Hold you + Isla
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    Hold you

    Fay & Isla




    I was listening to love songs, no one listens anymore
    I thought of who you were beneath the clothing that you wore
    I tried to tune you out, but you could never be ignored
    You could never be ignored  + Celeste




    Elle était confortablement installée dans les bras d’Andrea, savourant la sensation de la peau chaude de sa cousine contre la sienne. Elle était toujours endormie et Fay profitait de son calme et de son silence pour l’observer tranquillement. Oh, elle n’aurait changé Andrea pour rien au monde, mais elle appréciait particulièrement les moments où sa cousine ne pouvait dire – ou faire – d’idioties. Andrea était calme lorsqu’elle dormait, forcément, mais également lorsque Fay réussissait à capter son attention en retirant couche après couche de vêtements. Il était toujours flatteur de se dire que la vue de sa poitrine découverte était assez pour arrêter Andrea quoi qu’elle fût en train de faire, et Fay en profitait peut-être un peu trop. Cependant, elle ne parvenait pas à regretter savourer les attentions de sa cousine, et sauf si Andrea lui demandait d’arrêter – ce dont elle doutait sérieusement – elle ne changerait ses manœuvres pour rien au monde. Elle fit glisser ses doigts contre les côtes d’Andrea, suivant des yeux le mouvement de sa main et la chair de poule qui naissait de son contact. Elle caressa la peau jusqu’à la naissance de son sein, et bougea délicatement pour coller encore plus son corps à celui de son amante, décidant finalement de réveiller Andrea avec un baiser.

    Leur étreinte langoureuse fut interrompue avant de devenir charnelle par des petits coups anxieux tapés sur la vitre de sa chambre. Se détachant lentement d’Andrea, Fay posa ses yeux sur Ernest qui s’agitait de l’autre côté de la vitre, indiquant quelque chose dans le jardin. La brune l’observa quelques longs moments sans comprendre, avant de soudainement se rendre compte ce qu’il voulait lui dire. Andrea embrassait son épaule et elle la repoussa d’une main ferme, se tournant vers elle avec une vague panique dans le regard. « Il faut que tu t’en ailles, Isla est là. » Ca n’était pas qu’elle avait honte d’Andrea, ni du lien qui les unissait, mais si Isla devait le découvrir, elle préférait que ce fût d’une façon différente que de les surprendre au lit ensemble. Elle plaça un dernier baiser sur les lèvres de sa cousine avant de s’extirper du lit, toute envie charnelle coupée par la simple présence de la Darcy sur sa propriété. Isla ne venait pas fréquemment, et sa simple présence inquiétait Fay. Elle ne pensait pas avoir manqué un énième rendez-vous, ce qui sous-entendait que l’apparition d’Isla était plus personnelle, ce qu’elle ne faisait pas souvent.

    Enfilant un caleçon et passant une chemise de nuit par-dessus les bras, elle attrapa un peignoir avant de se glisser hors de la pièce. Elle eut un dernier regard pour Andrea, lui souriant en lui soufflant un baiser, puis elle sortit de la maison pour rejoindre son jardin. Elle espérait qu’Andrea aurait l’intelligence de s’éloigner de la maison avant de transplaner, pour éviter qu’Isla ne l’entendît, et ne se posât des questions. Cependant, connaissant sa cousine, elle sortirait soit du mauvais côté de la maison et se montrerait à Isla, soit elle transplanerait dans un boucan infernal. Oh, elle s’en inquiéterait si cela arrivait. Elle resserra distraitement la ceinture de son peignoir, et marcha pieds nus au milieu de ses fleurs jusqu’à la silhouette de la prophétesse. Fay essaya d’arranger un peu ses cheveux pour qu’ils donnassent plus l’impression d’un réveil soudain, plutôt que d’une nuit autrement agitée. Ernest l’avait rattrapée et s’était hissé le long du peignoir jusqu'à atteindre son cou. Elle le sentit s’agiter sur son épaule, pressant ses feuilles contre un point de son cou, et elle se souvint soudainement qu’Andrea l’avait mordue assez fort pour lui laisser une marque. Oh, elle espérait qu’Ernest resterait bien en place et qu’Isla ne le remarquerait pas. Enfin à la hauteur de la prophétesse, Fay laissa échapper un petit bruit pour l’avertir de sa présence. « Isla ? Tout va bien ? » L’inquiétude était claire dans le ton de la de Beaumenoir, qui ne put se retenir de venir placer une main contre le coude d’Isla afin qu’elle la regardât.
    (c) DΛNDELION



    To be a Flower, is profound Responsability

    Bloom—is Result—to meet a Flower; And casually glance; Would scarcely cause one to suspect; The minor Circumstance; Assisting in the Bright Affair; So intricately done; Then offered as a Butterfly; To the Meridian — E. Dickinson | (c)flotsam.


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    Fay de Beaumenoir
    Fay de Beaumenoir
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    Reducto
    DATE D'INSCRIPTION : 06/08/2022
    HIBOUX : 90
    FAYS : 3543
    Amplificatum


    Hold you

    ft Fay


    « Tu as fait QUOI ? »

    Le visage de la Suprême, d’ordinaire si tranquille et tâchant de se mesurer, tout du moins en public, n’avait plus aucune trace de calme sur les traits. Le regard durci, la forme de la vieille amie de la prophétesse se dressa sur son siège, le poing fermé sur son bureau. Elle ne mit pas longtemps avant de se redresser complètement alors qu’Isla restait silencieuse, en attente de la tempête. La prophétesse était épuisée, n’avait eu que de peu de temps dans son propre bureau avant de retrouver sa supérieure. Sa migraine tenait bon, malgré l’onguent posé sur ses temps et ses poignets, remède qu’elle gardait dans ses tiroirs. Elle ne savait même pas comment elle tenait encore debout vu l’état dans lequel elle était, pâle comme la mort et tremblant par moment de fatigue. Il lui semblait encore sentir la chaire et le feu autour d’elle.

    « VOUS avez fait quoi ? Tu te rends compte du danger dans lequel vous vous êtes mises !
    — Évidemment. Isla souffla, ancrant enfin son regard dans celui de la Suprême. Elle n’était plus d’humeur pour les questions rhétoriques et remarques inutiles, pas même de la part de celle pour qui elle se dévouait sans faillir.
    — Je vous demande de passer deux heures ensemble et vous manquez de vous détruire, mais hé ! En coopérant cette fois !
    — Tu sauras qu’il est inutile de continuer à manigancer de la sorte. C’est particulièrement pénible.
    — Isla. La prophétesse se sentait orageuse, sa mesure habituelle perdait en équilibre. Elle ne savait pas si elle s’adressait à la Suprême en qualité d’amie d’enfance ou d’inférieure. Son rôle se mélangeait à son affection. Et sa fatigue à la colère de se sentir réprimandée comme une enfant.
    — C’est assez. Je suis venue te dire ce que j’ai vu et je suis fatiguée. Il me semble que le résultat vaut les efforts que nous avons fournis.
    — Où est Siuan ? La Suprême tenta un mouvement pour contourner le bureau et Isla, par réflexe, s’interposa entre son amie et la porte. Celle-ci afficha un air consterné et la prophétesse elle-même se sentit bouleversée par l’affront. Néanmoins, son regard ne quitta pas celui de sa supérieure.
    — C’est moi qui lui aie demandé d’infiltrer mon esprit, j’en porte la responsabilité. Il est inutile de la chercher, elle doit être rentrée et a certainement besoin de repos, elle aussi. L’assistante détendit le bras qu’elle avait placé sans réfléchir comme barrage. Elle s’en voulait déjà d’avoir pu fléchir de cette manière et ne se serait jamais autorisée un tel comportement en des temps normaux. Elle voulut alors se prouver que son sang-froid était toujours là en s’écartant de la silhouette de la Suprême, faisant un pas en arrière comme pour annoncer son retour à la position inférieure.
    — Ne fait plus jamais ça.
    — Aller chercher une prédiction ou te barrer la route ? » Le regard de son amie se durcit à nouveau mais elle battit elle aussi en retraite. Les yeux clairs parlaient pour eux-mêmes et Isla, même si elle n’avait jusque-là jamais été la source de ses prédications comprit parfaitement le message. Elle baissa la tête dans un geste repentent, épuisée plus que jamais par cette fin d’après-midi. « Je suis désolée. Je dois remettre de l’ordre dans mes pensées. Si c’est assez pour toi, je voudrais rentrer. »

    La Suprême, de retour dans son siège et le regard désormais préoccupé acquiesça d’un geste de tête serré. Isla reprit son célèbre agenda posé sur le bois foncé et le serra contre elle avant de commencer à s’éloigner. Avant de sortir, elle accorda un regard à son amie, délesté de la soudaine colère qu’elle avait éprouvée.

    « À demain. » Elle força un mince sourire qui lui fut rendu, pincé, accompagné d’une salutation similaire. Il n’y aurait pas de mauvais sang entre les deux femmes passé cet échange, Isla le savait, mais elle voulait faire l’effort qui marquerait le coup et la rassurerait sur la solidité de leur amitié.

    Sortie du Capitole, Isla eut l’impression que le soleil lui brûlait le fond des yeux tellement la lumière était vibrante. Elle souleva une main pour s’en protéger et se mit à marcher, pas bien sûr d’elle-même. L’esprit embrumé, elle ne sut pourquoi elle prit la direction de la demeure de sa protégée. Mais lorsqu’elle se rendit compte de sa trajectoire, il lui sembla que c’était exactement où elle devait être. Elle n’avait osé transplaner par peur de rater le départ ou l’arrivée et se retrouver avec un membre manquant. La Suprême ne l’aurait jamais pardonnée après ça.

    La médium n’avait pas pour habitude de se pointer à l’improviste, même chez ses proches. Poussée par une fatigue et un besoin de réconfort saisissant, elle passa malgré tout les barrières et s’enfonça dans le jardin de la De Beaumenoir, dans l’espoir de la voir apparaître. Elle ne savait pas ce qu’elle venait chercher ici, ni ce qu’elle allait dire ou faire, mais elle trouverait bien. Ou resterait silencieuse et écouterait l’enfant qu’elle avait accueilli comme la sienne parler de fleurs et d’autres choses qu’elle trouvait fascinantes.

    Préoccupée par le fait de se tenir droite et surtout, de ne pas perdre l’équilibre, les yeux plissés car endoloris par le soleil, Isla ne sentit pas venir Fay avant que celle-ci n’émette un son prévenant. Elle releva le visage vers l’enfant qui n’en était plus une et accueillit son inquiétude avec soulagement. Après cet après-midi, un peu de sollicitude n’était pas de trop et la Darcy ne se détacha pas du mince contact malgré ses habitudes plutôt réservées.

    « Oui… elle souffla, plongeait son regard dans les eaux claires du regard de Fay. Enfin, non. Pas vraiment. J’ai affreusement mal au crâne. » Elle se redressa, semblant prendre conscience qu’elle était en sécurité, n’eut pas l’envie de mentir. Le silence était salvateur, sortie de la ville. Elle poussa un soupir à nouveau, passa une main sur son visage comme pour étirer la peau crispée. « Je suis désolée d’arriver à l’improviste. » L’assistante laissa retomber la main dont le coude était maintenu par Fay contre le tissu du peignoir qui cachait la silhouette féminine. Elle pressa ses doigts contre le bras, lui souriant doucement.
    Au loin retentit un craquement qui attira son attention un instant. Son regard se perdit derrière la silhouette de Fay, curieuse, avant de revenir se planter dans ses yeux. Y’avait-il quelqu’un ici ? Elle n’en savait rien et rien n’indiquait que le bruit d’un transplanage parvenait de la demeure de la De Beaumenoir. Isla était confuse, n’était même pas sure d’elle. « Es-tu occupée ? Je peux repartir, je ne veux pas te déranger. J’avais juste besoin d’un peu de calme. »

    (c) ZUGZANG
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    Isla R. Darcy
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    Isla releva la tête vers elle, et Fay manqua de faire un pas en arrière, ou en avant, en découvrant la fatigue non dissimulée sur les traits de la prophétesse. Elle ne se souvenait pas avoir déjà vu la Darcy dans un tel état émotionnel, et ses inquiétudes ne firent que redoubler d’ardeur en constatant qu’elle n’essayait pas de le cacher. Ses paupières étaient plissées et Fay pouvait deviner la migraine qui pulsait derrière ses yeux, et elle s’interrogea silencieusement sur la raison de sa présence ici, alors qu’il lui semblait avoir besoin de son lit plus que d’autre chose. Fait plus surprenant encore, elle ne se dégagea pas du contact imposé par Fay, et semblait presque s’y complaire, ce qui était parfaitement inhabituel. Oh, Isla faisait beaucoup d’efforts pour supporter le côté très tactile de la de Beaumenoir, mais elle ne laissait jamais Fay la toucher plus longtemps que nécessaire. Et le dernier coup de massue qui lui coupa presque les jambes fut la réponse tout à fait sincère d’Isla à son interrogation. Bouche-bée, Fay ne put réagir autrement qu’en hochant silencieusement la tête. Elle garda sa main précieusement sur le coude de son amie, l’accompagnant alors qu’elle se redressait.

    Aux excuses d’Isla, elle secoua légèrement la tête, souriant doucement. « Ne t’excuses pas, j’apprécie beaucoup quand tu viens me voir. » C’était effectivement assez rare, surtout dans des circonstances pareilles, et Fay, se laissant penser qu’Isla était peut-être venue ici parce qu’elle s’y sentait en sécurité, était étrangement flattée. Ses prochains mots furent interrompus par le bruit caractéristique du transplanage d’Andrea, et elle jeta un œil momentanément contrit à la forme d’Isla, dont le regard était passé derrière elle. Ernest s’agita doucement contre son cou et elle se retint de dire quoi que ce soit, sachant pertinemment qu’elle ne manquerait pas de remonter les bretelles à sa cousine lorsqu’elle la verra la prochaine fois. L’attention de la Darcy se replaça sur Fay et celle-ci lui offrit un sourire qu’elle espérait être détendu, même si elle pouvait sentir la crispation sur une partie de son visage. A ses mots, elle secoua la tête, avec peut-être un peu trop d’entrain. « Non, non, tu ne me déranges pas. » Mentir ne servait à rien, et d’ailleurs Fay n’appréciait pas franchement l’exercice. « C’était juste Andrea. » Lâcha-t-elle doucement, espérant simplement qu’Isla ne ferait jamais le lien entre son état débraillé et la présence de sa cousine — et pourquoi le ferait-elle, après tout ? « Elle est venue me faire à manger. » Termina-t-elle avec un sourire gêné, car Isla savait que Fay avait du mal à se nourrir toute seule, pas franchement par volonté de ne pas le faire, mais plutôt par distraction. Il n’y avait aucun mensonge dans ses mots, mais elle se garda bien d’avouer à la prophétesse que le dessert servi sur sa table avait été Andrea elle-même.

    Le coude de son amie toujours entre les doigts, elle l’attira doucement jusqu’à un petit banc situé sous un arbre fruitier. D’ordinaire, Fay s’asseyait par terre et elle aurait encouragé Isla à en faire de même, mais la Darcy n’était clairement pas en état de se plier aux excentricités de l’herboriste, et Fay n’avait pas envie de la pousser trop loin. Elle s’assit à ses côtés, lâchant son coude pour poser sa main juste au-dessus du genoux, profitant sans vergogne du fait qu’elle semblât plus encline que d’habitude à supporter son contact répété. « Je ne t’ai jamais vue ainsi. » Souffla-t-elle honnêtement, les yeux à nouveau attirés par les indices clairs de fatigue et de douleur qui se lisaient sur son visage. « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Demanda-t-elle doucement, son pouce traçant des cercles délicats contre la cuisse d’Isla. Elle se tenait orientée vers la prophétesse, son corps tremblant presque d’une envie de l’étreindre qu’elle retenait encore pour le moment. « J’ai une potion de maman pour les migraines si tu veux ? » Les réserves de la de Beaumenoir étaient stockées comme au jour de la mort de ses deux parents, car elle n’y touchait jamais ; tout comme elle ne touchait à rien d’autre de la maison. Mais pour Isla, elle était prête à faire une exception. Ses parents étaient morts, après tout, et s’il y avait bien une personne qui méritait de bénéficier de leur expertise passée, c’était Isla. « Je peux te faire un massage aussi, ça m’aide toujours quand Andrea le fait. » Elle avait sa seconde main déjà tendue, faisant presque contact avec la chevelure d’Isla.
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    hold you

    ft Fay


    Il était heureux pour la De Beaumenoir qu’Isla soit dans un état si proche de la rupture, car elle ne batailla pas lorsque sa protégée lui annonça la présence de sa cousine dans les parages. De vagues questions lui passèrent par la tête, la première étant : pourquoi Andrea ne se sentait pas de venir dire bonjour à la seconde de la Suprême ? Était-elle si terrifiante que celle-ci ne soit pas en mesure de lui adresser un respect minimal ? Elle qui s’occupait sans faillir de Fay, la protégeait contre tout et contre elle-même, également, interférait auprès de la célèbre juge en sa faveur. Ses yeux étaient bloqués sur l’expression contrite de celle qu’elle appelait son enfant sans rougir, mais ses pensées divaguaient. Elle était venue lui faire à manger, d’accord. Isla acceptait ce fait sans résister, ne sut même pu quoi se dire pour cet élan égocentrique qui lui avait traversé l’esprit.

    L’assistante se plia à l’avancée de Fay et à son guide, se laissa s’assoir sur un banc qui par chance se trouvait à l’ombre d’un arbre et elle soupira de soulagement alors que les rayons ne perçaient plus ses yeux clairs. Elle ne bougeait pas davantage, semblait flotter. Les évènements de la journée lui tournaient dans la tête, les images affreuses comme des nuages imprimés sur la rétine. Isla ne voulait pas avoir peur, ne voulait plus ressentir la terreur qu’elle avait perçue au contact de la spymaster. Elle voulait du repos. Alors elle secoua brièvement la tête, souhaitât très fort et en silence faire abstraction, quelques temps, du poids qui lui pesait sur les épaules.
    Fay reprit la parole et Isla en conçut une légère peine. Elle ne voulait pas être un poids pour la jeune femme qu’elle voyait encore toute jeune, toute fragile, à peine remise sur pieds, crapahutant dans ses arbres et cherchant des abeilles pour elle. Elle la voyait encore dans son jardin à discuter avec un Louis tout petit et fasciné par la jolie créature et son air éthéré, baladée avec James et leur fils sur Insulae Deirdre, pour un repos bien mérité. Isla refusait de la voir grandir, mais l’enfant avait trente ans maintenant et était, en fait, une adulte. Son cœur se serra. Ses pensées volatiles passaient d’une peine à une autre, d’une image ensanglantée à celle plus lumineuse de Fay faisant pousser une plante pour le plaisir de son jeune fils.

    Isla battit des paupières et fronça les sourcils alors que Fay éleva à nouveau la voix. Elle ne lutta pas contre le contact tranquille de sa protégée, n’avait pas la force de lui refuser ses manies tactiles auxquelles elle essayait d’être patiente mais raisonnable. Elle ne répondit pas à la première question, jugeant inutile de l’accabler du poids de sa journée mais acquiesça à la seconde. La Darcy prendrait tout pour se soulager, se laisserait couler sur le banc s’il le fallait pour se sentir mieux. Elle ne repoussa pas la main qui semblait s’imposer dans son espace vital au fur et à mesure. Contre toute attente, Isla ne subissait pas aujourd’hui la répulsion habituelle au contact. Celle qui s’échappait de toutes les mains souhaitait presque que la main fraîche de Fay la soulage de ses maux en se posant sur sa peau chaude.
    La secrétaire déposa son dos contre le dossier du banc et poussa un autre soupir, fermant les yeux, respira l’air fleuri et doux.

    « Tu feras bien assez, déjà, en me donnant cette potion. Merci, Fay. » Elle rouvrit les yeux pour lui sourire doucement, étirant ses traits épuisés. Isla savait que la maison qu’elle occupait était un autel à ses parents disparus. Elle n’avait jamais réussi à la défaire de cette illusion et ne pouvait l’en blâmer quand sa maison de famille, occupée avec James et Louis, était intacte depuis la mort de son mari. Aujourd’hui revenue dans le manoir principal au centre du domaine, Isla l’observait de loin, l’imaginant pleine de poussière. Une boite aux trésors fermée à double-tour, où se tissaient des toiles, des tasses de thé encore sorties, les photos laissées accrochées, le lit défait et la chambre de son fils prête à le retrouver. Alors, Isla savait ce qu’il lui coutait de bousculer le tableau entretenu de sa vie passée. Elle déposa sa main sur celle de la De Beaumenoir posée sur sa cuisse et la serra doucement, comme pour lui dire que c’était ok, qu’elle n’allait pas s’effondrer.

    « Tu passes beaucoup de temps avec ta cousine, semblerait-il. Mais serait-elle effrayée par ma simple présence ? » Isla ne faisait pas seulement référence à l’échappée d’Andrea en cette fin de journée, mais au regard anxieux qu’elle croisait de temps en temps, y compris au soir du solstice où l’assistante les avait vues aux côtés de sa belle-sœur. Les deux cousines semblaient très proches, et Isla l’avait toujours vu d’un bon œil. La famille De Beaumenoir tâchait de prendre soin d’elle depuis la disparition de ses parents et l’assistante était heureuse que Fay ne soit pas complètement seule. « J’ai beaucoup travaillé aujourd’hui et la tâche n’était pas simple. Il n’y a pas de quoi s’inquiéter. Elle s’autorisa un sourire, pour rassurer la jeune femme. Sa conversation était décousue, autant en bazar que son esprit dérangé par les attaques de Siuan. Fay semblait toujours au-dessus de toutes les préoccupations qui gardaient Isla sur terre. Parfois, la prophétesse enviait cette qualité aérienne qui caractérisait la phytokinésiste. C’était cette manière tout à fait particulière qui la rendait si attachante et qui certes posait des problèmes de compréhension avec le reste du monde mais ne la rendait pas moins lisible aux yeux d’Isla. Quand elle lui parlait, l’assistante se sentait comprise et entendue, même quand l’intendante s’échappait dans ses pensées fleuries. Malgré son détachement, Fay comprenait parfois des choses qui ne semblaient pas faire sens pour les autres en dehors du cercle divinatoire très restreint. Mon esprit est tout en bazar… » L’espace d’un instant et malgré tous ses instinct habituels, Isla se complut dans la courbure de la paume de sa protégée, y glissant naturellement. Elle ferma les yeux et profita du toucher qui semblait restaurer du calme dans son univers chamboulé. Isla à l’esprit si perturbé qu’elle ne voyait pas les signes d’une liaison qu’elle désapprouverait certainement.

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    Isla R. Darcy
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    Elle était soulagée qu’elle acceptât sa proposition, et Ernest sauta sans réfléchir au sol pour aller chercher la fiole tant espérée dans le laboratoire des De Beaumenoir. Fay n’y prêta pas attention, avait à vrai dire déjà oublié que la présence d’Ernest sur son cou permettait entre autres de camoufler la marque de morsure bien récente qui s’y trouvait, tant elle était focalisée sur Isla et sur le trouble peu anodin qui l’amenait chez elle. La Darcy ne partagea pas les raisons de son état physique, et Fay ne la poussa pas plus à révéler ce qu’il s’était passé. Ca n’était pas que la situation ne lui importait pas, mais elle ne se demandait parfois si pour certains, ressasser les évènements passés n’était pas plus accablant que libérateur. C’était souvent le cas pour Fay, qui n’aimait pas s’attarder sur ce qui pouvait la blesser ou la déranger. Isla lui en parlerait si elle le souhaitait, et à ce moment-là elle l’écouterait. Il était vrai que la prophétesse ne partageait pas souvent ses malheurs avec Fay, peut-être parce qu’elle la traitait comme sa fille, et qu’il n’était pas habituel de se livrer ainsi à ses enfants, mais la De Beaumenoir espérait qu’elle savait malgré tout que Fay était là si elle avait besoin de parler.

    La main d’Isla vint serrer la sienne, et Fay lui offrit un sourire charmant, ses doigts faisant finalement contact avec la tempe de la prophétesse. Dans un geste peut-être un peu trop maternel, elle laissa courir son pouce sur la peau de son front, caressant doucement les crispations qu’elle y trouvait, jusqu’à sa tempe. La réflexion amenée sur Andrea lui fit cesser sa caresse un instant, et elle ne put cacher l’air surpris qui prit son visage, avant de recommencer ses attentions délicates. Elle n’avait pas pensé à ce que venait d’observer Isla, qui aurait été peut-être plus logique que de faire partir sa cousine comme une voleuse. Cependant, Andrea avait encore plus l’air d’avoir passé une après-midi entre les draps que Fay, et il aurait été difficile de l’expliquer. Certes, Isla n’était pas au meilleur de sa forme et ses attentions étaient clairement dissipées, mais elle doutait qu’elle ne le remarquât pas malgré tout. Elle ne savait pas quelles conclusions avait déjà tirées la prophétesse, et Fay avait peur qu’un quelconque mot prononcé la ferait tiquer. Et pourtant, la De Beaumenoir était toujours incapable de mentir à Isla. « Tu es intimidante, tu sais. » Répondit-elle sans vraiment répondre, un léger sourire aux lèvres. « Et puis elle a peur que tu ne la trouves pas à la hauteur. » Elle en avait trop dit, ou presque. Tant pis.

    Isla changea de sujet rapidement et Fay lui jeta un regard surpris. C’était plutôt son habitude à elle, de passer du coq à l’âne sans jamais s’en formaliser, parlant de ce qui lui passait à l’esprit sans s’inquiéter du fait que ses vis-à-vis pût la suivre ou pas. Un morceau du puzzle de l’état d’Isla lui était cependant donné, même si elle pensait que l’aveu peut-être involontaire était plus un euphémisme qu’autre chose. La seconde phrase murmurée avait encore moins de sens, sauf pour Fay. Penchant la tête sur le côté, elle observa, silencieuse, Isla qui se complaisait dans la caresse qu’elle continuait de donner sur son visage. « Quelqu’un est rentré dans ta tête ? » C’était la seule explication qu’elle voyait, car l’esprit d’Isla était à son image, ordonné. Et pour qu’elle lâchât un aveu pareil, il fallait que quelque chose d’inquiétant fût arrivé. Elle lui caressa la joue, offrant un sourire désolé même si elle ne pouvait pas le voir avec ses yeux fermés. « Je ne crois pas que Papa ait eu le temps d’inventer une potion pour ça. Je pense qu’il ne te reste que le repos. » Délicatement, elle invita Isla à se tourner, sans trop lui laisser le choix. Lorsque Fay fut face à son dos, elle l’attira doucement contre elle, et enlaça son ventre.

    Elle l’étreint quelques minutes, peut-être moins ou peut-être plus. Il n’y avait que le bruit des crickets autour d’elles, et le bruit du vent dans les feuilles du fruitier. La position n’était pas ordinaire pour elles, et elle était contente qu’Isla la laissa faire au moins pour cette fois. Elle ne pouvait pas apporter grand-chose à la prophétesse, et elle aimait se dire qu’elle pouvait au moins lui apporter du réconfort. Retirant ses mains des flancs d’Isla, elle les porta à nouveau contre son visage, et malgré les affirmations de la Darcy, elle commença à lui masser le crâne. Ca l’aidait toujours lorsqu’elle ressentait le contre-coup de la phytokinésie, et Andrea était assez attentive pour offrir de lui le faire à chaque fois qu’elle en avait besoin. « Tu veux rester ici ce soir ? Personne ne viendra te déranger. » Lui demanda-t-elle dans un murmure après quelques minutes, continuant son massage délicatement. Elle détourna les yeux juste à temps pour voir Ernest revenir avec la fiole, trimbalant la potion avec difficulté entre ses feuilles. Elle cessa son contact avec les tempes d’Isla juste assez longtemps pour récupérer l’objet, le Botruc se hissant sur sa manche immédiatement, et elle tendit la fiole à Isla. « Tiens. Ca devrait être plus efficace que moi. » Abandonnant le massage à présent, elle glissa plutôt ses doigts entre les mèches de cheveux de la prophétesse.
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    Que de gestes et de caresses. Isla s’étonnait elle-même d’être à ce point patiente, lui laissant le champ libre sans vraiment résister. La prophétesse détestait qu’on la touche, fuyait systématiquement les mains trop entreprenantes ou simplement agitées par réflexe. Quiconque la connaissait savait qu’il était inutile d’essayer sous peine d’être froidement réprimandé. Mais les gestes de Fay, en cette fin d’après-midi, semblaient pour une fois lui faire du bien. Elle espérait être trop fatiguée pour percevoir ne serait-ce que le semblant d’une impression, espérait que son don la laissât tranquille le temps de quelques heures. La presciente vivait et voyait le monde à travers un prisme bien particulier, saisissait les auras, les mots avaient parfois des couleurs, le temps lui donnait des informations sur la journée. Elle n’avait pas besoin, toujours, de glisser ses mains dans les viscères ou de battre ses cartes pour prévoir.

    Alors, en écoutant Fay et en se laissant beaucoup trop faire, Isla priait silencieusement pour que les caresses tranquilles persistent sans être dérangée. Ce n’était pas qu’elle détestait le toucher, mais s’effrayait des conséquences.
    Elle soupesait tranquillement les mots de sa protégée. Malgré l’air absent, elle était à l’écoute et se questionnait sur ce que lui racontait la De Beaumenoir. Intimidante, oui, surement. Elle s’en doutait et en jouait, mais, Andrea la connaissait. « À la hauteur », de quoi ? De qui ? Pourquoi ? Logée dans la main tendre, soupirant doucement de soulagement, Isla réfléchissait sans trop forcer sur les hypothèses.

    La question de Fay ne la surprit pas outre-mesure, puisque l’enfant avait le don de deviner ce que beaucoup peinaient à, à peine entendre. Elle ne répondit rien mais acquiesça par réflexe, n’avait pas la force de mentir ou de détourner la conversation. La réflexion qui suivit la fit sourire, se laissant guider par les gestes décidés. Lorsque l’intendante l’enlaça, Isla se demanda depuis combien de temps elle ne s’était pas laissée aller à une étreinte. Son fils était la dernière personne qu’elle avait serrée dans ses bras. Elle ressentit un pincement au cœur et ferma les yeux comme pour effacer le sentiment de solitude qui se pointait parfois. La prophétesse se reconcentra sur l’étreinte et les mains posées de part et d’autre de sa silhouette et elle se surprit à nouveau à soupirer du temps passé. Elle avait connu Fay assez jeune pour la voir changer, évoluer. Aujourd’hui, elle était grande et c’était elle qui l’accueillait dans ses bras. Quelle idée qu’avait le temps de filer aussi rapidement.

    Elle continua à garder les lèvres closes alors que Fay lui posa une nouvelle question. L’idée était tentante, mais elle savait malgré tout qu’elle rentrerait chez elle. Il lui fallait retrouver un endroit où elle se sentirait à l’écart de tous regards. Isla regretta la prise que la phytokinésiste exerçait sur son crâne alors qu’elle lui tendit la fiole ramenée par Ernest, le Botruc toujours dans les parages. L’assistante réceptionna l’objet en verre, l’observa avant de l’ouvrir, profitant de la douce sensation de ses cheveux soulevés.

    « Merci. » Elle ne se fit pas prier pour avaler le contenu de la fiole au goût étrange, amer. Elle qui aimait tant le sucré ne put s’empêcher de grimacer. Elle referma la fiole et la garda contre elle, ne s’éloignant pas encore de Fay. La prophétesse profitait de chaque seconde où elle pouvait se laisser aller à la douce étreinte sans être polluée par sa faculté presciente. Elle réajusta presque instinctivement son visage contre celui de l’intendante et vint coller sa joue contre la sienne. Elle s’étonnait elle-même, ne prenait d’ordinaire pas tant de liberté. Sa rigidité exemplaire semblait se faire la malle, redécouvrant comme il était bon de se laisser entourer d’affection. Les yeux clos, elle attendit en silence que le liquide fasse son effet, et, à son plus grand plaisir et soulagement, constatât que les secondes passant, son mal de crâne s’atténuait. Il ne disparaissait pas mais semblait s’assourdir.

    Elle ne rouvrit les yeux que lorsqu’elle se dit que, peut-être, son poids détendu pouvait être lourd pour Fay. La prophétesse décida de se redresser et se retourna avec lenteur pour revenir lui faire face. Sa tête cognait moins et elle put adopter une posture plus légère, ramena ses jambes en tailleur sur le banc et déposa son bras contre le dossier. De l’autre, Isla lui rendit une caresse, glissa à son tour sur la joue en lui souriant doucement. Charmante enfant. Elle n’était pas douée pour s’exprimer, mais lui était reconnaissante de sa patience.

    « Qu’est-ce que je ferais sans toi, hm ? À nouveau, elle lui sourit, laissant retomber sa main sur celle de sa protégée, qu’elle se mit à observer. Je te remercie pour ton invitation, mais il me faudra rentrer. Je ne sais pas si je serais en état de travailler, mais il me faut au moins retrouver ma maison. À ses mots, un bâillement traversa ses lèvres et elle se cacha derrière sa main le temps d’expier sa fatigue. Elle n’avait même pas faim, rêvait de retrouver son lit. Ses yeux qui étudiaient les phalanges fines remontèrent pour s’accrocher aux prunelles claires de l’intendante. Lorsque j’aurais moins de travail, nous pourrions dîner ensemble. Tu pourrais amener ta cousine, pour qu’elle cesse d’avoir peur. Je nous ferais à manger, comme avant. Elle n’aura qu’à ramener le dessert, cela me prouvera bien assez qu’elle est à la hauteur de faire partie de ton entourage, et du mien par extension ! Isla ne se doutait pas un instant que son statut de seconde de la Suprême n’était qu’en partie la racine du problème. Des fruits et du sucre, ça devrait faire l’affaire. »

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    Isla resta contre elle même après avoir avalé le contenu de la fiole, et Fay en fut silencieusement contentée. La prophétesse vint même placer sa joue contre la sienne et elle laissa échapper un souffle, gardant ses doigts entre les mèches courtes de la secrétaire. C’était quelque chose qui lui manquait énormément, depuis la perte de ses parents. Elle avait ses oncles et ses tantes, mais c’était différent de l’amour d’une mère, et elle avait l’impression de retrouver cela avec Isla. La secrétaire n’était pas toujours physiquement démonstrative mais elle avait d’autres façons de montrer son attachement à Fay. Pour autant, l’anomalie que représentait cette après-midi était quelque chose dont se souviendrait la de Beaumenoir, et elle en chérirait le souvenir. Elle appréciait sentir le poids d’un autre corps contre le sien, nullement dérangée même si ses reins commençaient à lui faire savoir qu’il lui faudrait s’adosser à un moment donné si elle voulait continuer à soutenir le corps d’Isla. Elle n’en ferait rien, bien sûr. Il était tellement rare que la prophétesse la laissât s’occuper d’elle qu’elle comptait en profiter jusqu’à la dernière seconde, lui apportant du confort et de l’affection même si ses lombaires lui faisaient regretter le lendemain.

    Bien trop vite, Isla sembla reprendre conscience de leur situation, et elle se détacha de Fay. L’herboriste laissa échapper un petit son mais ne dit rien, contemplant son amie alors qu’elle lui faisait face et gardant une dernière fois ses doigts dans ses cheveux, avant de laisser retomber sa main mollement sur le banc. Isla lui caressait la joue et elle lui sourit en retour, penchant légèrement la tête pour profiter un peu plus de la caresse. Le contact cessa bien vite et elle ne répondit pas à la question de la prophétesse. Elle espérait bien qu’elle n’eût jamais à le découvrir, car même si elle n’était pas vaine au point de vouloir s’imaginer indispensable à Isla, elle savait aussi que la secrétaire avait perdu son entourage proche au fil des années, et elle voulait lui épargner la peine de perdre quelqu’un à nouveau. Elles se connaissaient depuis une quinzaine d’années maintenant, et même si les mots n’avaient jamais été dit à voix haute, elle savait qu’Isla la considérait comme sa fille, et elle-même, si elle ne pouvait pas l’identifier à sa mère dont le souvenir était inoubliable, la considérait également comme une figure parentale.

    Sans surprise, Isla rejeta son invitation. Fay fronça les sourcils, mais la prophétesse ne la regardait pas. « J’espère bien que tu ne comptes pas travailler. » Elle n’allait pas la faire culpabiliser en lui disant que ses parents étaient morts parce qu’ils n’étaient pas arrivés à se sortir de leur obsession sur trouver une potion pour inverser les effets d’Obliviate, mais la pensée était là malgré tout. « Si tu veux rentrer alors je viendrais avec toi. » Ernest hochait la tête, perché sur son épaule, même si Fay savait qu’il ne viendrait pas avec elle. Si elle laissait le jardin alors il restait dans l’arbre pour le protéger, la plupart du temps. Son ton ne laissait pas penser qu’elle se laisserait convaincre de rester ici, et elle espérait qu’Isla aurait au moins le sens de ne pas batailler là-dessus. La de Beaumenoir ne souhaitait pas qu’elle restât seule alors qu’elle était dans un état de fatigue avancé, comme trahi par son bâillement, même si la potion semblait avoir au moins un peu fait effet. Isla la regardait à nouveau, et elle sourit à l’invitation, initialement charmée, jusqu’à la mention d’Andrea. Nerveusement, son visage se tendit à nouveau. Oh, un dîner complet avec Isla et Andrea, si la prophétesse n’était pas au courant de leur relation, serait de la torture pure et simple. Sa cousine n’était pas complètement idiote et elle savait se tenir mais Fay savait également qu’elle passerait une soirée terrorisée, et elle n’avait pas envie de lui infliger ça.

    La conclusion d’Isla la fit grimacer sans qu’elle ne pût s’en empêcher. Evidemment, la prophétesse tirait la mauvaise conclusion de ce qu’elle avait dit, et comment pouvait-il en être autrement ? Et Fay aurait bien aimé continuer la charade, mais une partie d’elle voulait partager ce bonheur qu’elle ressentait comme elle l’aurait fait avec sa mère — elle n’avait par ailleurs jamais réfléchi au fait que ses parents eurent accepté ou non leur union. Cependant, elle savait avant même de le dire que cela ne serait pas simple pour Isla. Elle voulait lui épargner ce stress supplémentaire, surtout en cette journée, mais il lui semblait aussi qu’il n’y aurait jamais un meilleur moment pour le lui dire. Ernest, comme s’il comprenait ce qu’elle comptait faire, commença à s’agiter, et elle l’écarta doucement alors qu’il tirait sur sa manche, comme s’il souhaitait l’en empêcher. « Isla … Bien sûr, nous viendrons manger, mais … » Elle attrapa la main de la prophétesse, caressant à son tour distraitement ses phalanges. Ses yeux étaient sur leurs mains et elle déglutit. Ernest s’accrochait à sa manche à nouveau, si bien qu’il parvint à faire remonter la manche du peignoir en soie jusqu’à ce que son tatouage tout juste cicatrisé fût visible. Fay, qui avait ouvert la bouche pour continuer, la referma avec un bruit de dents, et elle fixa Ernest avec un regard, qui haussa les feuilles en réponse. Déglutissant, elle releva les yeux vers Isla pour jauger son expression.
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    Fay ne semblait pas enchantée par l’idée d’un diner et Isla en conçut une peine toute légère, qui vint poindre au creux de sa poitrine compressée par la dure journée passée. Elle masqua, cependant, l’air inquiet qui voulait déjà se faufiler sur ses traits. Isla n’avait pas loupé la grimace qui avait tiré ceux de sa protégée. Il y eut quelque chose dans l’air, de malaisé, elle le sentit doucement et s’en demanda la raison. Leur petit havre de paix n’était pas compromis, mais la prophétesse ne put s’empêcher de remarquer l’étrange vibration dans l’air, inquiète, stressée, émise par l’intendante. Par réflexe, ses doigts se resserrèrent sur les phalanges de l’enfant, voulant la rassurer… sur quoi, et pourquoi, elle n’en savait rien. Isla était mère. Fay n’était pas de son sang, mais c’était tout comme. Si elle avait pu adopter l’enfant, elle l’aurait fait sans hésiter. Alors elle réagissait de la même manière qu’elle l’aurait fait pour son fils.

    Son regard glissa en direction d’Ernest qui s’agitait et la prophétesse ne put cette fois s’empêcher de froncer les sourcils. La main de Fay lui échappa alors que celle-ci repoussa son Botruc. L’attention de l’assistante fut reprise alors que la voix douce s’élevait à nouveau pour accepter, enfin, son invitation. Isla ne put s’empêcher de se demander ce que ce « mais » venait faire là, pourquoi devait-il y avoir une condition à un simple diner ?
    La prise fut retrouvée, les doigts de l’herboriste vinrent glisser sur les siens et la médium l’observait en silence. Elle ne voulait pas la brusquer. La De Beaumenoir avait visiblement besoin de se confier sur quelque chose, d’ailleurs, elle ne la regardait même pas, fait hautement étonnant, car il lui semblait que Fay n’avait pas honte de grand-chose. Les inquiétudes basses du quotidien ne l’atteignaient pas sur son petit nuage.

    Le peignoir fut relevé et le mouvement de la manche attira les yeux de la presciente qui retombèrent sur un dessin, inscrit dans la peau. Isla fronça à nouveau des sourcils et se rapprocha, fit remonter sa main le long du bras pour le tourner dans sa direction et observer davantage la marque fraîche et nouvelle. Des fleurs et des écritures se mêlaient sous l’épiderme. Isla observait l’encrage avec un air à la fois confus et intrigué. Elle voulut parler mais referma la bouche puis releva les yeux vers ceux de Fay.

    « Qu’est-ce que c’est que ça, Fay ? »

    Elle laissa ses doigts s’enrouler un peu plus autour du bras sans trop s’approcher de la marque. Isla ne savait trop quoi en penser. Ça n’était pas hideux, ni vulgaire, mais son avis sur les tatouages n’étaient pas fameux. Elle ne comprenait pas l’intérêt de cette pratique : souffrir, pour se retrouver marqué, identifiable pour toujours. Elle sut tout de suite qui l’avait influencée et retint le bruit de sa langue prête à claquer contre son palais. L’apothicaire de l’Achilée Fleurie était couvert de tatouages et semblait retourner de manière régulière passer sous l’aiguille. La surveillance maintenue par Iris servait, c’est vrai, en partie à monitorer son comportement en compagnie de Fay. Il n’y avait rien de glorieux dans cette attitude — mais la preuve était ici qu’il était parfois nécessaire de garder un œil sur les nouveaux venus.

    Isla se fit la réflexion qu’elle abusait, mais effaça cette pensée de son esprit aussi vite qu’elle était venue.

    Certes, l’enfant était adulte maintenant et elle n’avait rien à lui devoir, certainement pas un accord pour faire ce qu’elle voulait de son corps. Mais Isla n’aimait pas l’idée que Lyons l’ait influencée pour autant, et n’approuvait toujours pas la pratique du tatouage.

    « Enfin, je sais bien qu’il s’agit d’un tatouage. Elle sentait venir la réponse toute faite et tranquille de sa protégée. Et bien… c’est… Ses yeux remontèrent le fil du bras l’épaule, passa par le cou et y repéra une marque étrange, plus fraiche encore, à moitié cachée par les cheveux blonds mais Isla ne s’y attarda pas, venant trouver les billes claires de sa protégée. … charmant. » L’assistante ne mentait pas. Elle lâcha le bras, ses engrenages ne faisaient pas encore le travail concernant la morsure aperçue sur la peau. « Évidemment je trouve que tu aurais pu t’en passer, ta si jolie peau mérite du respect. Mais quitte à se faire tatouer, je préfère que ça soit quelque chose comme cela. »

    Isla se retint de faire une remarque quelconque sur le lien qu’elle entretenait avec Zach Lyons. Après tout, elle n’allait pas non plus lui dire qu’elle veillait sur elle par l’intermédiaire d’Iris et surveillait l’apothicaire. Elle s’était redressée en parlant, proche de la silhouette de Fay sans pour autant revenir envahir son espace vital. Ses yeux passèrent du tatouage au regard de l’herboriste. Elle ne savait que dire à ce propos, ne comprenait pas la gêne, ni l’insistance du Botruc à dévoiler la marque encrée. Isla, visiblement plus réveillée, se remit à détailler son enfant et dans ses pensées se mirent à fleurir des hypothèses qui ne lui plaisaient guère.

    Ses yeux revinrent capter la marque dans le cou.
    Ce ne pouvait pas être Andrea qui avait fui. L’enfant était un peu débraillée, le peignoir de soie révélait ce qu’elle devinait être un pyjama. Ses yeux se plissèrent.
    Oh.
    Peut-être l’avait-elle finalement interrompue. La pensée la troubla profondément et la prophétesse sembla paralysée de longues secondes. La potion lui avait redonné un semblant de logique, les pièces du puzzle semblaient s’assembler maintenant. Son visage tirait désormais une mine grave.

    « Fay. Isla souffla, se redressant, prenant garde à ne pas prendre l’attitude du dragon habituel qu’elle se donnait lorsqu’elle s’apprêtait à parler. T’es-tu entichée de l’apothicaire de l’Achilée Fleurie, Zach Lyons ? Elle ne doutait pas de la franchise de l’intendante et attendait une réponse claire. Ta cousine serait venue me dire bonjour. »

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    Isla ne la regardait pas, occupée à scruter les dessins permanents incrustés sur sa peau. Fay lui abandonna son bras mollement, son cœur battant légèrement plus vite. Elle ne répondit pas à la question qu’elle pensait rhétorique, se mordant même la langue pour s’en empêcher. Elle n’y pensait pas souvent, mais elle admettrait si on le lui demandait que l’avis d’Isla lui importait, et son acceptation encore plus. Elle savait que la Darcy était plutôt conventionnelle sur certains sujets, dont celui-ci, et le silence gardé par la matriarche parlait de lui-même. Elle ne savait pas quelles conclusions étaient en train de tirer la prophétesse, mais elle se doutait qu’elles ne seraient pas forcément à l’avantage de Zach. Fay ne doutait pas qu’Isla blâmerait en partie le jeune homme qu’elle n’appréciait pas, et elle ne pouvait même pas lui en vouloir. Il était vrai que sans avoir rencontré le garçon elle n’aurait probablement jamais eu cette idée, même s’il était faux que de penser qu’il l’avait encouragée d’une quelconque façon. Il avait simplement planté la graine de possibilité, et c’était Fay qui s’était chargée de la faire pousser toute seule, comme l’adulte qu’elle était. Elle n’avait certes besoin de l’autorisation de quiconque, encore moins Isla, mais cela ne voulait pas dire qu’elle ne souhaitait pas avoir son approbation. Et le tatouage n’était que la partie immergée d’un iceberg bien plus terrifiant, donc Ernest avait retardé la révélation de quelques minutes encore.

    Isla relâcha sa prise, et ses yeux remontèrent jusqu’à ceux de Fay. Elle retenait son souffle, s’attendant au pire sur la conclusion de la prophétesse, qui parvint à la surprendre. Elle ne décelait pas de mensonge dans son observation, et elle lui sourit donc en réponse, un peu soulagée. Evidemment, les mots qui suivirent confirmèrent le pressentiment de l’herboriste, mais ça ne lui ôta pas son sourire. Elle trouvait son dessin charmant, et c’était suffisant. « Je sais que ça n’est pas ta tasse de thé. » Lui dit-elle, baissant les yeux sur le tatouage. Elle traça les mots écrits avec un doigt distrait, le poème lui faisant penser comme toujours à Andrea. Elle n’avait pas besoin de cela pour penser à sa cousine, mais l’inscrire sur sa peau lui donnait l’impression d’un amour définitif. Ca n’était pas quelque chose qu’elle s’imaginait regretter un jour, car elle savait qu’elle ressentirait toujours la même chose pour Andrea. C’était comme si elle avait programmée de cette façon, et elle ne se pensait pas capable d’être autrement. Elle ne partagea pas ces pensées avec Isla, pas encore.

    Sentant le mouvement de la prophétesse, Fay releva les yeux vers elle. Isla l’observait avec attention et l’herboriste en était curieuse, jusqu’à ce qu’elle se souvînt de ce qu’il y avait sur son cou. Elle eut l’envie soudaine de plaquer sa main contre sa peau, ce qui n’aurait fait qu’empirer la situation. Elle se sentit rougir, ayant soudainement l’impression que la morsure venait d’être appliquée, brûlant sa peau et titillant son derme. Les yeux d’Isla la détaillaient, passant de son accoutrement à son cou, et il ne faisait nul doute qu’elle était en train de tirer des conclusions de l’état de Fay. Quelles conclusions, cependant ? La de Beaumenoir attendait en silence, de peur de se trahir. Elle n’eut pas à attendre longtemps. Isla prononça son prénom, d’un ton grave, sérieux, et Fay laissa échapper un souffle. Elle remarqua que la prophétesse faisait un effort pour ne pas être intimidante, quoique Fay ne l’eût jamais considérée ainsi, et ça la fit sourire sans qu’elle pût s’en empêcher. Malgré la situation, sa mère de substitution faisait des efforts pour ne pas la mettre mal à l’aise. Fay eut envie de lui attraper la main à nouveau, mais elle retint son geste.

    La déduction d’Isla était tellement inattendue que Fay resta figée en place, écarquillant légèrement les yeux. Evidemment, la Darcy n’aurait jamais deviné la vérité. La vérité était tellement impensable, incompréhensible, qu’elle ne sauterait pas aux yeux des gens. Cela effraya encore plus l’herboriste, qui se voyait difficilement avouer la vérité à présent. Mais elle n’avait jamais menti à Isla, n’avait d’ailleurs peut-être jamais proféré de mensonge de sa vie, et elle était sans échappatoire. Elle baissa les yeux, ses mains venant refermer le peignoir un peu plus près de sa silhouette. Il était trop tard pour cacher quoi que ce soit, mais elle ne pouvait pas s’en empêcher. Elle prit une inspiration avant de relever les yeux vers Isla. Elle lui devait au moins de la regarder dans les yeux, même si ça voulait dire qu’elle verrait directement la réaction de la prophétesse. Fay n’avait pas l’habitude de s’attendre au pire, préférant prendre la vie comme elle venait, mais son appréhension était terrible. « Non, je … non. » Répondit-elle finalement. Elle se mordit la lèvre, hésitant un instant avant de continuer. « Zach est un ami. On s’est rencontrés aux Etats-Unis, tu sais ? Je n’avais jamais vu quelqu’un avec des tatouages avant. » Elle était parfaitement consciente qu’elle déviait du sujet, et pour une fois, elle sortit elle-même de ses digressions.

    C’était maintenant ou jamais, et ce secret lui pesait finalement plus qu’elle ne l’avait imaginé. « Je ne t’ai jamais menti, tu sais. » Commença-t-elle, les yeux déjà humides. Elle en était surprise, car elle ne pleurait que très rarement. « C’était bien Andrea. Je lui ai demandé de partir avant que tu ne la voies. » Elle savait que ça ne suffirait pas, parce qu’Isla ne le croirait que si elle entendait les mots. Il y avait des personnes comme ça, qui ne pouvaient y croire que si on leur disait directement ce qu’ils devaient entendre. Fay n’avait jamais eu ce problème. Elle prit un souffle tremblant, bien consciente qu’Isla verrait son anxiété, qui ne lui était pas caractéristique. « Je ne voulais pas que tu … » Elle secoua la tête, sachant que son explication n’avait rien de clair. « C’est Andrea, Isla. » Elle fixa sa mère de substitution avec un regard appuyé. Sa main se porta à son cou, sur la marque, et elle rougit même si elle ne pouvait pas sentir le bleu sous ses doigts. « Je suis amoureuse d’Andrea. » Elle était surprise de la facilité avec laquelle les mots étaient sortis de sa bouche. Elle avait redouté ce moment depuis des mois, pour ne pas dire des années, et finalement, cette vérité était si profondément intégrée dans son être qu’elle sortait comme une évidence. Comment pouvait-il en être autrement ? Mais Isla ne semblait pas aussi convaincue.   « Dis quelque chose … » Murmura-t-elle désespérément, ses doigts venant agripper nerveusement les mains de la prophétesse, suppliante.
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    Bloom—is Result—to meet a Flower; And casually glance; Would scarcely cause one to suspect; The minor Circumstance; Assisting in the Bright Affair; So intricately done; Then offered as a Butterfly; To the Meridian — E. Dickinson | (c)flotsam.


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    Fay de Beaumenoir
    Fay de Beaumenoir
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    ft Fay


    Isla laissa échapper un soupire soulagé alors que Fay lui annonça finalement qu’elle ne s’était pas accoquinée avec l’apothicaire. Sa rigidité habituelle et sa tenue en toutes circonstances relâchées, elle ne put s’en empêcher. Même si cela devait blesser Fay qui entretenait une amitié – et juste une amitié – avec l’homme tatoué. Elle lui raconta l’origine de leur rencontre et Isla acquiesça, à l’écoute. À vrai dire, tout ce qui la rassurait était la nature de leur relation. Elle en oublia l’espace d’un instant qu’elle ignorait la personne qui s’était dématérialisée à son arrivée. Assurément cela ne pouvait être sa cousine. La prophétesse apprenait à se dire que son enfant n’en était plus une et qu’elle menait une vie, elle ne voulait se le dire, mais le devait — sexuelle, comme toute adulte. Une part d’elle voulait abandonner désormais la conversation, par peur d’en savoir trop. Encore une fois, Isla savait sans savoir, qu’il était bon parfois de rester dans l’ignorance, et pressentait malgré elle ce qui lui causerait dommage.

    L’annonce lui fit froncer les sourcils. Les yeux humides l’alarmèrent.
    Non, elle ne lui avait jamais menti, à priori. Isla ne doutait pas de la parole de Fay, qu’elle estimait pure à bien des égards, trop éthérée, trop elle-même, trop détachée des convenances mais aussi des problèmes du bas monde pour se préoccuper à mentir. Cependant, elle se surpris à douter grandement de la suite de ses paroles.

    Isla resta interdite, le dos droit, les sourcils toujours froncés. Elle semblait ne pas comprendre ce qui lui était dit, était profondément confuse, observait son enfant avec insistance et distance à la fois. Je lui ai demandé de partir avant que tu ne la voies. Mais qui donc ? Andrea ? Et bien pourquoi ? Un flot de questions du même type se déversaient devant ses yeux toujours plantés sur la silhouette malaisée de la De Beaumenoir.
    Mais enfin, que racontait-elle ? D’accord, c’était Andrea, mais pourquoi la lui cacher ? Pourquoi autant d’anxiété ? Pourquoi avait-elle fui ?
    La prophétesse voulait lui poser toutes ses questions mais était incapable d’ouvrir la bouche pour une raison qui la dépassait. Peut-être le malaise évident de l’enfant qui lui répéta que c’était bien Andrea qui était avec elle. Isla laissa son regard flotter sur la main gracile qui se renferma sur la marque de morsure, observa le rouge monter aux joues de l’intendante, puis revint se planter dans les yeux clairs et toujours aussi apeurés.

    Les autres mots vinrent et frappèrent Isla bien plus brutalement qu’elle ne s’y était attendue — enfin, elle ne les attendait pas, c’était plus juste. Elle ne bougea toujours pas, battit simplement des paupières, silencieuse. Son esprit n’arrivait pas à se faire à l’idée qui tournait au milieu du cirque qu’étaient devenues ses pensées. Pourquoi disait-elle cela ? Non. Cela ne pouvait pas être ça. Elle devait l’avoir mal entendue. Une sorte… d’acouphène étrange se souleva au creux de son oreille gauche et la migraine qui s’était apaisée sembla battre à nouveau tambour mais Isla ne faillit pas pour autant, la presciente se contentait de regarder son enfant, perplexe.
    C’était donc cela, le quotidien de ceux qui ne savaient rien ? De tous les autres, ceux qui ne portaient pas cet instinct, l’œil qui caractérisait sa famille ? Ça arrivait donc, qu’Isla Darcy soit sans voix.

    L’information ne voulait pas faire son chemin jusque son cerveau, et lorsqu’elle bougea enfin les lèvres alors que Fay lui suppliait presque de s’exprimer, Isla s’entendit poser une question absolument inutile.

    « Andrea ? Quelle Andrea ? »

    Il lui semblait que son esprit se coupait en deux : une partie d’elle s’était mise à chercher tous et toutes les Andrea de sa connaissance, espérant avoir l’illumination et se rassurer en se disant qu’elle ne pouvait que mentionner le fils ou la fille d’un boutiquier. L’autre partie semblait, en parallèle et au même rythme, comprendre petit à petit les mots de Fay avec effroi. Son visage pourtant ne s’était pas modifié, une étrange neutralité était dépeinte sur ses traits.
    En amour, Isla n’était pas l’étrange créature coincée et vieux jeu que l’on pouvait facilement imaginer. Il n’y avait que des possibilités, pas de limites. Enfin, presque pas. C’était, là, une limite très concevable. Si parfaitement intégrée qu’il lui semblait impossible, encore, que Fay envisage de la dépasser. Elle savait aussi que de nombreuses familles de sangs-purs, dehors, souhaitaient garder leur sang intact, encourageant les alliances intimes. Était-ce là quelque chose du même genre ? Non. Ce n’était pas la pratique. Pas sur Avalon. Pas ici. Pas avec Fay. Non. Son esprit tournait à vive allure et contournait le problème par tous les angles.
    Car c’était un problème qui l’empêchait de réagir.
    Ses yeux lâchèrent finalement ceux de la phytokinésiste et vinrent tomber sur les doigts enlaçant les siens. Elle constata que par réflexe, elle avait elle-même enroulé ses doigts autour de ceux de Fay, incapable de clairement repousser cet être aimé de tout cœur. Isla allait de surprise en surprise et continua dans sa lancée en se concentrant sur cet échange, tentant de saisir n’importe quoi qui la réconforterait dans cette petite paume serrée.

    Mais non. Comme à son habitude, Fay ne lui réservait que son honnêteté. Comme au premier jour de leur rencontre, alors qu’elle cherchait de la malice, elle ne trouva que pureté ; alors une grimace traversa enfin, et très brièvement, le bas de son visage. Une lourde peine semblait peser encore sur les épaules de l’enfant et Isla s’en sentait en partie responsable. Elle ne quitta pas pour autant la main, ne sut que faire d’autres. La prophétesse se doutait que son silence était torture, mais rien d’intelligent ne lui venait. Elle s’efforça de reprendre une allure neutre mais ses yeux avaient changé de ton, et la Darcy savait que Fay faisait partie de ceux qui savait la lire, en partie, tout du moins.

    « Mais… pourquoi ? » Fut sa deuxième question, aussi stupide que la première. Isla perdait complètement ses moyens. La partie d’elle qui cherchait un scénario autre disparaissait et se laissait happer par la rationnelle, celle qui réfléchissait encore un peu et prenait compte de l’évidente horreur que lui apprenait celle qui n’était ni sa chaire, ni son sang, mais bien l’équivalent.
    Isla secoua la tête, se redressa, bougea plus en quelques secondes que les dernières minutes qu’elle avait laissées s’égrener, essayant de comprendre le discours pourtant relativement limpide de la jeune femme.

    Isla vint encercler les doigts de l’enfant avec sa deuxième main et se rapprocha d’elle. « Je ne sais pas quoi te dire… Que suis-je censée répondre à cette annonce ? Je… » Isla était profondément déstabilisée, elle semblait découvrir, redécouvrir, l’enfant qu’elle pensait connaître par cœur. L’idée commençait à s’imposer sans qu’elle ne fusse parfaitement consciente de l’enjeu, de ce qui en ressortait. « Depuis combien de temps cela dure ? »

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    La question lâchée par Isla trahissait l’ensemble de sa réaction. Fay se crispa malgré elle, eut envie de lâcher les mains de la prophétesse et de façon surprenante, elle eut envie de fuir. Ernest vint se hisser le long de son bras jusqu’à son épaule, venant enserrer son cou d’une étreinte bien maladroite. Elle ne réagit pas, les yeux rivés sur Isla, qui semblait faire de son mieux pour chercher une explication autre que la seule explication possible. L’indifférence forcée qu’elle pouvait voir sur ses traits était presque pire qu’une explosion de réaction ; même si Fay savait que la prophétesse n’était pas connue pour ces dernières. Elle ne dit rien, car même si les mots d’Isla semblaient appeler une réponse, elle savait que ça n’était pas le cas. C’était les mots de quelqu’un qui ne voulait pas y croire, quelqu’un qui apportait un jugement, peut-être malgré elle, mais un jugement malgré tout. Pour la première fois depuis qu’elle avait rencontré Isla, Fay eut envie de la lâcher et de se renfermer sur elle-même. La prophétesse ne la regardait plus, regardait leurs mains qui se tenaient encore et Fay lâcha un souffle le plus silencieusement possible, profitant de cette soudaine liberté pour laisser échapper une ou deux larmes.

    Isla ne la regardait plus mais son visage ne lui était pas caché pour autant, et la grimace qui traversa son expression eut vite fait de lui déchirer le cœur. Ca n’était qu’une seconde mais c’était assez pour qu’elle comprît que là était sa véritable réaction. Fay souhaita s’arracher à son contact, à bout de souffle, mais la prophétesse tenait ses mains et l’herboriste n’eut pas la force ni la violence de se soustraire à elle. Isla ne disait rien de plus, et finalement, la de Beaumenoir préférait peut-être son silence. Rien qu’elle ne pût dire ne viendrait effacer la vérité qu’elle pouvait lire sur son visage. Une partie d’elle regrettait son aveu, le secret pourtant si bien caché pendant des années, malgré les visions d’Isla et l’absence de véritables précautions que prenaient les deux cousines, et l’autre partie se sentait déjà soulagée de ne plus avoir à camoufler la vérité, même si sa relation avec Isla s’en voyait changée à jamais. Elle avait déjà fait le deuil de deux parents et elle pouvait recommencer, même si la pensée la déchirait de l’intérieur. Perdre trois parents était inattendu.

    La deuxième question d’Isla lui arracha un rire incrédule, humide, sans qu’elle ne pût le retenir. D’autres larmes perlaient à nouveau alors qu’elle secouait la tête. « Pourquoi ? » Répéta-t-elle avec défiance, serrant par réflexe les doigts d’Isla entre les siens. « A thousand poets have tried to explain love. » Elle déglutit, les yeux tristes mais sûrs. « A thousand poems wouldn’t be enough to explain how I feel about her. » A la question qui était véritablement posée, elle n’avait pas de réponse. Pourquoi Andrea ? Pourquoi sa cousine ? Fay ne savait pas, et ne l’avait jamais questionné. Qu’y avait-il de plus pur que l’amour qu’elles partageaient, et pourquoi devait-elle l’expliquer ? Isla se tenait droite, venait enserrer ses doigts de sa deuxième main, et le contact ne lui était pas aussi plaisant qu’il aurait dû l’être. Elle ne savait pas quoi lui répondre, car elle ne savait pas qu’est-ce qui avait vraiment motivé son aveu, hormis la volonté d’être enfin totalement honnête avec la prophétesse.

    La seconde question était plus simple, mais elle se doutait que la réponse n’allait en rien aider le trouble d’Isla. « Presque trois ans. » Lâcha-t-elle dans un souffle, se mordant la lèvre. Elle haussa les épaules, découragée, et baissa les yeux. « Je ne sais pas ce que j’attendais de toi en te disant ça. J’aurais pu ne jamais te le dire, et espérer que tu ne le découvres pas par toi-même. » Elle se tut un court instant, posant ses yeux sur les mains d’Isla qui gardaient toujours la sienne précieusement. « Je n’aime pas te cacher cette partie de ma vie. Je me fiche que les autres le sachent ou non, même les de Beaumenoir. Je me fiche de ce qu’ils pensent. Mais toi … » Elle souffla doucement, relevant les yeux vers Isla et lui souriant tristement. « I just want my mom to be happy for me. » Conclut-elle avec un haussement d’épaule abattu, fuyant à nouveau le regard de la prophétesse alors que de nouvelles larmes silencieuses perlaient sur ses joues.
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    Oh, elle était éprise.
    Il n’y avait aucun doute. Isla observait l’éclat de défi avec confusion et, elle se le disait enfin, un peu d’inquiétude. Tout un tas d’émotions la traversaient sans qu’elle ne puisse saisir un fil conducteur. Ses mains serrées autour des doigts fins ne contredisaient aucune des paroles lâchées par la De Beaumenoir. Isla regretta, une seconde, d’être venue ici. Comme si cette journée n’était pas assez longue et tortueuse, comme si toutes les peines du monde n’étaient pas suffisantes — comme si la percée de Grindelwald dans son esprit n’était pas assez troublante ! Elle regrettait, profondément mais savait en même temps, qu’il en était ainsi.
    Il en était toujours ainsi. Il n’y avait pas le choix. Cela devait arriver.

    Ses yeux restaient plantés dans ceux de l’intendante sans qu’elle ne parvienne correctement à la voir, pourtant. Isla, l’espace de quelques silencieuses secondes, était partie dans son esprit constellé d’images et de symboles fatidiques.

    L’annonce des trois années à s’aimer suffit à la faire revenir à l’échange. Presque trois années. La prophétesse s’efforçait de ne rien montrer. Mais où était-elle, à ce moment-là ? Pourquoi n’avait-elle rien vu ? Est-ce que cela s’était déroulé sous ses yeux sans qu’elle n’en voie rien ? Quel cruel destin !
    La migraine revint taper de plus belle à l’arrière de son crâne, son sang pulsait dans ses veines à toute vitesse alors qu’elle écoutait attentivement les paroles de sa protégée. Chaque avancée argumentaire était un couteau de plus que Fay lui plantait au creux des côtes. Comme elle y allait et remuait la culpabilité qui prenait place, tranquillement, alors qu’il lui était impossible d’ignorer la peine que son attitude infligeait à l’herboriste. Il n’y avait rien d’exprimé pour la blesser, Isla le sentait. Tout était pur. Pas un mensonge pour passer les lèvres tordues dans un rictus triste.

    Fay lui brisait le cœur.
    Maintenant qu’elle prenait mesure de la chose et qu’elle acceptait son existence, ainsi formulée par la jeune herboriste. Ses paroles précédentes lui revenaient à l’esprit. Sans forcer, les images venaient lui polluer l’esprit. Elle imaginait les rendez-vous secrets, les embrassades au creux du jardin de l’intendante, toutes ces fois où elle l’avait laissée partir au bras de l’ébéniste. Celle-là même à qui elle avait confié ses ruches, qu’elle consultait pour son expertise. Cette relation qu’elle avait toujours observée d’un œil attendri.
    Isla se sentit prise d’une nausée qu’elle réprima brutalement, jouant de son experte impassibilité pour ne rien afficher.

    « I just want my mom to be happy for me. »

    Les yeux retrouvés prirent à nouveau la fuite, mais la prophétesse ne regardait plus vraiment l’enfant qui venait de court-circuiter son chemin de pensée. Oh, elle avait rarement eu aussi mal.
    Les deuils s’enchaînaient ces dernières années dans sa vie qui était pourtant jusque-là, assez tranquille. Les derniers mots de l’herboriste la secouaient de toutes parts, la Darcy se sentit à son tour particulièrement remuée par la déclaration, suffisamment fébrile pour percevoir l’eau perler à ses paupières sans encore s’en échapper.
    Elle ne voulait pas regarder l’enfant, non pas par dégoût mais par peur de se laisser aller à ses sensibleries, déjà visiblement troublée. L’assistant tâchait de rester droite, les mains abandonnées sur celles de Fay. Il fallait qu’elle reprenne contenance, elle le savait ; mais n’y arrivait guère, entendait l’écho déçue de l’intendante résonner au creux de son esprit fatigué. Isla se sentait prise en étau : profondément perturbée par l’appellation bien trop symbolique pour qu’elle ne puisse en ressentir à la fois de la peine et de l’amour, et la réalité de la situation qui s’étalait devant elle. Comme elle aurait aimé être heureuse pour elle. Comme elle aurait aimé entendre ces mots avec joie et espoir plutôt que portés par une tristesse infinie. Isla avait l’impression de laisser tomber Fay et l’idée redoublait sa nausée. Le malaise s’étendit à l’ensemble de son corps épuisé par la journée et elle sentit sa main trembler.

    Elle la retira donc du contact, désireuse de ne rien laisser transparaître. Il lui était pourtant difficile de se contenir : que dire de cette reconnaissance ? Fay lui avouait le statut qu’Isla entretenait à ses yeux. Et par la même occasion, que celle-ci la décevait ou peut-être, qu’elle sentait la déception que ressentait l’assistante à l’idée d’une telle relation.

    Isla ouvrit la bouche pour essayer d’articuler quelque chose, mais rien ne vint alors elle se contenta de la clore. Avant que l’eau ne s’échappe, l’assistante souleva sa main libre pour l’effacer. Ce n’est qu’alors qu’elle s’autorisa à observer la silhouette abattue de la De Beaumenoir. La vue lui était pénible.
    Elle s’interrogeait. Puisqu’elle n’avait rien vu et que tout était l’œuvre des astres, les choses devaient-elles être ainsi ? Pour la deuxième, ou troisième fois de sa vie, Isla se mit à reconsidérer le schéma par lequel elle voyait le monde et à le rejeter en bloc. L’aura qu’émettait Fay n’était plus si douce, ni colorée. Il n’y avait jamais de noir grouillant, jamais elle ne portait le noir goudron propre à la Damodred, par exemple, mais le halo léger qui l’entourait était si teinté de gris qu’Isla eut envie de la prendre dans ses bras, malgré toute l’horreur que lui inspirait sa relation incestueuse.

    Nausée.

    « Fay… Il fallait pourtant bien s’exprimer. Mais Isla ne savait quoi dire : elle attendait qu’elle se réjouisse pour elle, qu’elle accepte. Certainement. Mais comment ? Comment se résigner à ça ? Était-elle si mauvaise, d’en être incapable ? Devait-elle accepter cet état de fait ? Un million de questions hantaient son esprit et aucune réponse à l’horizon. J’aimerais être heureuse pour toi. Crois-moi. » Mais elle ne pouvait pas l’être, pas à l’instant. Isla s’en sentait incapable et serrait de sa main gauche les doigts fins, comme pour compenser la peine qu’elle lui infligeait certainement. Mais Fay ne méritait pas qu’on lui mente, il n’en avait jamais été question. Et plus la peine submergeait son enfant, plus elle serrait sa paume, espérant se racheter. Isla ne voulait pas la perdre. L’idée que cette annonce et sa réaction purent arriver à cet extrême ne lui avait pas traversé l’esprit jusque-là, et l’assistante prit peur, tout à coup. « Je suis vraiment désolée Fay. J’ai juste besoin… de temps. Pour l’être, pour comprendre. Regarde-moi, s’il te plait. Ses doigts vinrent saisir le menton de l’enfant pour rencontrer ses yeux, la forcer doucement à maintenir son regard. Les traits de la prophétesse s’assouplirent. Rien ne me déplaît davantage que de te voir pleurer, mon enfant. C’est juste… Il était rare que la prophétesse ne sache que dire, ou comment finir sa phrase. Mais celle-ci resta en suspens jusqu’à ce qu’elle se décide à lâcher le visage de l’herboriste. Que pouvait-elle dire de plus qui ne la heurterait ? Oh, Fay… »

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    Isla retirait sa main et Fay laissa la sienne retomber mollement contre sa jambea, déglutissant avec un peu de difficulté. Elle recula, assez pour se séparer de la prophétesse, jusqu’à l’autre bout du banc. Seule sa seconde main restait en contact, du bout des doigts seulement. Tous ses sens lui criaient de se lever et de retourner dans sa maison, espérant pouvoir se détacher de la situation comme elle savait si bien le faire. Malgré tout, elle n’avait pas oublié l’état dans lequel Isla s’était présentée chez elle, et elle savait que sa soudaine confession avait sûrement accentué à nouveau le mal de crâne de la prophétesse. Les indices étaient subtils mais visibles pour Fay, des yeux juste assez plissés pour faire apparaître des rides, une mâchoire un peu trop rigide. Isla essayait de paraître impassible mais la de Beaumenoir la connaissait assez pour savoir qu’elle était tout sauf impassible. Elle ne savait cependant pas si c’était la douleur ou sa réaction à l’aveu de l’herboriste qui la faisait agir ainsi, et elle ne voulait pas s’amuser à deviner, car ses pensées penchaient plutôt vers la seconde solution. Isla restait silencieuse et Fay ne dit pas un mot non plus, ses yeux ne quittant pas le visage de la prophétesse.

    Son prénom n’avait jamais été prononcé avec autant d’hésitation, et inconsciemment, Fay se tendit en attendant la suite des mots d’Isla. Elle s’attendait au pire, sûrement à raison, et elle se demandait s’il n’était pas possible de prétendre comme si elle n’avait rien dit, de revenir à quelques minutes plus tôt. Un tourne-temps lui aurait permis de détourner Isla de son jardin avant même qu’Ernest ne vînt l’alerter de sa présence, et elle réfléchit quelques instants à l’idée complètement folle avant de la bannir. C’était nécessaire, même si Isla ne regardait plus jamais de la même façon, même si elle n’osait plus la toucher ou lui parler. La déception resterait longtemps dans le cœur de la de Beaumenoir mais elle s’en remettrait, comme elle s’était déjà remise de beaucoup de choses. Elle avait Andrea après tout, n’en déplût à certains, et sa cousine lui apportait la présence humaine qui lui était nécessaire. Le reste pouvait disparaître, elle apprendrait à vivre sans. Elle ne s’était pas effondrée après la mort de ses parents et elle n’avait pas de raison de s’effondrer maintenant, si Isla lui tournait le dos.

    Et Isla asséna le coup de grâce sans peut-être s’en rendre compte. Fay se redressa, Ernest fermement accroché à son cou et enlaçant sa peau pour peut-être la réconforter. La prophétesse avait le mérite de ne pas lui mentir, mais l’herboriste aurait peut-être préféré qu’elle le fît. Certainement, cela aurait été moins douloureux que les mots prononcés par la Darcy. Fay fut incapable de répondre, la bouche sèche. Isla serrait sa main avec ardeur, la prise presque douloureuse. Elle finit par retirer sa main, pas sèchement mais pas forcément poliment non plus, les yeux tristes. Elle ne pouvait pas la regarder, le verdict assez violent pour la faire commencer à pivoter, prête à se lever. La main d’Isla sur son menton la garda bien en place et elle la regarda dans les yeux presque contre son gré. Elle savait que les mots de la prophétesse étaient sincères, mais ils n’enlevaient pas la douleur que sa pensée la plus honnête avait provoquée. Des larmes s’échappèrent une nouvelle fois de ses paupières, glissant sur ses joues jusqu’à son menton. Isla s’interrompit, lâcha son visage et Fay en profita pour enfin se lever, tournant le dos à la prophétesse.

    Elle prit une inspiration, puis une autre, cherchant à calmer son cœur et arrêter les larmes de couler. Elle avait bien compris qu’il n’y avait rien qu’elle pût dire qui changerait la réaction d’Isla, rien qui ne pût faire comprendre à la prophétesse qu’il n’y avait rien de plus pur que l’amour qu’elle vouait à Andrea, et qu’il n’était pas à craindre mais à célébrer. Elle doutait également que le temps que demandait Isla lui permettrait d’arriver à cette conclusion. Le seul espoir qu’elle s’autorisait était celui de penser que la prophétesse les regardât avec une certaine indulgence, si ça n’était pas de l’acceptation. Ce qu’elle craignait par-dessous tout était que sa mère de substitution prétendît que rien n’avait changé et que Fay ne lui avait pas livré les secrets de son cœur. Elle croisa les bras contre sa poitrine, laissant échapper un souffle fébrile alors que ses épaules tremblaient de sanglots silencieux. Quelques instants passèrent, des minutes peut-être, avant qu’elle ne parvînt à stopper les larmes et retrouver son calme. Elle essuya ses joues délicatement, fixant la cabane où ses parents étaient morts, maintenant recouverte de plantes en tout genre. Ses doigts se crispèrent une seconde alors qu’elle essaya en vain d’accéder à son don, abandonnant après quelques secondes. Evidemment, son état d’esprit n’était pas idéal pour la pratique, et elle ne pourrait pas s’en servir pour se changer les idées ; quel cercle vicieux.

    « Parfois j’essaie d’imaginer ce qu’ils me diraient. S’ils seraient horrifiés, comme toi. Ou s’ils accepteraient notre amour. » Elle déglutit avant de pivoter légèrement vers Isla, son visage à moitié caché par ses cheveux alors qu’elle se trouvait incapable de la regarder. « Je préfère penser qu’ils m’auraient simplement souri. » Elle retrouva le courage d’affronter son regard et tourna totalement vers la prophétesse, la contemplant avec une expression étrangement neutre, comme si elle n’avait pas sa place sur son visage. « Je suis désolée, ta migraine est revenue. » Dit-elle avec une voix sans émotion, quoiqu’une lueur de compassion brillait dans son regard. Fay portait d’ordinaire son cœur sur la main, mais il lui arrivait de se refermer pour se protéger, comme maintenant. « Je vais te raccompagner chez toi. Tu es capable de transplaner ? » Lui demanda-t-elle, la proposition inhabituelle. Fay ne transplanait pas, ou très rarement, mais elle ne s’imaginait pas ramener Isla en marchant, pas avec ce qu’il venait de se passer, et pas lorsqu’elle pouvait voir que la prophétesse était toujours en souffrance. Elle était cependant capable de transplaner pour la Darcy, une fois de temps en temps.
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    Fay la rejetait.
    Isla souffrait de l’éloignement de l’enfant, terriblement. Alors que l’herboriste lui tournait le dos, l’assistante ressentait un cocktail parfaitement terrifiant d’émotions diverses et variées. Elle se sentait à la fois prise par une urgence dont elle ne comprenait pas l’origine et par une sensation irréelle de lourdeur qui l’empêchait d’avancer dans le sens de cette urgence. Elle se sentait au bord du vide, prête à faire le pas suffisant pour l’y faire basculer. Si la confession de Fay lui était horrifique, elle l’aimait encore et ne cesserait jamais de l’aimer. Mais la médium avait senti la main s’échapper sèchement de sa prise, sentait les barrières que posaient son enfant entre elles. La nausée qui l’étreignait rendait le parfum pourtant agréable du jardin insupportable à respirer. Elle aurait rendu sur le tas, peut-être, si elle ne se tenait pas si tendue, les griffes fermées sur ses cuisses, le corps droit. Un coup bien placé et l’assistante se briserait en deux.

    Isla détestait la distance que lui imposait Fay mais une autre part d’elle lui était reconnaissante, car ainsi, elle pouvait laisser son visage se tordre un peu, ses yeux s’arrondir, encaisser le choc avec son corps entier et non seulement sa psyché endommagée pour la journée.
    Entre toutes les images qui se faufilaient au creux de son esprit, la peur de perdre Fay faisait son chemin et lui tordait les tripes. Si celle-ci lui échappait… voilà bien la chose qui pourrait la pousser dans le gouffre ouvert sous ses pieds. Il lui restait Iris. Alba était son amie. Mais Isla ne supporterait pas de vivre étrangère sur la même île que celle qu’elle considérait comme sa deuxième enfant. Louis l’avait déjà abandonnée.
    Cette pensée la poussait à tenir bon, à ne pas sortir à toute vitesse du jardin qui lui semblait pourtant si reposant à son arrivée. C’était là où elle avait eu besoin de venir pour se ressourcer, après l’éprouvante journée. Pourtant à cet instant, elle voulait fuir tout autant que Fay semblait ne plus vouloir rester à ses côtés. Mais il était hors de question que la prophétesse ne mette elle-même davantage de distance entre elles. Quoi que l’étrange relation incestueuse lui fasse ressentir.

    Non, elle ne pouvait pas partir.

    Lorsque Fay éleva la voix à nouveau, se tournant à peine vers elle, Isla se raccrocha à la forme du visage qu’elle discernait derrière les cheveux. Elle essayait de reprendre contenance, le temps écoulé lui avait permis de modeler les traits de son visage pour lui conférer son air éternellement impassible. Une part d’elle savait que cette manipulation ne voilait certainement pas la vérité aux yeux de l’herboriste, mais il lui semblait essentiel de maintenir le masque.

    Isla accueillit les paroles en souffrance. Elle aurait voulu la contredire, lui dire que ça ne l’horrifiait pas. Mais elle ne pouvait lui mentir, il lui était résolument impossible de le faire. Même si elle essayait, Fay avait appris à la lire, parfois mieux que certaines personnes de son entourage proche. Il n’y avait rien de bon à essayer. Alors elle se contenta de déglutir et de reposer son regard dans celui, étrange, de sa protégée. L’air neutre qu’elle s’efforçait de maintenir ne lui allait pas. Le manque d’émotion lui brisait le cœur : il n’y avait rien de chantant dans la belle créature qu’elle aimait tant voir papillonner dans son jardin.
    La presciente secoua la tête pour toute réponses à ses excuses.

    La question posa troubla l’apparente impassibilité sur son visage et Isla ne put retenir l’éclair surpris et peiné qui la traversa alors qu’elle soutenait le regard de l’herboriste. Elle avait l’habitude de leurs balades, se raccompagnant l’une et l’autre en discutant de tout, et surtout de rien qui ne pouvait faire sens à des oreilles étrangères. Fay n’aimait pas transplaner. Elles ne transplanaient pas. La prophétesse sembla pondérer longuement sa réponse, ne sachant exactement que répondre à cette question pourtant simple. Mais rien ne lui semblait évident maintenant. Cette impression l’effrayait hautement.

    « Je ne vais pas t’imposer de me raccompagner. » Isla s’efforçait d’articuler avec douceur, pour contrer une potentielle raideur qu’elle se connaissait lorsqu’elle faisait un effort maximal pour comprimer les émotions qui la bousculait. Elle prit un temps pour se redresser et appliquer ses mains plates sur les plis de ses vêtements pour les faire disparaître. « Je vais rentrer à pied. » La Darcy tenta un mince sourire, ne savait que faire de ses mains qu’elle finit par croiser sur son bas ventre. Elle songea qu’il lui fallait rectifier ses paroles. « Entends-moi, je ne refuse pas ta présence. Jamais je ne le ferais. Je ne veux simplement pas… » Elle ne savait pas comment finir sa phrase, et il lui sembla que ça n’était pas franchement nécessaire. Leurs conversations pouvaient se passer de mots. Elle espérait que c’était encore le cas. Isla était trop perdue pour voir encore les dommages causés par cette conversation.

    Désormais debout, elle se rendit compte à quel point son corps ne tenait plus le choc en cette fin de journée. La migraine battait mais plus seulement. Elle n’avait pas eu conscience de la fragilité de son état jusqu’à ce qu’elle soit en position de départ, se devant tout à coup de reprendre la main sur son enveloppe corporelle devenue trop lourde. Elle émit un soupir. Elle n’osait pas faire un pas vers Fay, observait les marques d’eau sur ses joues avec un pincement au cœur. Elle était responsable de sa douleur alors qu’elle avait juré ne jamais lui faire de mal. La honte s’empara de son regard et elle baissa la tête un instant, avant de se reprendre. Elle dégueulerait sa culpabilité plus tard.

    Isla tenta, à nouveau, un mince, très mince sourire, qui ne dura qu’une seconde.

    « Je suis désolée. Ses doigts trituraient malgré elle le tissu de son haut. L’assistante n’avait plus sa stature. Elle voulait lui demander à nouveau de lui accorder un peu de temps, mais il lui semblait que ses paroles relanceraient le flot de larmes et restât silencieuse. Je vais y aller. »


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    Le silence s’installait à nouveau entre elles, comme jamais auparavant. Quelque chose s’était très certainement brisé entre elles, et Fay espérait qu’elles parviendraient à recoller les morceaux. Elle n’était pas prête à abandonner sa relation avec Isla, elle le savait déjà, même si elle était aussi consciente qu’il lui faudrait prendre quelque temps pour digérer le rejet de sa mère de substitution et de parvenir à tendre la main vers elle à nouveau, sans avoir peur de se brûler. Elle ne pensait qu’une partie de la confiance qu’elle vouait à la prophétesse s’était effritée mais elle sentait qu’elle était plus fragile, fissurée par le doute. Elle désirait ardemment contenir les failles et les craquements, mais elle savait que ça ne serait pas immédiat. Ca n’était pas comme ça que cela fonctionnait, après tout. Elle sentait aussi qu’elle n’attendait que l’absence d’Isla pour s’autoriser à véritablement tomber en morceaux, même si elle ne comptait pas laisser la prophétesse passer la nuit seule. Il y aurait sûrement Iris au manoir des Darcy, et le reste de sa famille, mais c’était Fay qu’Isla était venue voir, et elle ne comptait la laisser que si elle était persuadée que la matriarche était en phase ascendante.

    Une certaine décontenance se lisait sur Isla, ses mains qui s’agitaient doucement contre le tissu de ses vêtements et son ton était un peu forcé, alors qu’elle rejetait implicitement l’offre de Fay. La de Beaumenoir ne pensait pas vraiment lui laisser le choix. Elle habitait bien en dehors de la ville, et il ne lui semblait pas que l’état d’Isla ne lui permît de parcourir les kilomètres qui la séparaient de chez elle tranquillement, même si elle revêtait son masque indifférent de circonstances. Elle savait que la potion de ses parents n’avait pas suffi à lui calmer son mal de crâne, sûrement revenu exponentiellement avec l’aveu de Fay, si bien qu’une partie d’elle s’en voulait un peu de n’avoir pas attendu un meilleur moment pour dire la vérité – si tant était que bon moment il y avait. Les mots de la prophétesse se perdaient en cours de phrase et un sourire amer se dessina sur les lèvres de Fay, qui ne pouvait que déplorer les conséquences très soudaines de son aveu irréfléchi. Mais l’herboriste n’avait pas besoin de mots pour comprendre la pensée d’Isla, n’en avait plus eu besoin depuis longtemps, et elle se contenta d’acquiescer d’un son inintelligible. Elle savait que malgré l’aveu qui creusait un fossé insupportable entre elles, Isla n’avait pas plus envie que leur relation en pâtissât.

    Isla se leva et Fay fit un pas vers elle sans même s’en apercevoir, prête à la rattraper si ses jambes devaient céder sous son poids. Il n’en fut rien, mais pendant une seconde, la douleur fut visible sur les traits de la prophétesse. Cela ne fit que renforcer la conviction de Fay, qui ne laisserait pas Isla partir toute seule, et encore moins à pied. Si elle n’acceptait pas de rester ici le temps de se reprendre, ce qui était perdu d’avance, alors Fay la ferait transplaner jusqu’à chez elle, contre son gré s’il le fallait. Leurs regards se croisèrent un long moment avant qu’Isla ne baissât la tête, peut-être honteuse, et le mouvement fit également soupirer Fay, qui osa faire un autre pas en avant vers la prophétesse. Elles se tenaient à nouveau assez proches pour se toucher, même si elle ne fit pour le moment pas de mouvement en ce sens. Le sourire qui se dessina sur les lèvres d’Isla fut bien pâle et bien éphémère, et la de Beaumenoir déglutit difficilement alors que sa mère de substitution s’excusait, ses paupières papillonnant comme pour retenir ses larmes.

    Finalement, à l’annonce de son départ, Fay franchit la distance qui les séparait et s’empara de l’une des mains d’Isla, la serrant doucement entre les siennes. Elle la porta à ses lèvres pour y poser un baiser furtif, s’osant à un petit sourire timide. « Isla ... » Commença-t-elle avant de s’interrompre, baissant les yeux un instant. « I’m not going to lie and tell you that your reaction didn’t hurt me, because it did. » Elle releva le regard vers Isla, son sourire devenant torturé, l’expression passagère et disparaissant rapidement. Elle pressa la main qu’elle tenait contre sa poitrine, à moitié contre son cœur que la prophétesse sentirait peut-être battre contre le dos de sa main. « But I care deeply for you. » Lui dit-elle avec conviction, le sourire timide refaisant une apparition sur son visage. « And I’m sorry. » Elle ne lui laissa pas le temps de la réflexion, gardant sa main tendrement tenue entre ses doigts, et l’entraînant sans demander son autorisation dans un transplanage. Leur réapparition sur les terres des Darcy se fit dans un silence complet, avec autant de douceur dont Fay fut capable. Elle sépara l’une de ses mains de la prise qu’elle avait sur les doigts d’Isla pour venir caresser sa joue un instant, le toucher un peu hésitant. « I'm sorry, but there was no way I was letting you walk back. » Isla n’avait pas l’air beaucoup plus mal en point qu’avant, et certainement moins que si elle s’était obstinée à marcher des kilomètres dans son état. « Let’s get you to bed, mmh ? And don’t argue, I’m staying. » Elle passa ses doigts sur le sourcil d’Isla, cherchant vainement à en adoucir les traits, comme si son contact chasserait la migraine de ce crâne. « We ... We'll talk later, okay ? » Après qu’elle se fut reposée et qu’elle eut un peu de temps pour digérer la nouvelle, était sous-entendu.
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    La chaleur du baiser contrastait grandement avec le froid étrange qui la saisissait depuis l’aveu. Certainement, il n’y avait pas que cela : Isla était épuisée, ne s’était pas sentie si fragile depuis bien longtemps. La prophétesse ne courbait pas l’échine, n’avait pas pour réputation ni d’être souple, ni d’être fragile face à l’adversité. Mais la Darcy savait aussi, pertinemment, qu’elle ne serait pas capable d’encaisser un autre deuil. C’était bien quelque chose qu’elle sentait, d’aussi vif que la sensation de déception éprouvée à l’égard de la relation incestueuse.

    Elle planta ses yeux dans ceux de sa protégée, la laissant parler, ne souhaitant guère se défaire de l’étreinte enfin retrouvée. Elle ne l’aurait cru elle-même avant ce soir, qu’un toucher fut aussi salvateur, elle qui détestait les intrusions dans son espace. La presciente reçut les paroles avec gravité, ne sous-estimant en aucun cas la douleur que pouvait ressentir Fay. À travers la couche de fatigue et le désordre de ses pensées, Isla pouvait sentir le trouble, la peine, vibrer sous la peau de l’herboriste, presque aussi clairement que la pulsation du sang affluant son cœur. Elle ne mentait pas et l’assistante se sentait terriblement coupable. Cette affreuse sensation lui rappelait à quel point son lien avec la blonde lui était cher. C’était, en partie, la chose qui la retenait sur les terres de Beaumenoir. Elle lui rendit un sourire presque tranquille, pas tout à fait confiant. Il était bon d’entendre son attachement. Les deux femmes se parlaient sans cesse, avec ou sans mots selon l’humeur, mais ne s’attardaient pas vraiment à formuler clairement la nature de leur relation. Isla l’appelait sa fille, secrètement, à elle-même, à d’autres dont elle était proche. James avait été l’un des premiers à le lui faire formuler. Mais elles ne se l’avouaient pas, parce que cela ne semblait guère nécessaire.
    L’appellation dont elle avait hérité plus tôt dans l’échange n’avait servi qu’à lui rappeler l’importance du lien. Et lui rappellerait plus tard toutes les choses à faire pour ne pas perdre la jeune femme.

    Isla n’eut pas le temps de réagir et ne souhaitait de toutes façons, plus vraiment discuter. Elle se sentit aspirer brutalement puis rejetée tout aussi vite pour rouvrir les yeux sur son jardin entretenu. Elle détestait transplaner et comprit vite qu’était là la raison de son excuse. La Darcy ne dit rien, laissait l’enfant la toucher sans réagir davantage. Que pouvait-elle dire maintenant qu’elle était devant chez elle ? Parler pour ne rien dire n’était pas dans ses habitudes. Une part d’elle était enchantée de savoir Fay avec elle, et ne s’empêcha pas de sourire alors que celle-ci lui annonçait rester.

    « Loin de moi l’idée. » La phalange était souple et le toucher doux. La fatigue prenait assez de place pour éloigner l’aveu de ses pensées, un instant. Il était évident qu’elle ne pourrait y réfléchir ce soir et elle fut ravie des dernières paroles de Fay auxquelles elle acquiesça doucement. Un peu de temps, c’est tout ce qu’elle lui avait demandé. Isla ne savait pas ce qu’elle serait capable de faire à ce propos, mais elle n’avait plus envie d’y penser. Égoïstement, elle voulait chasser ce morceau de leur discussion pour sombrer dans un sommeil ininterrompu, faire semblant que rien n’avait changé entre elles. Isla ne voulait pas encore voir les dégâts, encore.

    « Okay. »

    Isla raffermit sa posture et finit par extraire ses mains du contact appuyé de Fay pour glisser un bras sous le sien en recherche de stabilité. Elle fit un premier pas hésitant avant de se lancer en silence, ouvrant d’un geste du poignet la porte, passées les marches et le porche. À l’ouverture arriva l’elfe de maison qu’elle renvoya presque immédiatement. Des pas inquisiteurs se firent entendre au premier étage puis une voix chaleureuse.

    « Isla c’est toi ?
    — Oui.
    — Oh, et Fay avec toi ? Bonjour, jeune fille.
    — Inutile de m’attendre ce soir.
    — Est-ce que ça va ?
    — Tout va bien. »

    Les échanges entre mère et fille ne duraient généralement pas davantage. Contrairement au lien qu’elle entretenait avec sa grand-mère, Isla ne ressentait pas de profond attachement envers celle qui l’avait mise au monde. Nul doute que le fait que Rhiannon l’ait élevée y soit pour quelque chose — et le ressentiment que sa mère éprouvait à l’idée d’être déclassée aussi. Isla se laissa guider par Fay qui connaissait la maison par cœur, même si le jardin est là où elle passait tout son temps. Les deux retrouvèrent les quartiers de la future cheffe de maison après une ascension lente. Plus elle s’approchait de sa chambre, plus elle se sentait s’affaiblir, comme si retrouver l’espace protégé de sa maison mettait inconsciemment son corps dans une posture de relâchement. Les deux blondes passèrent les portes à battant, les lumières s’allumèrent et Isla finit par lâcher le soutien de plus en plus appuyé en s’excusant platement.

    « Peut-être as-tu faim ? N’hésite pas à interpeller l’elfe. » Isla retombait dans ses réflexes habituels, savait pourtant que Fay n’avait aucun problème à faire comme chez elle et ne doutait pas que celle-ci irait se servir dans la cuisine ou dehors. Elle parlait en se dirigeant vers un paravent pour se changer rapidement, chaque mouvement lui semblait difficile, les membres pris de torpeur. Elle ne poussa pas le vice jusqu’à demander de l’aide à l’enfant, prenant son temps pour changer d’une couche de tissu à une autre, toute aussi luxueuse mais légère. La medium finit par revenir dans le champ de vision de Fay, les bras défaits de ses multiples bijoux, ne gardant que son précieux pendentif autour du cou. Elle vint s’installer sur le bord de son lit et retrouver le regard de Fay. Elle garda le silence un temps et voulu trouver quelque chose qui leur était habituel. Dans cette soirée hors des sentiers.

    « No Keats tonight, please ? »

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    Isla ne la combattait pas, et elle ne savait pas si elle était déçue de l’absence de confrontation, ou soulagée. Cela trahissait la fatigue d’Isla mais c’était également une preuve de confiance, et Fay se raccrochait à ce qu’elle pouvait pour se persuader que leur relation survivrait à ce tumulte inédit. La prophétesse se détachait d’elle pour venir passer son bras autour de ses côtes, et Fay lui rendit l’étreinte, soutenant sans difficulté le peu de poids qu’Isla déniât appuyer sur elle. Lentement, elles rejoignirent l’entrée de la bâtisse familiale, dont les portes s’ouvrirent d’un geste de la main d’Isla. L’herboriste avait pénétré de nombreuses fois dans cette maison, même si ses attentions étaient plutôt focalisées sur le jardin. Assez, en tous les cas, pour reconnaître la voix de la mère d’Isla. Elle releva les yeux vers elle, souriant doucement à l’accueil. « Bonjour. » Lui répondit-elle d’une voix légère, qui ne laissait nullement imaginer que le rouge de ses yeux était dû à des larmes versées ou une quelconque tristesse. Isla ne s’attarda pas sur l’interaction, comme souvent, et Fay la guida doucement vers les escaliers et ses appartements. Par chance, elles ne croisèrent pas d’autre membre de la famille Darcy, et elles se retrouvèrent bien tranquillement dans les quartiers d’Isla.

    La prophétesse se détacha, et Fay hésita à la laisser partir. Elle avait bien senti que sa mère de substitution s’appuyait de plus en plus sur elle à mesure qu’elles avaient monté les marches, et elle ne savait pas si elle parviendrait à se remettre sur pieds sans tanguer, mais la résilience de la secrétaire était sans pareille. La réflexion d’Isla lui arracha un petit sourire, car même épuisée elle ne pouvait se défaire de son instinct maternel, et Fay se retint de lui répondre. Andrea lui avait fait à manger, ça n’avait pas été un mensonge, et l’herboriste mangeait peu, surtout lorsque son estomac se trouvait contrarié par ses émotions. L’honnête réponse resta sur sa langue, car elle ne souhaitait pas rajouter plus d’angoisse à la prophétesse. Isla se changeait derrière le paravent, et Fay en profita pour poser Ernest sur le magnifique ficus au tronc entrelacé que l’herboriste avait imposé dans la chambre d’Isla. Le Botruc était très heureux dans ce petit arbre, et elle l’observa avec un sourire alors qu’il s’installait confortablement, lui aussi prêt à dormir. Elle ne pouvait nier que la fatigue commençait également à la gagner, même si elle était plus émotionnelle que physique.

    Elle entendit les pas d’Isla derrière elle et se redressa pour lui sourire doucement. Elle avait l’air plus petite, maintenant qu’elle était dévêtue de tous ses atours. Elle paraissait plus fragile, plus humaine peut-être, et Fay savait qu’elle faisait partie des rares à pouvoir voir la secrétaire de la Suprême dans un tel état de vulnérabilité. Elle rejoint Isla près du lit et tira la moitié des draps afin que la prophétesse pût s’installer confortablement, avant de les remettre sur elle, de la même façon qu’un parent le ferait avec son enfant. L’idée la fit sourire et elle n’hésita pas avant de s’installer à côté d’Isla, restant à l’inverse sur les draps et arrangeant les coussins pour s’adosser confortablement à la tête de lit. « No Keats, I promise. » Le rituel n’était pas récent, Fay qui lisait de la poésie à Isla, parfois la sienne et souvent celles des autres, même si l’environnement n’était pas habituel. Cela ne posait pas problème à l’herboriste, qui pouvait lire de la poésie quelque que fût la situation. Elle n’avait pas besoin de son carnet pour réciter la poésie qu’elle avait écrite cet après-midi, sur les reins d’Andrea. Isla n’avait pas non plus besoin de savoir dans quelles circonstances les mots avaient été consignés. Elle plongea ses doigts dans la chevelure d’Isla, incapable de rester sans contact physique très longtemps, et la fixa d’un regard tendre. « Promise me you won’t fight falling asleep, and I’ll recite some for you. » Lui demanda-t-elle d’une voix basse, faisant glisser ses ongles contre son crâne, espérant que la sensation pût la distraire un peu de sa migraine.

    Elle garda son regard dans celui d’Isla, juste assez pour être sûre que la prophétesse avait acquiescé, et pas seulement pour lui faire plaisir. Satisfaisante de ce qu’elle vit dans les yeux d’Isla, elle se réinstalla un peu plus confortablement contre la tête de lit, sans jamais cesser sa caresse sur le cuir chevelu de sa mère de substitution. D’une voix douce, posée, elle prononça les quelques vers de la poésie qu’elle avait terminée quelques heures plus tôt.

    « That I did always love
    I bring thee Proof
    That till I loved
    I never lived—Enough—

    That I shall love alway—
    I argue thee
    That love is life—
    And life hath Immortality—

    This—dost thou doubt—Sweet—
    Then have I
    Nothing to show
    But Calvary— »


    Pouvait-elle dire à Isla que tout ce qu’elle écrivait, elle l’écrivait pour Andrea ? Sûrement pas, et encore moins à cet instant. Mais la prophétesse la connaissait, et maintenant que les pièces du puzzle étaient rassemblées, elle ne doutait pas qu’elle finît par parvenir à une conclusion similaire. Elle se demandait si Isla se détacherait de sa poésie, si elle pensait que cette dernière naissait d’une source insupportable et innommable. Elle ne s’attarda pas sur les pensées noires plus longtemps, la caresse qu’elle ne cessait entre les mèches de cheveux de la prophétesse servant aussi à calmer son cœur. Lorsque le silence lui fut insupportable, elle murmura une seconde poésie.
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    Isla se laissait guider sans réfléchir, suivait les gestes et obéissait, épuisée. Elle savait déjà qu’elle s’étonnerait d’une telle docilité, plus tard, mais ne s’en formalisait pas davantage pour l’instant. Elle ne voulait rien faire ou dire quelque chose de plus qui heurterait encore Fay. Il lui semblait que la paix, peut-être illusoire, qu’elles étaient en train de monter dans la chambre de la prophétesse. Elle sourit tranquillement alors qu’elle s’installait contre son coussin et se plaçait sur son côté du lit, puis reçut les draps relevés par l’herboriste avant que celle-ci ne rejoigne le côté de son époux et s’y installe à son tour. La secrétaire observait la gracieuse enfant se mouvoir pour s’installer. Elle se dit qu’elle lui ressemblait plus que Louis. Longiligne, les cheveux dorés, éthérée, l’étrange créature qui filait avec le vent. Son fils était brun, énergique, avait le caractère tempétueux de son père et n’avait pas hérité de l’air aérien que partageaient les deux femmes allongées. Fay ne portait pas son sang, et Isla n’oubliait pas les parents qui manquaient à l’herboriste, mais l’illusion était à s’y méprendre.

    L’assistante reçut le contact sans se plaindre non plus et pondéra un instant avant d’acquiescer pour promettre en silence qu’elle ne se battrait pas. Elle s’en sentait incapable de toutes façons. Quelle image donnait-elle d’elle-même ? La question lui traversa l’esprit alors qu’une vague de frissons souleva son épiderme alors que les ongles glissaient contre son crâne. La secrétaire était soumise au moment, à une vulnérabilité qu’elle regretterait surement plus tard. Elle était pourtant à l’aise avec Fay, mais n’était guère habituée à laisser tomber le masque. Il semblait que les deux femmes avaient échangé leur rôle, et Isla n’était pas satisfaite de ce constat, mais elle avait déjà décidé de baisser les armes et de se rendre. Il en était ainsi.

    Réajustée contre la silhouette de sa protégée, Isla ferma les yeux, profitant des caresses. Il lui semblait ne pas avoir été la cible d’attentions pareilles depuis une éternité. Elle se sentait égoïste de s’y laisser aller alors qu’il était évident qu’elle avait blessé celle-là même qui lui prodiguait tant de caresses.

    La voix s’éleva et mit un terme à ses ruminations alors qu’Isla, sensible comme toujours aux arts et tout particulièrement à celui de son enfant, plongeait dans les mots. Comme chaque fois, les récitations de Fay lui donnaient l’impression de suspendre l’écoulement du temps, lui accordaient un temps de paix. Elle ne connaissait pas les vers déclamés. Elle se questionna un temps sur leur origine, mais la réponse s’imposa avec évidence. Isla connaissait la poésie de la de Beaumenoir et en appréciait généralement les nuances. Elle était indéniablement inspirée. Dans le noir ses paupières fermées semblaient s’écrire les mots égrenés en douceur. Ses sourcils se froncèrent un instant, alors qu’une idée se faufilait entre les autres. Enfin, Isla pouvait mettre le doigt sur la muse qui se cachait derrière les vers ? Elle s’était déjà demandé ce qui lui inspirait passions et tourments, s’il n’y avait que les fleurs, insensible aux affections humaines ou bien s’il se cachait quelqu’un, quelques-uns ou unes, peut-être, derrière ses poèmes. Isla se réajusta une nouvelle fois avec lenteur contre la jeune femme. Il y avait bel et bien quelqu’un, oui. Oh, elle ne l’aurait jamais soupçonné. Concentrée sur les murmures, dérivant doucement vers les ombres qui lui semblaient des plus confortables, son cœur fut saisi par l’évidente nature de l’inspiration de Fay. Bien incapable de se battre contre la torpeur, trop bien installée, calmée par les mots doucement déclamés, la secrétaire renonça à l’idée de s’indigner.

    Plongeant doucement dans un état proche du sommeil, elle ne fit que soulever lentement sa main, trop lourde, et vint trouver celle de l’enfant pour la serrer à nouveau. Isla n’avait pas envie de se retrouver seule — ou plutôt, de se laisser davantage gagnée par la solitude. Elle repoussait son horreur au lendemain et se confiait aux doux mots de Fay.

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