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Chokehold + Siuan
@ Isla R. Darcy
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ft Siuan
When we were made, It was no accident. We were tangled up like branches in flood. I come as a blade, a sacred guardian. So, you keep me sharp and test my worth in blood. You’ve got me in a chokehold. Beneath the stormy seas, above the mountain peaks, It’s all the same to me. It makes no difference. I’ve seen my days unfold, done to the impossible. (c) sleep token
When we were made, It was no accident. We were tangled up like branches in flood. I come as a blade, a sacred guardian. So, you keep me sharp and test my worth in blood. You’ve got me in a chokehold. Beneath the stormy seas, above the mountain peaks, It’s all the same to me. It makes no difference. I’ve seen my days unfold, done to the impossible. (c) sleep token
Marcher dans les rues d’Avalon, toujours en couvre-feu, et donc complètement calmes, ne lui suffisait pas. Isla était fatiguée, évidemment, ça n’était plus vraiment quelque chose de notable à ce stade de sa vie. Mais plus que fatiguée, la frustration qui s’agitait sous sa peau et qui la rendait inhabituellement nerveuse l’agaçait franchement. Elle ne supportait pas l’impatience étrange qui tapissait sa peau. Que la pauvre jeune gardienne s’en soit prise plein le visage pour ne pas l’avoir reconnue, dépassant largement le couvre-feu sans s’en soucier, ne la gênait même pas. Un autre jour, dans d’autres circonstances, Isla se serait retenue et aurait calmement corrigé la jeune femme. Ce soir — cette nuit — Isla n’était pas d’humeur à ménager qui que ce soit. Son esprit était embrouillé. Elle n’y voyait pas clair, et tant que le calme ne serait pas revenu, et bien, elle n’épargnerait pas l’ignorance.
Puisque dormir lui était impossible, puisque sa mère l’avait encore agacée plus que de raison, puisque son père avait décidé de faire la sourde oreille. Puisque maintenir la maisonnée — le domaine Darcy, lui semblait infiniment plus pénible que le reste que sa tâche d’assistante, Isla s’était décidée à retourner travailler. Qu’il fût le milieu de la nuit ne changeait pas grand-chose à cet état de fait. Son bureau était le dernier endroit calme, lui semblait-il, sur cette île.
La rêveresse avait hésité un instant à aller toquer chez Fay qui entretenait, comme elle, des cycles horaires peu réguliers. Peu de règles s’appliquaient à l’intendante. Mais, elle le savait, il était probable que la jeune femme fut accompagnée. Même si leur dernière discussion avait permis de rendre les choses un peu plus claires entre elles, Isla n’était pas sûre de vouloir croiser l’ébéniste dans la petite maison de l’herboriste. Elle préférait quand les choses se passaient loin d’elles. Fay lui avait demandé d’essayer d’être heureuse pour elle, et si c’était quelque chose sur laquelle elle travaillait, la prophétesse n’était pas encore tout à fait prête. Si elle s’efforçait de ne plus se mettre la tête dans le sable, et bien, cela ne voulait pas dire retrouver son enfant en petite tenue aux côtés de sa cousine non plus.
Par la suite, elle avait envisagé retrouver Alba. Mais elle gardait en tête leur nuit partagée avec une frayeur qui ne manquait pas de soulever des frissons le long de son corps. Non, décidément, risquer d’à nouveau partager le lit de sa vieille amie n’était pas une option. Isla se sentait particulièrement remontée mais fragile, comme sujette plus facilement à prendre des mauvaises décisions. S’il y avait bien quelque chose dont l’île avait besoin, c’était de quelqu’un capable de réfléchir. Isla avait besoin, pour elle-même également, de prendre des bonnes décisions.
Le bureau, alors.
Il n’y avait pas un endroit plus neutre, plus stabilisant que le Capitole, dans lequel ses pas résonnaient à peine. Isla faisait des efforts pour être silencieuse, ne voulait pas perturber l’atmosphère par son passage, se complaisait dans le silence noble du cœur de l’île.
Alors qu’elle montait les étages avec habitudes, ne regardant plus le chemin parcouru, son agenda calé à sa poitrine, accolé à quelques dossiers, la prophétesse s’interrompit arrivée à un étage. La main accrochée à la rambarde, ses sens s’affinèrent, immobilisée dans son pas. La trace d’un Chaos familier la fit sourire doucement. Son visage ne répondait même plus à un besoin de stoïcisme, et elle passa par réflexe ses doigts sur ses lèvres comme pour en défaire l’expression.
La prophétesse fut surprise par sa propre hésitation. Elle avait pourtant décidé de rejoindre son bureau mais contemplait l’idée de rejoindre Siuan. La raison lui échappait. Certainement, l’arrivée de la Spymaster déroutée par l’alcool avait fait son travail dans leur relation. Mais en étaient-elles vraiment là ? À se tenir compagnie la nuit ? Isla émit un son entre ses dents, désapprobateur de sa propre pensée. Mais plutôt que d’avancer en direction de son bureau, ses pas l’amenèrent vers celui de Siuan.
La porte était entrouverte et Isla, silencieuse comme un chat, se posta dans l’encadrement de la porte en attendant que l’espionne releva la tête comme à son habitude. Celle-ci semblait elle-même dotée du troisième œil lorsqu’il s’agissait de l’assistante et remarquait toujours son arrivée. Cette fois, et Isla ne sut si c’était le son de la plume sur le papier ou ses propres pensées, mais la Spymaster ne réagit pas. La prophétesse fronça les sourcils et décida de s’annoncer.
« Siuan. »
Un long silence lui répondit. Ses yeux parcoururent l’espace, l’affreux oiseau endormi. Le gramophone roulait sur un disque terminé.
La prophétesse songea un instant à faire demi-tour. Et puis une autre idée perça son esprit et elle ne sut quelle impulsion la poussa à s’avancer doucement vers le bureau de… comment la qualifier désormais ? Vieille amie, ennemie, amante, collègue, supérieure ? Isla avait l’impression d’avoir vécu de nombreuses vies avec Siuan. Son manque de mépris pour sa propre pensée outragea la partie rationnelle de son cerveau.
« You missed something, dear. » Isla se surprit elle-même de son geste. Celle qui détestait les grands bruits venait de claquer ses dossiers contre le bureau en bois massif et de poser son doigt manucuré près du papier gratté. La prophétesse ne pouvait évidemment rien lire de ce qui était écrit.
Un mince sourire étira malgré elle ses lèvres alors que le visage de Siuan fut tour à tour tiraillé par la peur, le choc, puis l’agacement. Elle maudissait son incapacité à garder le contrôle sur ses traits alors qu’elle croisa ses bras sous sa poitrine. Mais la satisfaction de surprendre Siuan fut vive et sembla apaiser son insatisfaction. Il était si rare de le faire, après tout. Et peut-être l’espionne lui en voudrait.
« Sorry. » Les surprises allaient en s’accumulant, alors qu’elle se trouvait pour une fois parfaitement malhonnête et ne se sentait désolée que de moitié pour sa malice. « But I’ve called you. Ignoring me, were you ? »
Puisque dormir lui était impossible, puisque sa mère l’avait encore agacée plus que de raison, puisque son père avait décidé de faire la sourde oreille. Puisque maintenir la maisonnée — le domaine Darcy, lui semblait infiniment plus pénible que le reste que sa tâche d’assistante, Isla s’était décidée à retourner travailler. Qu’il fût le milieu de la nuit ne changeait pas grand-chose à cet état de fait. Son bureau était le dernier endroit calme, lui semblait-il, sur cette île.
La rêveresse avait hésité un instant à aller toquer chez Fay qui entretenait, comme elle, des cycles horaires peu réguliers. Peu de règles s’appliquaient à l’intendante. Mais, elle le savait, il était probable que la jeune femme fut accompagnée. Même si leur dernière discussion avait permis de rendre les choses un peu plus claires entre elles, Isla n’était pas sûre de vouloir croiser l’ébéniste dans la petite maison de l’herboriste. Elle préférait quand les choses se passaient loin d’elles. Fay lui avait demandé d’essayer d’être heureuse pour elle, et si c’était quelque chose sur laquelle elle travaillait, la prophétesse n’était pas encore tout à fait prête. Si elle s’efforçait de ne plus se mettre la tête dans le sable, et bien, cela ne voulait pas dire retrouver son enfant en petite tenue aux côtés de sa cousine non plus.
Par la suite, elle avait envisagé retrouver Alba. Mais elle gardait en tête leur nuit partagée avec une frayeur qui ne manquait pas de soulever des frissons le long de son corps. Non, décidément, risquer d’à nouveau partager le lit de sa vieille amie n’était pas une option. Isla se sentait particulièrement remontée mais fragile, comme sujette plus facilement à prendre des mauvaises décisions. S’il y avait bien quelque chose dont l’île avait besoin, c’était de quelqu’un capable de réfléchir. Isla avait besoin, pour elle-même également, de prendre des bonnes décisions.
Le bureau, alors.
Il n’y avait pas un endroit plus neutre, plus stabilisant que le Capitole, dans lequel ses pas résonnaient à peine. Isla faisait des efforts pour être silencieuse, ne voulait pas perturber l’atmosphère par son passage, se complaisait dans le silence noble du cœur de l’île.
Alors qu’elle montait les étages avec habitudes, ne regardant plus le chemin parcouru, son agenda calé à sa poitrine, accolé à quelques dossiers, la prophétesse s’interrompit arrivée à un étage. La main accrochée à la rambarde, ses sens s’affinèrent, immobilisée dans son pas. La trace d’un Chaos familier la fit sourire doucement. Son visage ne répondait même plus à un besoin de stoïcisme, et elle passa par réflexe ses doigts sur ses lèvres comme pour en défaire l’expression.
La prophétesse fut surprise par sa propre hésitation. Elle avait pourtant décidé de rejoindre son bureau mais contemplait l’idée de rejoindre Siuan. La raison lui échappait. Certainement, l’arrivée de la Spymaster déroutée par l’alcool avait fait son travail dans leur relation. Mais en étaient-elles vraiment là ? À se tenir compagnie la nuit ? Isla émit un son entre ses dents, désapprobateur de sa propre pensée. Mais plutôt que d’avancer en direction de son bureau, ses pas l’amenèrent vers celui de Siuan.
La porte était entrouverte et Isla, silencieuse comme un chat, se posta dans l’encadrement de la porte en attendant que l’espionne releva la tête comme à son habitude. Celle-ci semblait elle-même dotée du troisième œil lorsqu’il s’agissait de l’assistante et remarquait toujours son arrivée. Cette fois, et Isla ne sut si c’était le son de la plume sur le papier ou ses propres pensées, mais la Spymaster ne réagit pas. La prophétesse fronça les sourcils et décida de s’annoncer.
« Siuan. »
Un long silence lui répondit. Ses yeux parcoururent l’espace, l’affreux oiseau endormi. Le gramophone roulait sur un disque terminé.
La prophétesse songea un instant à faire demi-tour. Et puis une autre idée perça son esprit et elle ne sut quelle impulsion la poussa à s’avancer doucement vers le bureau de… comment la qualifier désormais ? Vieille amie, ennemie, amante, collègue, supérieure ? Isla avait l’impression d’avoir vécu de nombreuses vies avec Siuan. Son manque de mépris pour sa propre pensée outragea la partie rationnelle de son cerveau.
« You missed something, dear. » Isla se surprit elle-même de son geste. Celle qui détestait les grands bruits venait de claquer ses dossiers contre le bureau en bois massif et de poser son doigt manucuré près du papier gratté. La prophétesse ne pouvait évidemment rien lire de ce qui était écrit.
Un mince sourire étira malgré elle ses lèvres alors que le visage de Siuan fut tour à tour tiraillé par la peur, le choc, puis l’agacement. Elle maudissait son incapacité à garder le contrôle sur ses traits alors qu’elle croisa ses bras sous sa poitrine. Mais la satisfaction de surprendre Siuan fut vive et sembla apaiser son insatisfaction. Il était si rare de le faire, après tout. Et peut-être l’espionne lui en voudrait.
« Sorry. » Les surprises allaient en s’accumulant, alors qu’elle se trouvait pour une fois parfaitement malhonnête et ne se sentait désolée que de moitié pour sa malice. « But I’ve called you. Ignoring me, were you ? »
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There is no bad, there is no good, I drank every sky that I could, Made myself mythical, tried to be real, Saw the future in the face of a Daffodil
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Where were you when I was still kind? Just a water treader, waiting on the line. Just a dry gin drinker ; master and a hound turned a circus swinger. Look, he's coming down... + Gregory Alan Isakov
L’idée de se cacher au Capitole lui était venue sans la moindre difficulté. Une partie du bâtiment était vide, elle le savait parfaitement, et utiliser un peu de Chaos pour faire en sorte qu’elle le restât, ça n’était pas bien difficile. L’art des illusions n’était pas celui dans lequel Siuan était la plus douée, mais elle restait compétente, assez en tous les cas pour supprimer une porte, et étouffer au maximum son Chaos. La décision d’arranger une pièce autrement vide comme bureau de fortune lui était venue des années auparavant, mais elle ne l’avait que rarement utilisé. Aujourd’hui, elle y était tristement obligée. La Suprême continuait de lui interdire l’accès à l’Œil, pour des raisons aussi stupides que ‘tu as été gravement blessée’ et ‘profites-en pour te reposer’, comme si tout n’était pas en train d’imploser à Avalon, comme s’ils n’avaient pas laissé entrer un prédateur sur leurs terres ; comme s’il n’y avait pas trois personnes qui avaient disparu lors de son arrivée sur l’île. Filippa mettait des œillères, et Siuan ne pouvait comprendre son comportement. Mettre la tête dans le sable n’allait nullement les sortir de l’impasse dans laquelle ils s’enfonçaient, jour après jour, avec l’absence totale de décision de leur gouvernante. Siuan voulait la secouer, n’importe quoi ; pour qu’enfin elle réagît, qu’elle prît un parti, aussi mauvais fût-il.
Alors, elle n’avait aucune culpabilité à s’être glissée dans le Capitole pour y travailler, car si Filippa comptait ignorer la chute de dominos qui s’accélérait, ça n’était pas le cas de la Spymaster. Si ça lui évitait d’être chez elle, à souffrir l’absence – si ça n’était physique, a minima mentale – de sa femme, et bien c’était un bonus. Le fait que la Suprême pût avoir raison, principalement dans son injonction de repos, n’importait pas. Siuan était persuadée qu’elle pouvait faire son travail en dormant, et ce soir-là, c’était à peu près le cas. Elle était assez fatiguée pour avoir oublié de tisser son illusion après avoir passé la porte du bureau de fortune, assez fatiguée pour ne pas avoir remarqué que trois bougies sur quatre s’étaient éteintes, et surtout, assez fatiguée pour ne pas remarquer Isla dans l’encadrement de la porte. Ses yeux étaient plongés sur la feuille qu’elle griffonnait vaillamment avec sa plume – car il était difficile de parler de calligraphie – distinguant à peine les mots qui se dessinaient lettres après lettres. A vrai dire, plus qu’inattentive, elle dormait les yeux ouverts. Sa main bougeait encore par réflexe, mais les phrases n’avaient plus de sens, et elle ne les voyait pas, pas plus qu’elle n’entendait Isla s’avancer dans le bureau. Ce ne fut que les dossiers, heurtant violemment le bois, qui la firent sursauter et le choc fut tel qu’elle cassa la plume de son stylo sur le papier.
Relevant des yeux encore flous sur la silhouette, elle mit une seconde embarrassante à reconnaître Isla, et après la surprise, ce fut une pointe d’agacement qu’elle ne put dissimuler. Tout aussi rapidement, cette dernière fut remplacée par une profonde fatigue, et le corps qui s’était tendu à l’intrusion s’effondra presque dans la chaise. La réflexion de la prophétesse lui arracha un profond soupir, et elle passa une main sur son visage, avant de poser ses yeux sur la feuille inintelligible et tachée d’encre. Elle fut tentée d’y mettre le feu mais elle se contenta de relever le regard vers Isla, haussant un sourcil. « Sorry ? Am I dreaming ? What’s next, are you going to proposition me ? » Lâcha-t-elle avec un mélange d’amusement et de méfiance, car la possibilité qu’elle fût en train de rêver n’était pas si incongrue que cela. A vrai dire, ça n’aurait pas été la première fois qu’elle rêvait d’Isla. La seconde question de la prophétesse la fit soupirer à nouveau, et elle agita une main distraite vers son ‘travail’. « Well, since it’s the witching hour, and all, for the sake of our new-found honesty … I think I was asleep. » Confessa-t-elle finalement avec les sourcils froncés, autant perturbée par l’affirmation que par le fait qu’elle l’eût soufflé à Isla. « I think I’m delirious, that would explain it. » Continua-t-elle sur un ton distrait, plus pour elle-même qu’Isla, dont la présence n’était pas entièrement enregistrée par la Spymaster. Après un long silence, Siuan fixa soudainement la seconde de la Suprême. « What are you doing here ? How did you find me ? »
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Isla ne retint pas le claquement de langue contre son palais alors que Siuan réagit à sa trompeuse excuse. La Spymaster semblait épuisée et ne cachait pas d’ailleurs derrière une panoplie d’attitudes insolentes ou d’illusions inutiles. La prophétesse savait de toute façon lire l’héritière avec une acuité certainement déplaisante pour cette dernière.
« Only in your dreams. »
Les traits d’humour, peu caractéristiques, étonnaient Isla. Le ton plat, un mince sourire posé sur les lèvres, la prophétesse se laissa retomber dans un fauteuil conjuré. Elle délassa sa posture habituellement rigide, imitant sans le vouloir l’indolence de la Spymaster. Le masque tombé, un peu trop naturellement peut-être, après des années à se toiser. À dire vrai, à part sa belle-sœur, la présence de Siuan était l’une des plus confortables. Malgré leurs célèbres querelles, Isla avait toujours eu le loisir de compter sur le caractère tempétueux et pénible de la blonde qui lui faisait face.
La rêveresse fredonna pensivement en réponse à l’aveu de la Damodred. Elle déposa son menton dans le creux de sa paume, observant avec insistance la silhouette épuisée, comme elle avait l’habitude de le faire. Isla avait l’habitude de scruter, tant et si bien qu’elle en avait oublié depuis longtemps ce que la lourdeur de son regard pouvait provoquer. De la gêne ou du malaise, elle s’en fichait complètement.
« You’re not delirious. But you look awful. » À cela et au possible outrage de la Spymaster, Isla haussa les épaules pour se dédouaner. « For the sake of our new-found honesty. » Son mince sourire s’étira davantage dans une étrange demonstration de caractère. La prophétesse relâcha un instant son examen pour jeter un œil au bureau de fortune, en quête, peut-être d’un remontant qui l’aiderait à passer la nuit. Sans nul doute que l’espionne saurait lui offrir cela si les manières lui revenaient. Ses yeux revinrent détailler la Spymaster, alors qu’elle se complaisait dans le silence. Ses journées et ses nuits étaient trop bruyantes, Isla entendait encore en écho les plaintes de sa mère, celles des conseillers qui défilaient dans son bureau — rien qu’un peu de calme ne lui déplaisait pas. Et si Siuan se rendormait, et bien, elle prendrait cela comme le signe pour effectivement aller travailler ; ce qu’elle était venue faire initialement. Mais Siuan reprit la parole après lui avoir rendu, enfin, un regard plus vif et franc.
« Hm. » Les doigts libres de la prophétesse glissaient sur le dessus de son genoux couvert d’un tissu foncé, les jambes croisées. L’agitation qui la maintenait éveillée était visible par ces simples gestes. Elle haussa à nouveau une épaule. « I wanted to work where it’s quiet. Can’t sleep and can’t seem to find a place to be at peace. And my mother is being an idiot again. Can’t stand her yapping. » Isla laissa le mépris tordre la fin de sa phrase, les sourcils relevés par contrariété, ses doigts glissant un instant contre sa tempe avant de se replacer sur sa joue. Il y avait quelque chose d’étrange, et de comique, presque, à ce que la prophétesse se plaigne de sa parente auprès de Siuan. La situation la renvoyait à leurs échanges vingt, trente ans plus tôt. « I’ve almost threw her out of what is my house now. » La prophétesse se livrait de sa manière habituelle, impassible, mais son regard trahissait probablement la contrariété qu’elle ressentait à l’égard de sa situation et de sa mère. « Felt your chaos. » Isla contrecarra l’irritation par un nouveau sourire fin mais pénible. « I’m not surprised to find you’ve been hiding another place to work. You really should rest. And maybe I should tell Filippa. »
« Only in your dreams. »
Les traits d’humour, peu caractéristiques, étonnaient Isla. Le ton plat, un mince sourire posé sur les lèvres, la prophétesse se laissa retomber dans un fauteuil conjuré. Elle délassa sa posture habituellement rigide, imitant sans le vouloir l’indolence de la Spymaster. Le masque tombé, un peu trop naturellement peut-être, après des années à se toiser. À dire vrai, à part sa belle-sœur, la présence de Siuan était l’une des plus confortables. Malgré leurs célèbres querelles, Isla avait toujours eu le loisir de compter sur le caractère tempétueux et pénible de la blonde qui lui faisait face.
La rêveresse fredonna pensivement en réponse à l’aveu de la Damodred. Elle déposa son menton dans le creux de sa paume, observant avec insistance la silhouette épuisée, comme elle avait l’habitude de le faire. Isla avait l’habitude de scruter, tant et si bien qu’elle en avait oublié depuis longtemps ce que la lourdeur de son regard pouvait provoquer. De la gêne ou du malaise, elle s’en fichait complètement.
« You’re not delirious. But you look awful. » À cela et au possible outrage de la Spymaster, Isla haussa les épaules pour se dédouaner. « For the sake of our new-found honesty. » Son mince sourire s’étira davantage dans une étrange demonstration de caractère. La prophétesse relâcha un instant son examen pour jeter un œil au bureau de fortune, en quête, peut-être d’un remontant qui l’aiderait à passer la nuit. Sans nul doute que l’espionne saurait lui offrir cela si les manières lui revenaient. Ses yeux revinrent détailler la Spymaster, alors qu’elle se complaisait dans le silence. Ses journées et ses nuits étaient trop bruyantes, Isla entendait encore en écho les plaintes de sa mère, celles des conseillers qui défilaient dans son bureau — rien qu’un peu de calme ne lui déplaisait pas. Et si Siuan se rendormait, et bien, elle prendrait cela comme le signe pour effectivement aller travailler ; ce qu’elle était venue faire initialement. Mais Siuan reprit la parole après lui avoir rendu, enfin, un regard plus vif et franc.
« Hm. » Les doigts libres de la prophétesse glissaient sur le dessus de son genoux couvert d’un tissu foncé, les jambes croisées. L’agitation qui la maintenait éveillée était visible par ces simples gestes. Elle haussa à nouveau une épaule. « I wanted to work where it’s quiet. Can’t sleep and can’t seem to find a place to be at peace. And my mother is being an idiot again. Can’t stand her yapping. » Isla laissa le mépris tordre la fin de sa phrase, les sourcils relevés par contrariété, ses doigts glissant un instant contre sa tempe avant de se replacer sur sa joue. Il y avait quelque chose d’étrange, et de comique, presque, à ce que la prophétesse se plaigne de sa parente auprès de Siuan. La situation la renvoyait à leurs échanges vingt, trente ans plus tôt. « I’ve almost threw her out of what is my house now. » La prophétesse se livrait de sa manière habituelle, impassible, mais son regard trahissait probablement la contrariété qu’elle ressentait à l’égard de sa situation et de sa mère. « Felt your chaos. » Isla contrecarra l’irritation par un nouveau sourire fin mais pénible. « I’m not surprised to find you’ve been hiding another place to work. You really should rest. And maybe I should tell Filippa. »
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Le snort qui lui échappa à la réplique d’Isla n’avait rien de digne, mais elle était beaucoup trop fatiguée pour s’en préoccuper. Elle secoua légèrement la tête, elle-même surprise par l’élan d’humour de sa vis-à-vis, mais elle en était ravie. Un sourire flotta sur ses lèvres. « I don’t think I’ve had that kind of dream in a long time. Dreams imply sleeping … » Commenta-t-elle distraitement, à peine consciente qu’elle avait parlé. Elle s’enfonça un peu plus profondément dans son fauteuil, et resta malgré tout inconfortablement installée. Il était évident que trouver la chaise la plus désagréable du capitole pour éviter de s’endormir n’avait pas été efficace, et maintenant son dos regrettait sa décision. L’ouverture avait cependant permis à Isla de se glisser sur son bureau, et Siuan l’observa avec une surprise évidente. Isla ne s’installait pas sur les meubles, et encore moins dans un rayon de moins d’un mètre avec son interlocuteur. Pour autant elle ne dit rien, levant le regard pour pouvoir la regarder dans les yeux. La prophétesse la regardait elle-aussi, ses yeux aussi intenses qu’à son habitude, et Siuan trouva que ça ne la dérangeait plus. L’honnêteté d’Isla, aussi factuelle et presque détachée si ce n’était pour le sourire qui s’agrandissait, fit rire Siuan. L’éclat accentua son mal de crâne et elle pressa ses doigts contre sa tempe, grimaçant légèrement.
« How nice of you. I should invite you around more often, you’re doing wonders for my ego …. Oh, wait. » Conclut-elle avec un regard appuyé, levant légèrement un sourcil accusateur. Isla se détourna mais ne perdit pas son sourire, observant son bureau à la recherche de quelque chose. Siuan ne demanda pas, persuadée que la prophétesse ne manquerait pas de lui en faire part à un moment donné. Elle s’enfonça plutôt dans sa chaise, aussi confortablement que possible, c’est-à-dire à peine. Isla se retourna vers elle, et son mouvement attira l’œil de Siuan, sans le vouloir. Pour sa défense, les cuisses de la prophétesse était à hauteur d’œil, et elle était fatiguée. Elle resta quelques instants à fixer ses genoux, ces doigts qui s’y agitaient, et l’envie de placer une main sur la sienne lui prit les tripes. Par chance, Isla reprit la parole avant qu’elle ne cédât à l’impulsion soudaine. Elle remonta ses yeux vers le visage de la prophétesse, l’explication donnée à sa présence lui arrachant un sourire qu’elle ne pouvait cacher. La nuit était pleine de surprises : s’endormir à son bureau et se réveiller en présence d’Isla, pour la première, et la secrétaire d’une humeur étrangement agréable, pour la seconde, qui commençait à radoter, pour la troisième. Comme si les trente ans passés à se détester avaient été effacés par une nuit d’ivresse et de confessions au bord de l’eau. L’idée ne déplaisait pas à Siuan.
« I guess it’s fair to say your mother has not changed. » Siuan nota avec une pointe d’amusement majoritairement étouffé, car il était clair que la situation induisait un stress notable à la prophétesse. La mort de Rhiannon n’était pas ancienne, et un imbécile aurait pu voir qu’Isla n’en était pas remise, et ne le serait pas avant un moment. « I’d make her disappear for you, if you make it worth my while. » Siuan lâcha avec un sourire taquin, reproduisant la posture de la prophétesse pour appuyer sa propre tête contre la paume de sa main. Isla continua, ses expressions faciales plus légères, et la Spymaster ne savait qu’en penser. A la voir, elle aurait presque pu croire qu’Isla avait été contente de la trouver ici. Pour autant, la suite de ses paroles lui fit froncer les sourcils. « Pot, meet kettle. » Lui dit-elle avec un ton impassible, mais une lueur brillait malgré tout dans son regard. « You almost sound worried for me. » Continua-t-elle avec un sourire, bien décidée à détourner le sujet. Elle se leva finalement de sa chaise, et se retrouvant soudainement beaucoup trop proche de la prophétesse, le regretta aussi sec. « Care for a drink? I’ve got whiskey somewhere. » Dit-elle distraitement, se détournant rapidement de la prophétesse pour fouiller dans les tiroirs du bureau de fortune. Rien à droite … Elle se redressa, fixant Isla avec un sourcil haussé. « While I don’t mind your newly found passion for sitting on desks … » C’était un mensonge, car cette déviation de la route était extrêmement déroutante. « I think it’s behind your legs. »
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When we were made, It was no accident. We were tangled up like branches in flood. I come as a blade, a sacred guardian. So you keep me sharp and test my worth in blood. You’ve got me in a chokehold. Beneath the stormy seas, above the mountain peaks, It’s all the same to me. It makes no difference. I’ve seen my days unfold, done to the impossible. (c) sleep token
La prophétesse laissa échapper un fredonnement pour réponse à la juste intuition de Siuan. Non, sa mère n’avait pas changé — au contraire, les années passant, l’humeur de Margaret empirait. La mort de Rhiannon, plutôt que de l’adoucir, semblait l’avoir rendue plus amères encore. Sans nul doute, que l’héritage des Darcy lui échappe d’entre les mains étaient une source de frustration difficile à ignorer. Tout de même, Isla détestait à quel point sa mère manquait de grâce dans le traitement de son amertume.
Son sourire s’appuya davantage à la suite des paroles de l’espionne et Isla secoua la tête. La pauvre femme mourrait dans le regret et l’envie — elle pensait que le châtiment était suffisant. Bien plus que l’idée elle-même, la proposition de Siuan l’amusait.
La discussion était facile, tranquille. Isla s’en étonnait sans détester la sensation. Sa haine, sa précieuse colère, qui l’avait animée toutes ces années au contact de l’espionne, était-elle factice ? Siuan n’était-elle pas, par essence, une créature pénible et insolente qui lui tapait sur les nerfs ? Isla pondérait l’instant, les doigts tapotant sur son genou avec régularité comme pour rythmer le flot incessant de pensées. Il ne lui semblait pas nécessaire de s’appesantir, pour l’instant, sur le pourquoi du comment quand il était évident que cette distraction était bienvenue. La rêveresse était venue travailler, ne rêvait qu’en fait d’un peu de calme. S’il fallait accepter que celui-ci se trouvât auprès de Siuan, et bien. Déroutant, certes, mais son cupide besoin dominait sa raison.
« Tsk. Maybe you’re delirious after all. » Isla souleva une épaule, pour appuyer sa réponse, et se redressa, déposant finalement ses mains sur le rebord du bureau, étirant sa colonne au passage. Siuan se redressa également, se trouvant finalement dans son espace vital avec une proximité qu’elle n’attendait pas. Elle ne s’en retrouva pas perturbée, et décida de mettre cette étrangeté sur le compte de la redéfinition de leur relation. Après tout, aucune des deux ne marchait en terrain conquis. Isla observait la silhouette de l’espionne sans vraiment se concentrer sur ce qu’elle disait, canalisant ses pensées sur la situation même plus que le reste.
« What? »
Ses yeux retrouvèrent finalement ceux de Siuan, qui la fixait, un air perplexe collé sur le visage. Les informations semblèrent lui parvenir à rebours.
« Oh, yes. » La prophétesse se releva et s’écarta du chemin de Siuan, inspirée par l’idée de reprendre le contrôle sur son fil de pensée en déroute. « A whiskey would be good, indeed. » La Darcy s’était décalée sur le côté du bureau, ses doigts retrouvant leur place habituelle : croisés, contre son ventre, dans une attitude beaucoup moins délassée. « I mean, it won’t solve any of my problems but for now, it will do. » De nouveau, son regard trainait sur l’environnement sommaire avant de retomber sur la Spymaster, puis sur les deux verres posés sur le bureau, en train d’être remplis. Le silence lui paraissait étrangement inconfortable désormais, quand quelques minutes plus tôt, elle s’y serait laissée aller sans se poser de questions. Si tôt le verre servi que la prophétesse s’en saisit, l’attrapant des mains de Siuan sans se décaler de sa place. Elle entendait sa grand-mère, dans un coin de sa tête, lui reprocher son manque de patience et de finesse. Elle tâcha d’ignorer la voix rauque et porta le liquide à ses lèvres sans manquer d’avoir soulevé le verre en direction de Siuan au préalable. Elle décala une hanche pour s’appuyer contre le rebord et poussa finalement un soupir, le verre désormais calé contre sa joue.
« I think I’ll go scream at the sea later. » Ses yeux fixaient le mur dénué d’ornements. Elle s’entendit parler sans vraiment comprendre la raison de ses aveux idiots, adolescents, de frustration.
Son sourire s’appuya davantage à la suite des paroles de l’espionne et Isla secoua la tête. La pauvre femme mourrait dans le regret et l’envie — elle pensait que le châtiment était suffisant. Bien plus que l’idée elle-même, la proposition de Siuan l’amusait.
La discussion était facile, tranquille. Isla s’en étonnait sans détester la sensation. Sa haine, sa précieuse colère, qui l’avait animée toutes ces années au contact de l’espionne, était-elle factice ? Siuan n’était-elle pas, par essence, une créature pénible et insolente qui lui tapait sur les nerfs ? Isla pondérait l’instant, les doigts tapotant sur son genou avec régularité comme pour rythmer le flot incessant de pensées. Il ne lui semblait pas nécessaire de s’appesantir, pour l’instant, sur le pourquoi du comment quand il était évident que cette distraction était bienvenue. La rêveresse était venue travailler, ne rêvait qu’en fait d’un peu de calme. S’il fallait accepter que celui-ci se trouvât auprès de Siuan, et bien. Déroutant, certes, mais son cupide besoin dominait sa raison.
« Tsk. Maybe you’re delirious after all. » Isla souleva une épaule, pour appuyer sa réponse, et se redressa, déposant finalement ses mains sur le rebord du bureau, étirant sa colonne au passage. Siuan se redressa également, se trouvant finalement dans son espace vital avec une proximité qu’elle n’attendait pas. Elle ne s’en retrouva pas perturbée, et décida de mettre cette étrangeté sur le compte de la redéfinition de leur relation. Après tout, aucune des deux ne marchait en terrain conquis. Isla observait la silhouette de l’espionne sans vraiment se concentrer sur ce qu’elle disait, canalisant ses pensées sur la situation même plus que le reste.
« What? »
Ses yeux retrouvèrent finalement ceux de Siuan, qui la fixait, un air perplexe collé sur le visage. Les informations semblèrent lui parvenir à rebours.
« Oh, yes. » La prophétesse se releva et s’écarta du chemin de Siuan, inspirée par l’idée de reprendre le contrôle sur son fil de pensée en déroute. « A whiskey would be good, indeed. » La Darcy s’était décalée sur le côté du bureau, ses doigts retrouvant leur place habituelle : croisés, contre son ventre, dans une attitude beaucoup moins délassée. « I mean, it won’t solve any of my problems but for now, it will do. » De nouveau, son regard trainait sur l’environnement sommaire avant de retomber sur la Spymaster, puis sur les deux verres posés sur le bureau, en train d’être remplis. Le silence lui paraissait étrangement inconfortable désormais, quand quelques minutes plus tôt, elle s’y serait laissée aller sans se poser de questions. Si tôt le verre servi que la prophétesse s’en saisit, l’attrapant des mains de Siuan sans se décaler de sa place. Elle entendait sa grand-mère, dans un coin de sa tête, lui reprocher son manque de patience et de finesse. Elle tâcha d’ignorer la voix rauque et porta le liquide à ses lèvres sans manquer d’avoir soulevé le verre en direction de Siuan au préalable. Elle décala une hanche pour s’appuyer contre le rebord et poussa finalement un soupir, le verre désormais calé contre sa joue.
« I think I’ll go scream at the sea later. » Ses yeux fixaient le mur dénué d’ornements. Elle s’entendit parler sans vraiment comprendre la raison de ses aveux idiots, adolescents, de frustration.
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Siuan & Isla
Where were you when I was still kind? Just a water treader, waiting on the line. Just a dry gin drinker ; master and a hound turned a circus swinger. Look, he's coming down... + Gregory Alan Isakov
Si elle ne rit pas, l’amusement était pourtant clair dans ses yeux. Isla agissait d’une façon toute particulière, et Siuan ne savait pas comment l’interpréter, mais la détente soudaine de la secrétaire ne lui déplaisait pas. Elle aurait pu jurer que la Darcy était ivre, mais son regard était clair, et il n’y avait peut-être que la fatigue qui pût expliquer son comportement. Cela les changeait des rages silencieuses, des confessions tremblantes et du sang, c’était certain, et cette nouvelle dynamique, certes surprenante, n’était pas désagréable. Si Siuan était honnête avec elle-même, elle pouvait admettre que ce retournement de situation n’était pas si étonnant que cela. Le dédain qu’elle avait un jour ressentir pour la prophétesse était né d’une vulnérabilité très marquée, et il s’était accentué à cause de l’entêtement de Siuan, plus que du comportement d’Isla. Mais si Siuan n’avait pas de mal à admettre ses torts à elle-même, le faire à voix haute était une toute autre histoire. La petite conversation qu’elles avaient eue au bord de la piscine était suffisante, pensait-elle, et elle s’était montrée assez vulnérable pour les trente prochaines décennies, au moins. Elle était prête à embrasser ce changement sans se poser de questions, et pouvait même avouer qu’elle préférait cette relation à leur ère glacière passée.
Pour autant, l’apparente nonchalance de la prophétesse était parfaitement inhabituelle, et peut-être même un peu inquiétante. Semblant revenir à elle, et raccrocher quelques wagons, Isla se leva soudainement du bureau, prenant sa pose habituelle à quelques pas de là. Siuan l’observa une seconde avant de se reconcentrer sur sa tâche, sortant du petit placard une bouteille de whisky à peine entamée ainsi que deux verres, qu’elle déposa sur le bureau. Elle les remplit sans attendre, un peu plus que de rigueur, et attrapa l’un des verres pour le tendre à la prophétesse. « Yeah ? What problems are those ? » Demanda-t-elle curieusement, alors qu’Isla lui attrapait le verre directement dans la main. Son empressement lui fit arquer un sourcil mais elle ne commenta pas, attrapant son propre verre et le levant en retour en direction de la secrétaire. « Cheers. » Murmura-t-elle alors qu’Isla commençait déjà à boire, toujours aussi sceptique. Peut-être l’alcool n’était-il pas une bonne idée, mais elles pourraient en juger dans quelques temps. Siuan n’attendit pas plus pour prendre une fine gorgée de son verre, savourant la brûlure du liquide dans sa gorge. Toute douleur qui la distrayait de la migraine était bonne à prendre.
La soudaine confession d’Isla attira l’attention de Siuan, et elle ne put retenir un sourire devant l’apparente frustration, si ouvertement affichée. « I’d rather you didn’t, if I’m honest. » Lui répondit-elle, clairement amusée. « You don’t want to have the selkies questioning your sanity. Plus, I thought that was my thing. » Elle sourit un peu plus, reprenant une gorgée de son whisky. Elle observait Isla avec attention, et finit par froncer légèrement les sourcils. « All right, spill. Why are you here ? A month ago you wouldn’t have been caught dead with me, and now you’re seeking me out. » Siuan retrouva un sourire, un peu plus taquin. « I know I have an addicting personality, and don’t get me wrong, I’d rather we drink together than try to strangle each other … But ... » Elle laissa planer le silence un instant, sa main effectuant un geste vague en direction d’Isla, le whisky bougeant lascivement à l’intérieur du verre. « What have you done ? What’s keeping you up ? »
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When we were made, It was no accident. We were tangled up like branches in flood. I come as a blade, a sacred guardian. So you keep me sharp and test my worth in blood. You’ve got me in a chokehold. Beneath the stormy seas, above the mountain peaks, It’s all the same to me. It makes no difference. I’ve seen my days unfold, done to the impossible. (c) sleep token
When we were made, It was no accident. We were tangled up like branches in flood. I come as a blade, a sacred guardian. So you keep me sharp and test my worth in blood. You’ve got me in a chokehold. Beneath the stormy seas, above the mountain peaks, It’s all the same to me. It makes no difference. I’ve seen my days unfold, done to the impossible. (c) sleep token
La prophétesse ravala un sourire à la mention des selkies et au trait d’humour de Siuan en prenant une première gorgée d’alcool. Elle haussa une épaule pour seule réponse, le regard de l’espionne fixé sur elle. Ce qu’elle détestait quelques semaines plus tôt ne la dérangeait plus maintenant. Isla ne préférait pas se questionner sur le pourquoi du comment, c’était bien ce dont elle avait besoin en cette soirée et elle était trop fatiguée pour jouer les têtues et se refuser le luxe d’être entendue. Après tout, malgré leurs désaccords, les deux femmes avaient au moins pour elles d’être suffisamment honnêtes et de se connaître assez pour parler un tant soit peu à corps ouvert.
Siuan reprit la parole et Isla planta son regard à nouveau dans les billes claires, soupira aux nouveaux traits d’humour, arqua un sourcil, même, perplexe par la confiance de l’espionne.
La trouvaille était bienvenue certes, et une oreille attentive qui saurait certainement la comprendre était ce dont elle avait besoin. Pour autant, se confier lui était difficile et la prophétesse se redressa à nouveau, revint glisser une cuisse pliée sur la surface en bois, prenant garde de ne toucher à rien, ne rien bouger, compromettre.
« I am not seeking you out, I found you by mere chance. Are you sure that’s the first drink you’ve had tonight? » La Darcy déposa son verre, toisa l’espionne avec une indignation factice et ne tromperait surement pas son interlocutrice. Ses doigts faisaient tourner le verre et ses yeux relâchèrent Siuan pour s’accrocher au cercle clair et au liquide troublé par ses gestes. Un nouveau soupir passa ses lèvres puis une grimace, comme si la confession à venir lui arrachait quelque chose. « But if you insist… » Dans un geste réflexe, les doigts de sa main droite vinrent entourer et torturer également le pendule ébréché de sa grand-mère. La pierre rassurante lui permettait d’entretenir son calme et son équilibre. Elle ne savait par ailleurs par quoi commencer et tout lui semblait idiot. « It is stupid. » La prophétesse finit par lâcher son verre du regard et vint le replanter dans celui, inquisiteur, de Siuan. « It’s been a while now, but I feel somewhat useless. And powerless. I have the feeling that Filippa isn’t listening to me anymore. The whole Sangreal soldier thing really stayed with me. » Admettre ce qu’elle prenait pour une faiblesse de caractère la vexait profondément. « I guess it’s my ego talking and I don’t need reassurance. But, since Rhiannon passed, I have trouble keeping it in line. And it showed. » Comme pour faire passer l’aveu qui lui coutait, Isla reprit une gorgée d’alcool. Cette fois, elle se contenta de poser le verre sur sa jambe pliée et entoura ses deux mains autour. « I did my best to get Iris suspended. I even scolded that Aes Sedai of yours… Cortès, I think. Even worse and more importantly, I lost control with Fay. » Le verre tournait entre ses doigts et la culpabilité revenait se frayer un chemin dans ses pensées. « I did to her the same thing I did to Louis. » Le murmure passa ses lèvres sans qu’elle ne le décidât, le regard perdu par-delà le verre, le bureau, Siuan elle-même. Une main se releva à nouveau pour saisir le pendule entre ses doigts.
Et comme pour se ressaisir, la prophétesse se redressa, repoussa ses épaules en arrière et secoua le visage. « Told you, it is stupid. »
Siuan reprit la parole et Isla planta son regard à nouveau dans les billes claires, soupira aux nouveaux traits d’humour, arqua un sourcil, même, perplexe par la confiance de l’espionne.
La trouvaille était bienvenue certes, et une oreille attentive qui saurait certainement la comprendre était ce dont elle avait besoin. Pour autant, se confier lui était difficile et la prophétesse se redressa à nouveau, revint glisser une cuisse pliée sur la surface en bois, prenant garde de ne toucher à rien, ne rien bouger, compromettre.
« I am not seeking you out, I found you by mere chance. Are you sure that’s the first drink you’ve had tonight? » La Darcy déposa son verre, toisa l’espionne avec une indignation factice et ne tromperait surement pas son interlocutrice. Ses doigts faisaient tourner le verre et ses yeux relâchèrent Siuan pour s’accrocher au cercle clair et au liquide troublé par ses gestes. Un nouveau soupir passa ses lèvres puis une grimace, comme si la confession à venir lui arrachait quelque chose. « But if you insist… » Dans un geste réflexe, les doigts de sa main droite vinrent entourer et torturer également le pendule ébréché de sa grand-mère. La pierre rassurante lui permettait d’entretenir son calme et son équilibre. Elle ne savait par ailleurs par quoi commencer et tout lui semblait idiot. « It is stupid. » La prophétesse finit par lâcher son verre du regard et vint le replanter dans celui, inquisiteur, de Siuan. « It’s been a while now, but I feel somewhat useless. And powerless. I have the feeling that Filippa isn’t listening to me anymore. The whole Sangreal soldier thing really stayed with me. » Admettre ce qu’elle prenait pour une faiblesse de caractère la vexait profondément. « I guess it’s my ego talking and I don’t need reassurance. But, since Rhiannon passed, I have trouble keeping it in line. And it showed. » Comme pour faire passer l’aveu qui lui coutait, Isla reprit une gorgée d’alcool. Cette fois, elle se contenta de poser le verre sur sa jambe pliée et entoura ses deux mains autour. « I did my best to get Iris suspended. I even scolded that Aes Sedai of yours… Cortès, I think. Even worse and more importantly, I lost control with Fay. » Le verre tournait entre ses doigts et la culpabilité revenait se frayer un chemin dans ses pensées. « I did to her the same thing I did to Louis. » Le murmure passa ses lèvres sans qu’elle ne le décidât, le regard perdu par-delà le verre, le bureau, Siuan elle-même. Une main se releva à nouveau pour saisir le pendule entre ses doigts.
Et comme pour se ressaisir, la prophétesse se redressa, repoussa ses épaules en arrière et secoua le visage. « Told you, it is stupid. »
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Elle n’attendit pas pour se rasseoir, ne ressentant pas le besoin de cacher sa fatigue à la secrétaire. Après tout, Isla l’avait trouvée en train de dormir assise, littéralement, et elle pouvait difficilement tomber plus bas. Isla sembla suivre son impulsion et se rassit à moitié sur son bureau, bien qu’elle fit attention à ne rien déplacer. Le détail fit sourire Siuan, qui ne pouvait cacher son appréciation. De leurs nombreux points communs, il y avait cette rigidité dans leur travail, et le fait qu’elles détestassent toutes les deux voir leur espace de travail dérangé par quelqu’un d’autre. Pour Siuan, au-delà d’une certaine rigueur, il s’agissait aussi de paranoïa, et de savoir si quelqu’un avait fouillé ses notes. Il n’y avait jamais rien de compromettant, notamment parce que le langage utilisé par les Aes Sedai n’était compris que par ces derniers, et que Siuan n’avait pas de traîtres dans ses rangs, mais elle laissait néanmoins quelques pièges çà et là, au cas où. D’aucuns lui diraient sûrement qu’elle allait trop loin, mais elle préférait prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger son travail. Elle savait qu’Isla pensait de la même façon, et c’était là un des seuls points sur lesquels elles s’entendaient auparavant.
Elle ne put retenir le snort au déni formulé par Isla, hochant la tête sans rien dire, bien que ses sentiments furent clairement observables sur son visage. Elle ne perdit pas son sourire, au contraire. « You know I’m not much of a drinker, find another excuse. » Argua-t-elle avec amusement, bien qu’elle reprit une gorgée de whisky, peut-être pour la provoquer. L’indignation d’Isla était bien trop amusante, et Siuan savait que son regard pétillait de malice. C’était étrange de se trouver dans cette situation à nouveau avec la Darcy, qui lui rappelait terriblement leurs premiers échanges, et elle se força à ne pas penser à ce qu’il s’était passé ensuite. Elle fixa Isla avec un œil attentif malgré tout, captant la nervosité des gestes et l’hésitation palpable de la prophétesse. Siuan ne savait pas quoi en penser : Isla était rarement aussi honnête avec elle, ou ouverte, à tout le moins, et elle resta donc silencieuse, de peur qu’un simple mot rappela à la secrétaire en quelle présence elle se trouvait. Elle ne cessa de la regarder, attendant qu’Isla vint à nouveau placer son regard dans le sien. Ses expressions faciales restaient aussi ouvertes que Siuan en fût capable, même si elle ne pouvait nier la curiosité qu’elle ressentait.
Finalement, lorsqu’Isla commença à parler, c’était comme si des vannes s’étaient ouvertes. Une avalanche de mots suivit, l’honnêteté de la prophétesse persistant de façon presque candide, et qui ne cessait de surprendre Siuan. La Spymaster gardait son silence, laissant la Darcy exprimer la totalité de ses maux sans donner de réaction évidente. La plus grande surprise concernait Fay, car Siuan savait peu de choses sur la fille des potionistes, hormis le fait qu’Isla l’avait accueillie comme son propre enfant, et l’aimait férocement. D’entendre Isla admettre qu’elle avait reproduit ce que Siuan imaginait être l’un de ses plus gros regrets avec son fils était presque inquiétant, et la Damodred se demandait si elle n’était finalement pas la seule à perdre totalement pied récemment. Laissant échapper un souffle pensif, elle s’interrogeait sur quel point aborder en premier. Après un silence peut-être un peu trop long, elle reprit une inspiration. « It’s not stupid. It is a lot, though. » Fit-elle remarquer avec un ton pausé, sans jugement. « I don’t think your ego is the problem, although you’re certainly not lacking in that department. » Lança-t-elle avec un sourire taquin, parce qu’elle ne pouvait pas s’en empêcher. C’était bien un autre trait qu’elles partageaient toutes les deux, et elle aurait été bien hypocrite de penser le contraire.
Siuan reprit une gorgée de whisky, laissant échapper un nouveau soupir. « It’s not an impression, Filippa isn’t listening to you, and she isn’t listening to me either. There’s someone else in her ear. » Lâcha-t-elle pensivement, comme une arrière-pensée. Elle ne pouvait rien prouver, ça n’était qu’une conviction personnelle ; mais elle n’avait trouvé aucune autre explication au comportement récent de la Suprême. « As for the wolf … Well. That cannot end well, can it? But it’s out of our hands, for now. I have my orders, and I suppose you have yours. Just don’t … don’t go near. Consider it a favor, to me, if you must. » Demanda-t-elle en relevant les yeux vers la secrétaire. C’était un cauchemar auquel elle refusait de penser, que la Sangréal eût accès à l’une des personnes les plus importantes d’Avalon. C’était déjà assez dangereux qu’Alba se retrouvât dans sa ligne de mire, Siuan n’avait nullement besoin que le loup trouvât une nouvelle cible. Inconsciemment, ou peut-être au contraire, de manière parfaitement calculée, Siuan passa outre la mention d’Iris, et de Bedelia. Rien que de penser à la Sharp Eye, la migraine pulsa douloureusement derrière son œil. Elle cacha sa grimace en terminant son verre, le reposant délicatement sur le bureau après quelques secondes. « What did Fay do ? That girl is sunshine incarnate, which I get can be frustrating considering … well; us. But it does seem very out of character for you. »
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When we were made, It was no accident. We were tangled up like branches in flood. I come as a blade, a sacred guardian. So you keep me sharp and test my worth in blood. You’ve got me in a chokehold. Beneath the stormy seas, above the mountain peaks, It’s all the same to me. It makes no difference. I’ve seen my days unfold, done to the impossible. (c) sleep token
La prophétesse retint un soupir alors que Siuan élevait enfin la voix en réponse. Les silences ne la gênaient pas, mais une part d’elle attendait un conseil de la meilleure personne placée, sur cette île, pour lui répondre au sujet de Filippa. À la place, l’espionne préféra la taquiner ; ce à quoi Isla ne répondit que d’un mouvement d’épaule désinvolte et un mince sourire. Il était inutile de rappeler à la Damodred qu’elle était coupable de la même manie, profiter du liquide ambré lui paraissait préférable.
La prophétesse reposa le verre contre ses cuisses, l’entourant de ses deux mains, les ongles peints glissant sur leurs motifs creusés. Siuan soupira à nouveau et la rêveresse revint planter son regard dans le sien. Une part d’elle fut soulagée de l’entendre dire ce qui, pourtant, devrait terriblement l’inquiéter. Mais elle s’autorisait une courte pause sur le sujet. Que Filippa n’écoutât pas ses deux conseillères était particulièrement déroutant. Mais ne pas se savoir seule dans l’équation lui enlevait une épine du pied.
La suite du discours de l’espionne ne manqua pas faire tiquer la Darcy, qui baissa les yeux une seconde comme pour sonder le contenu de son verre. La prophétesse reprit une gorgée d’alcool pour faire passer la réflexion qui lui pendait sur le bout des lèvres. Elle ne comptait pas mentir à son interlocutrice et préféra attendre que celle-ci vienne à bout de son raisonnement.
Isla haussa un sourcil par réflexe alors que Siuan mentionnait Fay, cette fois, et avec justesse. La jeune femme n’avait pas mérité la froideur de sa mère de substitution, mais celle-ci peinait toujours à se faire au couple inceste. Isla ne comprenait pas comment Fay pouvait se laisser entraîner dans quelque chose d’aussi… impur. Elle le savait, l’herboriste était étrangère d’un nombre conséquent de règles, mais elle aurait préféré que la décence du sang lui soit au moins aussi sacrée qu’à elle. La prophétesse poussa un long soupir et se redressa un instant pour redresser ses épaules. Tout ça ne valait pas de s’affaler.
La Darcy passa une de ses mains sur son visage, visiblement mal à l’aise. Elle peinait à formuler la source de ses maux avec plus de clarté. Elle décida par ailleurs d’éclairer le cas de la De Beaumenoir avant d’aborder sa petite rencontre avec la maudite louve, s’accordant un peu de répit. « She… » La rêveresse s’étrangla avec sa propre parole et poussa un soupir. Il était rare que celle-ci se montra si peu digne, sa discipline était gênée par l’admission. Elle n’attendait pas que Siuan jugeât Fay aussi durement qu’elle. Elle n’accepterait d’ailleurs certainement pas qu celle-ci dénigrât l’enfant, mais elle savait que l’espionne était suffisamment intelligente et la connaissait assez pour savoir ce dont elle avait besoin. D’une oreille ouverte, qui saurait envisager la situation dans sa globalité. Isla n’était pas là pour savoir comment changer Fay, mais comment s’améliorer elle-même. Elle se réinstalla sur le bureau, bougeant à peine et serrant davantage ses jambes l’une contre l’autre et puis lissa un pli qui s’était formé.
« She’s in love with her cousin. Andrea de Beaumenoir. I find it abject. She doesn’t care at all. I couldn’t handle it and I pushed her away, as I did with when Louis chose to leave. » La rêveresse ne voulait pas développer son argument, elle savait que l’espionne connaissait intimement ce mécanisme. « I have been hiding behind work, to not have to see her when she came to talk the other night. And I just lost it. She wanted the truth, I gave it to her. » La rêveresse retint un soupir et décida de noyer le regret perdu sur sa lèvre dans son verre. « Nevertheless, we made up in the end. » Les yeux de la prophétesse se perdirent un instant dans le vide, la gorge serrée, la confession de Fay la rendait furieuse. Elle sentit ses joues se colorer de colère et sa température faire un saut. Isla luttait avec son éthique de travail, savait que la vengeance n’était pas une manière de vivre. À la place, elle déposa son verre un instant et se soulagea de sa veste dans une tentative de se réguler.
La Darcy laissa un instant le silence peser, confortable. Il y avait une vertu à formuler ses erreurs à voix haute. Elle reprit gorgée de whisky et releva enfin les yeux vers l’espionne. Ses doigts tournaient sur le cercle du verre.
« As for the wolf… I guess I couldn’t handle that either. I had to talk to her. »
La prophétesse reposa le verre contre ses cuisses, l’entourant de ses deux mains, les ongles peints glissant sur leurs motifs creusés. Siuan soupira à nouveau et la rêveresse revint planter son regard dans le sien. Une part d’elle fut soulagée de l’entendre dire ce qui, pourtant, devrait terriblement l’inquiéter. Mais elle s’autorisait une courte pause sur le sujet. Que Filippa n’écoutât pas ses deux conseillères était particulièrement déroutant. Mais ne pas se savoir seule dans l’équation lui enlevait une épine du pied.
La suite du discours de l’espionne ne manqua pas faire tiquer la Darcy, qui baissa les yeux une seconde comme pour sonder le contenu de son verre. La prophétesse reprit une gorgée d’alcool pour faire passer la réflexion qui lui pendait sur le bout des lèvres. Elle ne comptait pas mentir à son interlocutrice et préféra attendre que celle-ci vienne à bout de son raisonnement.
Isla haussa un sourcil par réflexe alors que Siuan mentionnait Fay, cette fois, et avec justesse. La jeune femme n’avait pas mérité la froideur de sa mère de substitution, mais celle-ci peinait toujours à se faire au couple inceste. Isla ne comprenait pas comment Fay pouvait se laisser entraîner dans quelque chose d’aussi… impur. Elle le savait, l’herboriste était étrangère d’un nombre conséquent de règles, mais elle aurait préféré que la décence du sang lui soit au moins aussi sacrée qu’à elle. La prophétesse poussa un long soupir et se redressa un instant pour redresser ses épaules. Tout ça ne valait pas de s’affaler.
La Darcy passa une de ses mains sur son visage, visiblement mal à l’aise. Elle peinait à formuler la source de ses maux avec plus de clarté. Elle décida par ailleurs d’éclairer le cas de la De Beaumenoir avant d’aborder sa petite rencontre avec la maudite louve, s’accordant un peu de répit. « She… » La rêveresse s’étrangla avec sa propre parole et poussa un soupir. Il était rare que celle-ci se montra si peu digne, sa discipline était gênée par l’admission. Elle n’attendait pas que Siuan jugeât Fay aussi durement qu’elle. Elle n’accepterait d’ailleurs certainement pas qu celle-ci dénigrât l’enfant, mais elle savait que l’espionne était suffisamment intelligente et la connaissait assez pour savoir ce dont elle avait besoin. D’une oreille ouverte, qui saurait envisager la situation dans sa globalité. Isla n’était pas là pour savoir comment changer Fay, mais comment s’améliorer elle-même. Elle se réinstalla sur le bureau, bougeant à peine et serrant davantage ses jambes l’une contre l’autre et puis lissa un pli qui s’était formé.
« She’s in love with her cousin. Andrea de Beaumenoir. I find it abject. She doesn’t care at all. I couldn’t handle it and I pushed her away, as I did with when Louis chose to leave. » La rêveresse ne voulait pas développer son argument, elle savait que l’espionne connaissait intimement ce mécanisme. « I have been hiding behind work, to not have to see her when she came to talk the other night. And I just lost it. She wanted the truth, I gave it to her. » La rêveresse retint un soupir et décida de noyer le regret perdu sur sa lèvre dans son verre. « Nevertheless, we made up in the end. » Les yeux de la prophétesse se perdirent un instant dans le vide, la gorge serrée, la confession de Fay la rendait furieuse. Elle sentit ses joues se colorer de colère et sa température faire un saut. Isla luttait avec son éthique de travail, savait que la vengeance n’était pas une manière de vivre. À la place, elle déposa son verre un instant et se soulagea de sa veste dans une tentative de se réguler.
La Darcy laissa un instant le silence peser, confortable. Il y avait une vertu à formuler ses erreurs à voix haute. Elle reprit gorgée de whisky et releva enfin les yeux vers l’espionne. Ses doigts tournaient sur le cercle du verre.
« As for the wolf… I guess I couldn’t handle that either. I had to talk to her. »
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Siuan & Isla
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Le silence d’Isla était déroutant. S’agissant de Fay, la Spymaster ne pouvait savoir à quoi s’attendre. La jeune herboriste n’avait sûrement jamais fait de mal à quiconque dans sa vie, et qu’elle fut responsable d’un acte aussi ignoble que sa mère de substitution eût cessé de lui adresser la parole … Non, Siuan ne pouvait s’imaginer ce dont il était question. La gêne de la secrétaire était physiquement visible, et elle observait avec étonnement la forme se mouvoir avec une certaine anxiété. Les doigts lissaient un pli, indice subtil mais bien connu de la Spymaster, et elle releva les yeux à temps pour voir Isla reprendre la parole. Siuan aurait pu s’imaginer bien des choses, mais la vérité qui passa les lèvres de la prophétesse, jamais. Elle resta interdite, incertaine de la réalité des affirmations d’Isla. Le comportement avoué de la secrétaire n’était lui pas surprenant, un mécanisme bien connu que ne lui reprochait pas Siuan — qui avait ses propres défauts, à son avis bien plus prononcés. Elle eut envie de rire, mais elle se mordit la langue pour s’en empêcher. La prophétesse n’avait pas besoin de cela, c’était une évidence, et Siuan ne cherchait pas à l’accabler encore plus. Il était clair qu’Isla regrettait son comportement envers sa fille d’adoption, même si elle ne semblait pas regretter l’avis porté sur la situation de Fay.
Siuan lui laissa le luxe d’un silence, réfléchissant à la façon dont elle pouvait, le plus diplomatiquement possible, lui faire voir les erreurs de son raisonnement, mais elle fut prise de court par la suite des aveux de la prophétesse. Si elle avait bu, elle se serait étranglée sur son whisky. Elle ne fut pas en mesure de retenir sa réaction cette fois-ci. « You did what ?! » S’exclama-t-elle, un mélange de surprise et de consternation dans sa voix. Le tressaillement de la secrétaire n’aida en rien son exaspération. Elle se força à souffler, longuement, par le nez. Avec ses quelques mots, Isla avait perdu la grâce d’un semblant de tact de la part de Siuan. « All right. We’ll get back to that later … Firstly. Did you truly say to Fay that her relationship with her cousin was abject? » Demanda-t-elle, et ne cacha pas la pointe de dédain, et de déception, qui perça dans sa voix. Le regard d’Isla était une réponse suffisante. « What is wrong with you ? » S’exaspéra-t-elle, et elle pouvait voir l’expression soudaine sur le visage de la prophétesse, la défiance, qui s’indignait. Siuan laissa échapper un rire fatigué. « Isla. My mother, Druella, is my cousin. I know incest. My … Arturius, is born of incest. »
Elle passa une main sur son visage avant de relever les yeux vers Isla. « That girl is nothing like them. She’s … Bloody hell, Isla. She found happiness. Are you really going to begrudge her that? After all we’ve been through? Because it’s her cousin? » L’envie de se resservir un verre était pressante, et ce fut ce qu’elle fît, avec une main plus sûre qu’elle ne l’aurait imaginée. Sans un mot, elle remplit le verre d’Isla à nouveau. « They can’t have children. They’re not hurting anybody. » Continua-t-elle, comme si elle faisait une liste de courses. Elle prit une fine gorgée de whisky, se réinstallant confortablement dans son fauteuil. « I mean, sure. Andrea is not the sharpest tool in the box. But she’s going to protect her. » Siuan releva alors les yeux vers Isla, haussant un sourcil. « It’s not the end of the world. But you have to get over yourself, get off your high horse, or it won’t matter in the end how much you love her. You know that. » Elle la fixa d’un regard appuyé. « Happiness is hard enough to come by. Don’t make her choose … You were never cruel, Isla. » Finit-elle dans un murmure, et l’espace d’une seconde, sa main vint trouver le poignet de la prophétesse, qu’elle serra d’une caresse délicate. L’instant suivant, elle crispait à nouveau ses phalanges autour du verre de cristal. Elle souffla par le nez une nouvelle fois. « Now explain to me why you thought going for a chat with a sociopath was a good idea. »
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