yeux et oreilles pour surveiller sa progéniture.
Tsss… En un sens, il était celui à remercier. C’est probablement grâce aux incursions régulières dans son esprit dont elle fut la proie que sa peur se mua en volonté de protection, cherchant à s’en protéger ne serait-ce qu’un peu. Vainement, bien sûr, dans ses plus jeunes années. Mais l’expérience vint de pair avec l’âge avançant. Elle était loin d’être une télépathe aguerrie et aussi décomplexée que l’était sa patronne actuelle. Et elle n’était pas sûre d’avoir su résister au Maître aussi bien que cela, mais elle avait la conviction d’avoir pu garder quelques secrets pour elle durant les dernières années de sa vie au Portugal. Ceux qu’elle désirait le plus verrouiller.
Sinon, elle aurait eu probablement des problèmes plus tôt, non ?
Les années passèrent ainsi. Chahutée par ces flots dont elle n’aurait jamais la maîtrise. L’enfant devint adolescente. Elle ne prit jamais sa place pour acquise. Elle savait d’instinct que ça ne durerait pas éternellement, et chaque jour elle prenait ce qu’elle pouvait comme si c’était le dernier. Son attitude était respectueuse avec les adultes, distante avec tout le monde. Les recommandations qu’on lui avait faites restaient encore gravées en elle, même après 20 ans. La petite domestique qu’elle était alors restait discrète et sur la réserve, quoi qu’il arrive, et quelque soit l’affection qu’elle avait développé pour sa jeune maîtresse.
Sa place était définie dans ce grand échiquier. Elle ne dépassa jamais la limite, forgeant plus encore son caractère distant et froid. À de rares occasions, elle pouvait retourner auprès de sa famille, de ses jeunes sœurs. Mais elle n’était plus vraiment de leur monde, plus vraiment de celui de ses maîtres. Un entre deux qui la laissaient souvent solitaire et taciturne. Le contraste était toujours plus douloureux. Et toujours plus, elle se blindait, se protégeait en enfouissant émotions et chaos au plus profond de son être.
Était-ce cette attitude indomptable qui avait fait déraper le jeu des deux aînés ? Probablement, les adolescents sont déjà impétueux par nature. Tous deux en course pour la succession familiale. Et la présence d’une jeune fille au regard pénétrant, d’apparence docile mais qui ne se laisse pas facilement approcher, ne pouvait guère aider à leur rivalité. Aurait-elle pu éviter tout cela d’une manière ou d’une autre ? En cédant ? En jouant le jeu qu’ils auraient voulu qu’elle joue ? Cela aussi, c’était la norme. Et elle s’était conformé à tout ce qu’on attendait d’elle depuis son plus jeune âge… alors pourquoi pas cette fois là ? Ce n’aurait été qu’une fois de plus…
Les frères De Sousa Santos. Deux charismes, deux personnalités, deux approches. Si jeunes et si conscient du pouvoir qu’ils pouvaient afficher avec elle. Privilèges de riches, probablement. L’un horripilant. Frontal. L’autre plus avenant. Doucereux. Lequel des deux avait représenté le plus grand danger ? Pas celui qu’elle aurait cru, très ironiquement. Et c’était probablement là qu’avait été la faille, qui l’avait conduite à ce matin d’automne où elle avait été sauvée par des inconnus venus de nulle part.
Ses paupières se ferment, et sa respiration s’enraye. Elle inspire consciemment pour calmer son coeur qui s’affole un instant. La respiration volontairement lente est salvatrice. La fatigue est traître, et le souvenir bien trop cuisant malgré la décennie la séparant de ce moment. Il est rare qu’elle se laisse aller à creuser ses souvenirs avec une telle insistance. Les prunelles réapparaissent, et la brillance humide ne tromperait pas les plus observateurs. Heureusement, elle semble bien seule ce soir, dans la pénombre de la vaste salle de spectacle.
Quand elle y pense, c’est toujours avec une succession vertigineuse de si.
Et si les deux jeunes hommes n’avaient pas jetés leur dévolu sur elle ?
Et si elle avait pu prédire ce qui se produirait ?
Et si Alvaro n’avait pas été si entreprenant ?
Et si elle ne l’avait pas laissé autant l’approcher ?
Et si Tiago n’avait pas été si impulsif ?
Et si il n’avait pas été présent ce jour là ?
Et si elle avait mis des limites claires ?
Et si elle n’avait pas refusé de manière si effarouchée ?
Et si elle s’était laissée faire ?
Et si…
Toujours est-il que malgré toutes ces hypothèses inutiles, l’altercation avait eu lieu entre les deux rivaux. Elle avait été d’abord sidérée, puis effrayée. Ils ne plaisantaient pas, les coups fusaient. Elle sentait une force qu’elle ne comprenait pas. Ou plutôt qu’elle reconnaissait inconsciemment. Ce n’était pas la sienne, mais elle s’en rapprochait. La sensation était familière, tant elle avait réprimé année après année cette différence qui coulait dans son corps. Sur le moment, elle n’avait pas réfléchit, ni à quoi faire, ni aux conséquences que ça aurait.
Les émotions jaillissant comme l’eau face à un barrage qui cède, elle n’avait pu retenir son propre Chaos pour faire face à ce qu’elle percevait autour des deux bagarreurs. Sa seule volonté était qu’ils arrêtent. Qu’ils ne se battent pas. Pas pour elle. Surtout pas pour elle. C’était insensé, c’était absurde. Elle n’était pas de leur monde, ils ne pouvaient pas se battre pour ça. Était-ce d’avoir été trop réprimé que son pouvoir explosa de la sorte en percutant les deux autres sorciers ? Elle ne le su pas immédiatement, mais alors que les deux corps étaient repoussés l’un de l’autre, elle tombait à genou, vidée. Epuisée. En larmes.
Et si personne n’avait assisté à la scène ?
On ne s’attaque pas à de riches héritiers, dans son coin de vallée. Les sorcières sont bien plus facile à chasser. « Hérétique. Fille du diable. Vile tentatrice qui avait charmé deux frères pour les faire s’entre-tuer… » Pour les moins virulents des griefs qui lui furent attribués. De tout temps les femmes tiennent souvent le mauvais rôle, surtout quand il est question de pouvoir. Elle n’eut aucun allié affiché publiquement, ni les fils, ni le père qui pourtant savait la totalité des faits dans une intrusion qu’elle avait perçut violemment dans son âme déjà éprouvée. Qui pourtant savaient tous trois combien cette tare était lourde à porter.
Même elle doutait.
Après tout, elle avait cette sombre magie en elle depuis toujours.
Il fallait qu’elle paie pour ses péchés, et peut-être…
Peut-être…
La justice n’avait été que locale, injuste et partiale. Un procès qui n’en avait que le nom, dans une campagne isolée et peu regardante des lois du pays. Seule prévalait la loi divine et le pouvoir des patrons et maîtres. Il fallait gérer ça sans alerter, sans laisser entendre que le diable avait main mise sur le village… Il fallait effacer toute trace.
L’eau glacée avait saisit son corps. Par instinct de survie encore, elle s’était débattue. Mais entravée, n’avait pu que se sentir couler par le fond, sans possibilité de s’en sortir vivante. Retenir sa respiration ne serait que retarder l’inévitable. Elle devait céder. Une dernière fois. Faire ce qu’on attendait d’elle…
Une larme coule sur sa joue, et d’un revers rageur, elle l’efface d’un coup de poignet. Non, elle avait bien assez pleuré. Bien assez ressassé. Sa troisième vie avait commencé là, quand elle avait ouvert les yeux sur cette plage inconnue, face à un homme qu’elle ne connaissait pas non plus. Hagarde, elle l’avait été un moment. N’avait pas compris immédiatement, malgré les mots qui lui étaient prodigués avec précaution. Mutique aussi, elle l’avait été. Plusieurs jours totalement. Puis, sa résilience avait pris le commandement, et elle n’avait dit que ce qu’on attendait d’elle. C’était la seule façon de survivre, non ?
Il lui avait fallu une famille, alors même qu’il ne lui restait à peine moins d’une année avant la majorité sur l’île. Peut-être cela avait été la chance de sa troisième vie. Elle avait pu se reconstruire doucement, douloureusement. Explorer la vraie elle. Se réconcilier avec celle qui avait vécu tout ça. Accepter celle à qui on avait offert un nouveau départ. Loin de ses terres natales, mais où elle pouvait être pleinement maîtresse de sa vie, de ses choix, de son Chaos.
Des regrets, elle en avait.
De la reconnaissance aussi.
Des questions, bien trop.
Des peurs et des croyances, qui ne la quittaient jamais totalement.
Et une force.
Une force de caractère qui lui intimait de ne plus jamais se laisser faire.
Plus jamais.
« Tu as bientôt fini ? Je vais fermer, ce soir. »
La voix qui s’élève fait relever la tête à l’employée pour tomber sur Vanessa. Elle la regarde un instant, peinant à sortir de ses souvenirs qui l’avait ainsi prise par surprise. D’un hochement de tête, elle acquiesce et quitte le cocon de son bar à présent propre et rangé. Sa patronne a beau avoir un caractère de feu, cela lui convient. Est-ce qu’elle l’a vu ? Peut-être. Peut-être pas. Elle part chercher ses affaires dans la réserve du personnel, et revient avec sa veste en jean sur le dos. La soirée a été bien animée encore une fois. Sa propre fatigue semble faire écho à celle de l’autre brune. C’est peut-être pour ça qu’elle se sent bien dans cet emploi.
Elle est ce qu’on appelle ici une réfugiée. Cela fait à présent environ dix ans qu’elle porte ce statut dans cette nouvelle vie qu’on lui a octroyé. Sa capacité d’adaptation l’a grandement aidé quand elle a mis les pieds sur cette île sans retour. Il est faux de dire qu’elle n’a pas le mal du pays, comme probablement une majorité de ces déracinés dont elle fait partie. Néanmoins tout n’est pas si binaire, chez elle. Beaucoup d’aspects de sa vie d’avant ne lui manquent pas tant que ça, finalement. Quand elle y repense, elle-même peine à croire qu’elle a vécu tout cela, tant le contraste avec son quotidien actuel est saisissant.
Abyssal.
Facile à occulter.
Impossible à effacer.
Elle est née dans un de ces petits villages à flanc de montagne, dans un pays européen colonial sur le déclin et en instabilité politique et économique. Dire que les évènements qui ont secoué sa patrie quelques années avant sa naissance et ceux qui ont suivi quelques années plus tard ont eu un fort impact sur la première partie de sa vie serait peut-être exagéré, toutefois dire que ça n’expliquait pas son quotidien serait tout aussi faux. Tout est lié, et même si elle n’est qu’une petite goutte d’eau dans la grande histoire du Portugal, cette même histoire est le terreau dans lequel a pris racine la majorité de ses maux.
Un soupir échappe à la brune derrière son comptoir, le mouvement s’est arrêté alors que ses iris sont perdus dans le vague souvenir des terres de son enfance.
Le contraste n’a pas été que culturel, à son arrivée. Il faut dire que son monde s’est longtemps résumé aux quelques villages entourant le sien. A ces dentelles de verdure dessinant les paysages et enchaînant le peuple à ces terres. L’agitation des villes, elle ne l’a que très peu connu. Une seule fois, elle est allée à Porto. Jamais à la capitale. Il faut dire que le périple nécessitait un long voyage en train, tout le monde n’avait pas le luxe de le prendre. Et elle n’avait même pas eu le luxe de choisir quoi que ce soit dans sa vie. Alors le train et la ville, ce n’était même pas des rêves pour la gamine qu’elle était.
Il lui avait fallu être pragmatique et résiliente très jeune.
Trop jeune.
Question de survie.
Un demi sourire à la fois sarcastique et conciliant échappe à l’adulte dans ce cabaret vide à cette pensée. Une vie de misère, pourraient y voir certains. Et quelque part, ça l’est probablement pour qui aurait vécu dans l’opulence et la sécurité d’un foyer aimant et aisé. Pour elle, c’était ni plus ni moins que la vie du peuple dans son coin isolé, la norme de ceux d’en bas. D’autant que dans son malheur, certains étaient bien plus à plaindre qu’elle, se disait-elle finalement.
Elle était issue d’une fratrie nombreuse, comme il était souvent le cas sans contraception ni prévention. Au milieu, quelque part entre l’aîné et le benjamin, qu’elle ne connaîtra que peu d’ailleurs. Et elle y a passé ses sept premières années, et a été rendue autonome très rapidement. Les plus grands prenaient en charge les plus jeunes, et c’était tout aussi valable avec tous les enfants du village. Elle n’a finalement que peu de souvenir de cette époque, et de la vie familiale telle qu’on se l’imagine. Elle se souvient bien mieux des années suivantes.
Au service de l’une des familles riches du coin.
Ça aussi, c’était un peu la norme. Tant de bouches à nourrir, si peu de ressources, tant de labeur. Les garçons étaient souvent envoyés aux champs pour les divers travaux agricoles au fil des saisons, dans les vignes durant les vendanges des coteaux escarpés, envoyés pour prêter main forte et ramener au foyer sa part de pitance. Les filles, on adaptait suivant leurs capacités. Pour sa part, elle avait eu la chance, ou la malchance suivant le point de vue, de naître plutôt mignonne, avec ses yeux trop bleus, et docile. Calme et intelligente, elle s’était très vite adapté à cette survie quotidienne.
Elle ne garde aucune rancoeur envers ses parents, ils ont fait ce qu’ils ont pu, comme il ont pu, avec les choix qui leur étaient imposés. Car finalement, avaient-ils eu un réel choix quand cette demande leur fut faite, et dans la situation qui étaient la leur ? L’un de ses plus anciens souvenirs émotionnels est probablement la tristesse qu’elle a ressenti dans une des étreintes larmoyantes de sa mère, quelques jours avant le départ pour la maison de ses nouveaux maîtres. Bien sûr, elle ne peut nier leur en avoir voulu, parfois, quand les contraintes étaient trop dures pour son jeune âge. Mais elle n’avait jamais eu le loisir de se plaindre, cela aussi, elle l’avait intégré bien tôt.
Sa seconde vie commença donc à l’aube de ses huit ans, dans la vaste demeure des De Sousa Santos. La famille bourgeoise avait le pouvoir qui allait avec la richesse, dans une campagne d’illettrés et de pieux paysans. La Quinta familiale avait su faire commerce de leurs vins, et si ce n’était pas une renommée internationale, leurs affaires fleurissaient sans nul doute. De tout cela, elle n’en savait rien, n’avait jamais fourré son nez dedans. Elle savait juste qu’ils étaient assez influents dans la région. L’une de ses grandes sœurs officiait déjà dans la demeure en tant que servante, et si elle rentra initialement pour les mêmes attributions, son destin fut légèrement différent.
La brune se retourne, pour poser des verres propres sur l’étagère derrière le comptoir, et elle tombe sur son propre regard, dans le miroir qui agrandit la pièce. Comme si elle le redécouvrait à nouveau, ces deux billes claires, aux tons olivâtres, révélant depuis son plus jeune âge sa force de caractère. Elle ne sut jamais les raisons réelles qui provoquèrent son assignation à la jeune maîtresse, mais elle a toujours pensé que ses yeux avaient été l’un des arguments. Elle attirait le regard, puis sa réserve polie et son port fier sciait probablement bien à ce rôle. Ainsi, à l’âge de neuf ans, elle se retrouva en présence de Camilla, de deux ans sa cadette. C’est à ses côtés qu’elle évolua, répondant à nombre de ses caprices mais profitant également des privilèges qui étaient accordés à la gamine qu’elle devait suivre comme son ombre.
Un sourire attendri frôle ses lèvres tandis qu’elle continue de ranger les verres. Tellement fugace qu’un spectateur aurait pu douter de l’avoir vu à travers le miroir qui la révélait à la pièce. Quelque part, elle s’en était pas si mal sortie, même si elle en gardait un nombre conséquent de cicatrices visibles et invisibles. Mais encore une fois, c’était la norme, elle n’avait aucune échappatoire et le désir de rébellion avait été avorté dans l’œuf bien avant qu’elle ai pu en avoir conscience. Elle avait fait ce qu’on attendait d’elle, toujours et en tout lieu.
La famille qui l’employait comptait une fratrie de cinq enfants, Camilla étant la cadette du milieu. Et la seule fille. Un professeur faisait la leçon quotidienne aux trois aînés quand elle avait pris service auprès de la benjamine du lot. Les deux derniers, encore dans les langes ou à peine propres n’avaient pas réelle existence dans son quotidien. Par contre, que ce soit Alvaro de 6 ans l’aîné, ou Tiago, le cadet qui avait le même âge qu’elle, tous deux faisaient parti de son microcosme.
La vie de cette maisonnée, malgré son opulence, se rythmait au fil des saisons. Toutefois les enfants en étaient en partie préservés, contrairement à sa propre fratrie. Il y avait les obligations, bien sûr. Les leçons auxquelles elle assistait sans pouvoir réellement y participer, mais qui lui donnèrent des rudiments de lecture et de savoir qu’elle entraînait seule dès qu’un moment opportun se présentait. Les messes. Les réceptions où elle devait accompagner Camilla sans l’éclipser. Les célébrations religieuses qui se succédait au fil des mois et du calendrier chrétien.
Et il y avait les moments libres. Les jeux d’enfants dans le jardin de la propriété ou dans la vaste demeure. Moments à la fois doux et amer. Moments dans lesquels elle ne pouvait jamais être totalement elle, où la dualité de monde se faisaient le plus sentir. C’est probablement dans ces souvenirs là que la marque des deux jeunes maîtres étaient le plus fort. Quand les adultes ne surveillaient pas, ou moins attentivement. Dans ces moments qu’ils l’approchaient, la taquinaient, la tourmentaient, l’amadouaient. Dans ces moments là, où les émotions étaient les plus difficilement gérables.
Si elle avait su mieux les gérer, peut-être qu’elle ne serait pas ici, aujourd’hui. Où serait-elle alors ? Toujours au service des De Sousa Santos ? Toujours au service de Camilla ? Aurait-elle su se défaire de ces chaînes pour vivre autre chose, loin de tout ça ? Difficile à dire. Et douloureux à envisager. Peut-être était-ce mieux ainsi. Elle n’avait pas choisi cette liberté, quand bien même elle était bloquée sur ce bout de terre perdu au milieu du vaste océan. Mais la captivité morale, elle la connaissait bien assez pour s’y être adaptée. Et celle-ci, en comparaison, était bien plus facile à vivre.
Dans ce pays fortement marqué par les préceptes religieux, il n’était pas de bon ton de parler de Chaos, de Sources, ou même de sorciers et sorcières de manière plus vague. Ces termes, elle les as appris en arrivant sur les terres d’Avalon. Toute manifestation hors des normes prônées par le prêtre et l’Eglise était déviant, œuvre du diable, et devait être sévèrement puni et réprimé. Comment, dans les conditions de vie et de doctrine qui étaient les siennes, aurait-elle pu sereinement appréhender cette différence qu’elle portait ? Alors même qu’en parler à ses parents ou à sa sœur aînée lui paraissait être déjà une trahison. Ils lui auraient dit, s’il y avait une tare familiale, non ?
Un soupir. Elle ne saura probablement jamais. La barmaid lance son torchon sur l’épaule et commence à réorganiser les bouteilles qui se sont éparpillées au fil du service. Elle n’a pris conscience de tout cela qu’en suivant la thérapie imposée à son arrivée. Enfant, elle gardait cette sensation enfouie, s’adaptait dans la crainte d’être découverte, battue, exilée… ou pire. Toute son éducation était basée sur cette idée d’un bien, et d’un mal, et elle savait avoir un pied dans ce mal contre son gré. Elle devait lutter pour ne pas laisser gagner cette noirceur de l’âme qui la condamnerait à l’enfer éternel. La déconstruction avait été longue et éprouvante, et n’était pas totalement acquise, d’ailleurs.
De ce qu’elle pris conscience aussi, c’est de ne pas être la seule avec ces capacités honnies. Elle ne saurait dire avec exactitude combien de sorciers évoluaient dans le cercle des personnes qu’elle côtoyait au quotidien dans son enfance et adolescence, mais elle n’avait pas été la seule. Elle peut en citer au moins un avec certitude. Le Maître de la Quinta, Senhor De Sousa Santos. À chaque fois qu’elle eu affaire à lui, elle avait eu cette sensation qu’il pouvait lire son âme bien plus sûrement que si elle avait ouvert la bouche pour tout lui livrer. Elle en avait peur, de fait. C’était un homme strict, peu affable, et d’autant plus avec une gamine du peuple insignifiante comme elle. Il était taillé pour les affaires financières et politiques. Elle n’était qu’une espionne involontaire pour le père de famille, yeux et oreilles pour surveiller sa progéniture.
Tsss… En un sens, il était celui à remercier. C’est probablement grâce aux incursions régulières dans son esprit dont elle fut la proie que sa peur se mua en volonté de protection, cherchant à s’en protéger ne serait-ce qu’un peu. Vainement, bien sûr, dans ses plus jeunes années. Mais l’expérience vint de pair avec l’âge avançant. Elle était loin d’être une télépathe aguerrie et aussi décomplexée que l’était sa patronne actuelle. Et elle n’était pas sûre d’avoir su résister au Maître aussi bien que cela, mais elle avait la conviction d’avoir pu garder quelques secrets pour elle durant les dernières années de sa vie au Portugal. Ceux qu’elle désirait le plus verrouiller.
Sinon, elle aurait eu probablement des problèmes plus tôt, non ?
Les années passèrent ainsi. Chahutée par ces flots dont elle n’aurait jamais la maîtrise. L’enfant devint adolescente. Elle ne prit jamais sa place pour acquise. Elle savait d’instinct que ça ne durerait pas éternellement, et chaque jour elle prenait ce qu’elle pouvait comme si c’était le dernier. Son attitude était respectueuse avec les adultes, distante avec tout le monde. Les recommandations qu’on lui avait faites restaient encore gravées en elle, même après 20 ans. La petite domestique qu’elle était alors restait discrète et sur la réserve, quoi qu’il arrive, et quelque soit l’affection qu’elle avait développé pour sa jeune maîtresse.
Sa place était définie dans ce grand échiquier. Elle ne dépassa jamais la limite, forgeant plus encore son caractère distant et froid. À de rares occasions, elle pouvait retourner auprès de sa famille, de ses jeunes sœurs. Mais elle n’était plus vraiment de leur monde, plus vraiment de celui de ses maîtres. Un entre deux qui la laissaient souvent solitaire et taciturne. Le contraste était toujours plus douloureux. Et toujours plus, elle se blindait, se protégeait en enfouissant émotions et chaos au plus profond de son être.
Était-ce cette attitude indomptable qui avait fait déraper le jeu des deux aînés ? Probablement, les adolescents sont déjà impétueux par nature. Tous deux en course pour la succession familiale. Et la présence d’une jeune fille au regard pénétrant, d’apparence docile mais qui ne se laisse pas facilement approcher, ne pouvait guère aider à leur rivalité. Aurait-elle pu éviter tout cela d’une manière ou d’une autre ? En cédant ? En jouant le jeu qu’ils auraient voulu qu’elle joue ? Cela aussi, c’était la norme. Et elle s’était conformé à tout ce qu’on attendait d’elle depuis son plus jeune âge… alors pourquoi pas cette fois là ? Ce n’aurait été qu’une fois de plus…
Les frères De Sousa Santos. Deux charismes, deux personnalités, deux approches. Si jeunes et si conscient du pouvoir qu’ils pouvaient afficher avec elle. Privilèges de riches, probablement. L’un horripilant. Frontal. L’autre plus avenant. Doucereux. Lequel des deux avait représenté le plus grand danger ? Pas celui qu’elle aurait cru, très ironiquement. Et c’était probablement là qu’avait été la faille, qui l’avait conduite à ce matin d’automne où elle avait été sauvée par des inconnus venus de nulle part.
Ses paupières se ferment, et sa respiration s’enraye. Elle inspire consciemment pour calmer son coeur qui s’affole un instant. La respiration volontairement lente est salvatrice. La fatigue est traître, et le souvenir bien trop cuisant malgré la décennie la séparant de ce moment. Il est rare qu’elle se laisse aller à creuser ses souvenirs avec une telle insistance. Les prunelles réapparaissent, et la brillance humide ne tromperait pas les plus observateurs. Heureusement, elle semble bien seule ce soir, dans la pénombre de la vaste salle de spectacle.
Quand elle y pense, c’est toujours avec une succession vertigineuse de si.
Et si les deux jeunes hommes n’avaient pas jetés leur dévolu sur elle ?
Et si elle avait pu prédire ce qui se produirait ?
Et si Alvaro n’avait pas été si entreprenant ?
Et si elle ne l’avait pas laissé autant l’approcher ?
Et si Tiago n’avait pas été si impulsif ?
Et si il n’avait pas été présent ce jour là ?
Et si elle avait mis des limites claires ?
Et si elle n’avait pas refusé de manière si effarouchée ?
Et si elle s’était laissée faire ?
Et si…
Toujours est-il que malgré toutes ces hypothèses inutiles, l’altercation avait eu lieu entre les deux rivaux. Elle avait été d’abord sidérée, puis effrayée. Ils ne plaisantaient pas, les coups fusaient. Elle sentait une force qu’elle ne comprenait pas. Ou plutôt qu’elle reconnaissait inconsciemment. Ce n’était pas la sienne, mais elle s’en rapprochait. La sensation était familière, tant elle avait réprimé année après année cette différence qui coulait dans son corps. Sur le moment, elle n’avait pas réfléchit, ni à quoi faire, ni aux conséquences que ça aurait.
Les émotions jaillissant comme l’eau face à un barrage qui cède, elle n’avait pu retenir son propre Chaos pour faire face à ce qu’elle percevait autour des deux bagarreurs. Sa seule volonté était qu’ils arrêtent. Qu’ils ne se battent pas. Pas pour elle. Surtout pas pour elle. C’était insensé, c’était absurde. Elle n’était pas de leur monde, ils ne pouvaient pas se battre pour ça. Était-ce d’avoir été trop réprimé que son pouvoir explosa de la sorte en percutant les deux autres sorciers ? Elle ne le su pas immédiatement, mais alors que les deux corps étaient repoussés l’un de l’autre, elle tombait à genou, vidée. Epuisée. En larmes.
Et si personne n’avait assisté à la scène ?
On ne s’attaque pas à de riches héritiers, dans son coin de vallée. Les sorcières sont bien plus facile à chasser. « Hérétique. Fille du diable. Vile tentatrice qui avait charmé deux frères pour les faire s’entre-tuer… » Pour les moins virulents des griefs qui lui furent attribués. De tout temps les femmes tiennent souvent le mauvais rôle, surtout quand il est question de pouvoir. Elle n’eut aucun allié affiché publiquement, ni les fils, ni le père qui pourtant savait la totalité des faits dans une intrusion qu’elle avait perçut violemment dans son âme déjà éprouvée. Qui pourtant savaient tous trois combien cette tare était lourde à porter.
Même elle doutait.
Après tout, elle avait cette sombre magie en elle depuis toujours.
Il fallait qu’elle paie pour ses péchés, et peut-être…
Peut-être…
La justice n’avait été que locale, injuste et partiale. Un procès qui n’en avait que le nom, dans une campagne isolée et peu regardante des lois du pays. Seule prévalait la loi divine et le pouvoir des patrons et maîtres. Il fallait gérer ça sans alerter, sans laisser entendre que le diable avait main mise sur le village… Il fallait effacer toute trace.
L’eau glacée avait saisit son corps. Par instinct de survie encore, elle s’était débattue. Mais entravée, n’avait pu que se sentir couler par le fond, sans possibilité de s’en sortir vivante. Retenir sa respiration ne serait que retarder l’inévitable. Elle devait céder. Une dernière fois. Faire ce qu’on attendait d’elle…
Une larme coule sur sa joue, et d’un revers rageur, elle l’efface d’un coup de poignet. Non, elle avait bien assez pleuré. Bien assez ressassé. Sa troisième vie avait commencé là, quand elle avait ouvert les yeux sur cette plage inconnue, face à un homme qu’elle ne connaissait pas non plus. Hagarde, elle l’avait été un moment. N’avait pas compris immédiatement, malgré les mots qui lui étaient prodigués avec précaution. Mutique aussi, elle l’avait été. Plusieurs jours totalement. Puis, sa résilience avait pris le commandement, et elle n’avait dit que ce qu’on attendait d’elle. C’était la seule façon de survivre, non ?
Il lui avait fallu une famille, alors même qu’il ne lui restait à peine moins d’une année avant la majorité sur l’île. Peut-être cela avait été la chance de sa troisième vie. Elle avait pu se reconstruire doucement, douloureusement. Explorer la vraie elle. Se réconcilier avec celle qui avait vécu tout ça. Accepter celle à qui on avait offert un nouveau départ. Loin de ses terres natales, mais où elle pouvait être pleinement maîtresse de sa vie, de ses choix, de son Chaos.
Des regrets, elle en avait.
De la reconnaissance aussi.
Des questions, bien trop.
Des peurs et des croyances, qui ne la quittaient jamais totalement.
Et une force.
Une force de caractère qui lui intimait de ne plus jamais se laisser faire.
Plus jamais.
« Tu as bientôt fini ? Je vais fermer, ce soir. »
La voix qui s’élève fait relever la tête à l’employée pour tomber sur Vanessa. Elle la regarde un instant, peinant à sortir de ses souvenirs qui l’avait ainsi prise par surprise. D’un hochement de tête, elle acquiesce et quitte le cocon de son bar à présent propre et rangé. Sa patronne a beau avoir un caractère de feu, cela lui convient. Est-ce qu’elle l’a vu ? Peut-être. Peut-être pas. Elle part chercher ses affaires dans la réserve du personnel, et revient avec sa veste en jean sur le dos. La soirée a été bien animée encore une fois. Sa propre fatigue semble faire écho à celle de l’autre brune. C’est peut-être pour ça qu’elle se sent bien dans cet emploi.
Pour le staff
- Code:
Jaimie Alexander ▹ @"Luciana Monteiro"
- Code:
Télépathie acquise ▹ @"Luciana Monteiro"
- Code:
Rhodonite ▹ @"Luciana Monteiro"
- Code:
Barmaid à La Lune Noire▹ @"Luciana Monteiro"
- Code:
@"nom de votre personnage"▹ FAMILIER + son nom
- Code:
Lerinda Daneels ▹ @"Luciana Monteiro"
j a w n
Luciana Monteiro
survivor
Reducto
DATE D'INSCRIPTION : 22/09/2024
HIBOUX : 142
FAYS : 486
Amplificatum
# Re: Luciana Monteiro + réfugiée + Résilience.
Dim 22 Sep 2024, 20:14
Dim 22 Sep 2024, 20:14
Re bienvenue par ici
Bon courage pour terminer cette fiche déjà bien avancée !
Bon courage pour terminer cette fiche déjà bien avancée !
Enora Bennet
survivor
Reducto
DATE D'INSCRIPTION : 15/01/2022
HIBOUX : 633
FAYS : 4933
Amplificatum
# Re: Luciana Monteiro + réfugiée + Résilience.
Dim 22 Sep 2024, 21:11
Dim 22 Sep 2024, 21:11
Aaaaaaah ! VOUZISSI ?!
Courage pour cette fiche... Et merci, hein, vraiment, pour toute cette lecture en perspective...
Courage pour cette fiche... Et merci, hein, vraiment, pour toute cette lecture en perspective...
What if I say I shall not wait ?
What if I burst the fleshly gate And pass, escaped, to thee ? What if I file this mortal off, See where it hurt me, —that ’s enough, — And wade in liberty ? They cannot take us any more. • E. Dickinson | (c)flotsam.
Andrea de Beaumenoir
Born here
Reducto
DATE D'INSCRIPTION : 04/08/2022
HIBOUX : 432
FAYS : 3921
Amplificatum
# Re: Luciana Monteiro + réfugiée + Résilience.
Dim 22 Sep 2024, 21:36
Dim 22 Sep 2024, 21:36
Ahahaha, elle était déjà presque sur la fin, mais merci à vous deux
et de rien, t'as vu j'ai attendu que t'ai plus de temps libre pour la lire
(non mais ça tombe bien t'as vu quand même !)
et de rien, t'as vu j'ai attendu que t'ai plus de temps libre pour la lire
(non mais ça tombe bien t'as vu quand même !)
~
Luciana Monteiro
survivor
Reducto
DATE D'INSCRIPTION : 22/09/2024
HIBOUX : 142
FAYS : 486
Amplificatum
# Re: Luciana Monteiro + réfugiée + Résilience.
Jeu 26 Sep 2024, 09:44
Jeu 26 Sep 2024, 09:44
Congrats, te voilà validé.e !
Enfin, enfin la paix ! Avalon t'a sauvé la mise, et voilà maintenant que tu te retrouves sur cette île légendaire, accueilli.e avec générosité et bienveillance. Tu es ici chez toi, petit.e réfugié.e .
Encore une fois, bienvenue parmi nous et si par la suite tu as le moindre souci, le staff sera ravi de pouvoir te venir en aide.
Oh, une nouvelle rescapée ! Ta fiche était plaisante à lire, complète, et on voit que tu as vachement pensé ce personnage. Son côté taciturne et presque sauvage (ou asocial mdrrr) me rappelle quelqu'un, dis-donc... xD Allez, va vite nous la mettre en scène !
Encore une fois, bienvenue parmi nous et si par la suite tu as le moindre souci, le staff sera ravi de pouvoir te venir en aide.
les petits liens pour la suite
j a w n
Le Conteur
MJs
Reducto
DATE D'INSCRIPTION : 06/02/2022
HIBOUX : 295
FAYS : 3991
Amplificatum
# Re: Luciana Monteiro + réfugiée + Résilience.
Jeu 26 Sep 2024, 18:48
Jeu 26 Sep 2024, 18:48
Merci
~
Lerinda Daneels
Born here
Reducto
DATE D'INSCRIPTION : 27/06/2022
HIBOUX : 659
FAYS : 4487
Amplificatum
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